J’ai déjà inséré dans ce site les fameux tableaux zen du dressage du buffle en 10 étapes, notamment la version Puming de Catherine Despeux. Il y a dans la tradition plusieurs variantes de ces tableaux et j’en ai choisi aujourd’hui une autre, celle de Koah Nguyen . Mais peu importe le choix de la variante, correspondant plus ou moins à telle ou telle sensibilité, car le fond reste le même et il illustre merveilleusement le parcours du chercheur spirituel.
On pourrait disserter largement sur chaque tableau mais je n’ai pas voulu le faire, non par fainéantise,mais parce qu’il me semble préférable de laisser à chaque lecteur le soin de méditer profondément ces étapes et de les intégrer selon son parcours personnel.
Version de Koah Nguyen : Extrait de son livre La Métamorphose de la tortue, 1995
Le premier classique archiconnu que nous abordons est la série des dix tableaux du dressage du buffle. Elle raconte par les images les difficiles retrouvailles entre notre esprit et notre vraie nature. Chaque tableau représente à la fois le franchissement d’un seuil, la prise de conscience, et une étape, la continuité plus ou moins durable d’un état d’esprit.
Tableau 1 : Chercher le buffle
La première prise de conscience nous fait sentir confusément la frustration due au manque d’unité entre notre esprit et notre nature, cette nature imaginée comme un buffle récalcitrant, rebelle, indomptable. Qu’est-elle donc cette nature insaisissable, où est-il donc ce buffle introuvable ?
Tableau 2 : Suivre les traces
Notre désarroi nous lance sur des pistes nombreuses, grâce aux Ecritures nous nous représentons enfin notre nature, nous apercevons enfin les traces du buffle.
Etudier et pratiquer les enseignements des anciens c’est la première démarche concrète pour atteindre un but encore abstrait.
Tableau 3 : Apercevoir le buffle
Une prise de conscience nouvelle nous fait percevoir les contours de notre nature apparente, le buffle est visible, presque à la portée de la main.
Tableau 4: Attraper le buffle
Séduits par les phénomènes extérieurs, nous n’avons pas su tourner notre regard vers l’intérieur. Maintenant nous savons que notre nature est une partie de nous-mêmes, farouche et sauvage comme le buffle capricieux et rétif.
Pour mater l’animal, la rudesse et l’intransigeance sont nécessaires, il faut user d’efforts énergiques et violents.
Tableau 5 : Garder le buffle
Notre nature apprivoisée et le buffle obéissant, nous devons rester vigilants et sévères, sinon il faudra courir chercher la bête égarée.
Tableau 6 : Ramener le buffle
La confiance est établie, plus de crainte d’écarts intempestifs ! Nous pouvons prendre le chemin du retour, nostalgie de la vieille demeure confortable et sûre.
Tableau 7 : Oublier le buffle
L’harmonie s’est installée entre notre vraie nature et notre esprit. Finalement le buffle n’existe pas, notre nature n’est pas séparée, elle est complètement en nous, elle est nous-mêmes.
Tableau 8 : Oublier l’homme
L’esprit non plus n’est pas individualisé, la totalité de soi-même est rassemblée, la communion est totale avec les maîtres anciens. Que faire d’une personnalité limitée et encombrante ? Mieux vaut la déposer simplement et la laisser se fondre.
Tableau 9 : Retourner à l’origine
Finalement, depuis le commencement tout est vide, tout est pur sans un seul grain de poussière. Les phénomènes qui apparaissent et disparaissent sans fin ne sont qu’illusions.
Tableau 10 : Aller au marché
Au sommet de la montagne ou dans la plaine c’est le même usage de la liberté. Contemplation ou action, tout a un sens car tout s’ajuste intimement au temps qui passe.
En s’adressant à notre intuition et à notre raisonnement analogique, cette série est une aide précieuse pour retrouver des jalons qui servent de repères dans notre cheminement dans la Voie. Le petit risque non négligeable serait que certains d’entre nous se complaisent dans un voyage par l’imagination et n’essaient jamais de s’extraire vraiment de notre agitation habituelle, considérée comme fatalement naturelle et normale.