Petit Memento pour Chercheur passionné !

Mont sacré Emei : Chine : 3100m-60000 marches.

 

Préambule.

 

L’incohérence du monde moderne !

Nous vivons une époque très délicate dans laquelle il devient difficile non seulement de transmettre les bases de la spiritualité, mais aussi simplement de les mettre en pratique. Car pour les mettre en pratique, encore serait-il nécessaire de les connaître et de se les rappeler, gommées qu’elles sont souvent par une période de profondes perturbations qui désempare beaucoup de personnes sincères et les empêche de suivre correctement la Voie qui mène à la Réalisation.

Il est certain, et je l’ai souvent répété, que chaque cheminement est particulier, spécifique, qu’aucun individu n’a besoin des mêmes choses au même moment. Ce qui, au passage, interroge beaucoup de comportements stéréotypés induits par les groupes spirituels qui sont obligés, pour maintenir un certain ordre et une cohérence, de proposer des enseignements basiques et fédérateurs.

Aveugle guidant les aveugles !

La Voie est certes solitaire, mais je me suis aperçu que les chercheurs risquaient d’adopter rapidement cette évidence pour éviter de se confronter à des remises en question sérieuses qui bouleverseraient le ronronnement de leur vie.
C’est prodigieux de voir avec quelle rapidité l’ego s’empare de certaines assertions pour se protéger. Et nous sommes tous en tant qu’êtres humains soumis à cette tendance dont nous n’avons pas à culpabiliser mais que nous devons sérieusement prendre en compte.
Ainsi nous risquons vite de passer de l’enseignement rassurant d’un groupe régénérateur d’identité défaillante à l’isolement égoïste et complaisant avec soi-même.
Je vois beaucoup de personnes, actuellement, se ranger dans l’une ou l’autre de ces deux catégories, malgré leur sincérité et leur bonne volonté.
Les premiers cherchent des méthodes, des groupes pour améliorer leur quotidien, que ce soit au niveau d’une réassurance énergétique ou de sociabilité.
Les seconds (souvent les mêmes mais quelques années après !), dégoûtés par l’aspect coercitif et liberticide des groupes, se renferment avec plus ou moins de bonheur dans un isolement souvent hautain, qui vire malheureusement parfois au désabusement mortifère.
Dans les deux cas d’ailleurs, et de manière subtile, c’est le même ego qui prédomine.

Désabusement mortifère !

Et il est parfaitement contreproductif de toujours rejeter la faute sur l’autre ou les autres plutôt que de voir en quoi nous avons failli à un moment donné.
Par les temps qui courent, les extrêmes prédominent aux dépens de la réflexion, de la pondération et du discernement nécessaires. Pourtant, l’on devrait plutôt favoriser, les échanges constructifs, les partages d’expérience et non les prises de position émotionnelles dans lesquelles chacun est intimement persuadé de son bon droit et se crispe sur ses certitudes. La Voie juste, celle du milieu, comme le rappelait le Bouddha, n’est pas facile à trouver.
Et je l’ai souvent rappelé, ce n’est en rien, comme beaucoup tendent à le penser, la voie médiocre ou un tiède compromis.

Avides de sensations fortes qui leur donnent l’impression d’enfin vivre, les gens déprécient la pondération, assimilée à une non-vie. Ils préfèrent souffrir plutôt que de trouver la sérénité. Ceci a d’ailleurs été largement constaté par les thérapeutes, habitués qu’ils sont à voir des gens s’embourber dans des problèmes inextricables mais qui ont au moins l’utilité de les faire vibrer, et de les faire se sentir vivants.

Avide de sensations fortes !

Voilà pourquoi la Voie du milieu nécessite au plus haut point un engagement sérieux pour déjouer les oppositions destructrices qui nous gouvernent et font que nous tombons régulièrement, quel que soit le sujet, dans un extrême ou l’autre.

Ainsi les véritables enseignements paraissent souvent contradictoires et certains gurus à certains moments proposent la solitude à quelqu’un qui veut se réfugier dans un groupe, ou le groupe à quelqu’un qui veut se blottir dans sa solitude douillette, qui devient alors isolement et non plus noble solitude

Déchiré par les contradictions !

Cette complexité devant être rappelée, il n’en reste pas moins que tous les enseignements spirituels de valeur ont des bases communes et ceci quelles que soient les traditions concernées. Et j’aimerais dans ce texte, volontairement un peu long, les rappeler afin que le chercheur sincère ait une sorte de trame à laquelle il puisse se référer. En effet, j’ai envie de lui faire confiance et de dépasser les diktats de l’époque. Ceux-ci assènent en filigrane que les gens sont de fait très limités et qu’il ne faut leur proposer que des choses très courtes et très simples, voire que le texte n’est plus adapté et qu’il faut faire de petites vidéos sur YouTube.
C’est le même raisonnement que les directeurs de chaine de télévision emploient, pour dire qu’aux heures de grande écoute il faut diffuser des jeux débiles et des programmes lénifiants. Quel incroyable mépris !

Personnellement je continue à croire en la sincérité, l’intelligence et la détermination de certains chercheurs, et c’est à eux que je m’adresse, même si la mode est à la facilité. Car je pense que LA MERVEILLE dont parle Bernard et dont témoignent tous les Êtres Réalisés ne se brade pas, et donc qu’il ne sert à rien de la déprécier.

Ils se croient libres !

De toutes façons les gens qui n’en ont cure ne liront pas ce texte. Ce n’est en aucune façon du mépris ou un manque de compassion, mais simplement le constat d’une réalité. Récemment encore, lors d’un échange profond avec Bernard, il me confiait que depuis 26 ans qu’il était Réalisé il avait reçu et vu pas mal de monde et que les chercheurs véritables qu’il avait rencontrés tenaient sur les doigts d’une seule main ! Inquiétant ? Non : réaliste !

Et voilà pourquoi Bernard continuait en évoquant toutes ces techniques de bien-être et de méditation du moment. Il me disait avec beaucoup de compassion dans la voix :
« Les gens sont tellement mal dans ce monde que ça peut les aider. ». Il n’avait ainsi aucun mépris pour ces multiples enseignants qui ne sont pas tous des gens malhonnêtes et qui désirent sincèrement apporter du bien à leur prochain, mais il rajoutait aussitôt et avec force :
« Mais mon cher Alain cela n’a absolument rien à voir avec notre Recherche, on ne parle pas du tout de la même chose. ».

 

 

Ne pas confondre Recherche et développement personnel !

Car pour Bernard un « vrai chercheur » qu’il soit dans un groupe ou pas d’ailleurs, doit être totalement passionné et emporté par cette recherche, qui doit être plus importante que l’air qu’il respire.
Il évoque souvent cette image qu’il faut avoir la même détermination dans sa recherche que celle de quelqu’un à qui on a mis la tête sous l’eau et qui essaie désespérément de remonter pour respirer.

Ferme détermination pour remonter à la surface !

Mais malheureusement ce que recherche la plupart des hommes ce n’est bien entendu pas LA RÉALISATION au sens où l’entendent Ramana ou Bernard, mais la réalisation de soi-même, l’épanouissement en toute liberté de ses potentialités (intellectuelles, sexuelles, artistiques, sportives, sociales etc…). C’est ce qui fait dire à Bernard et qui étonne beaucoup de monde alors que c’est d’une vérité criante :

LA RÉALISATION N’EST ABSOLUMENT PAS NATURELLE, ELLE EST CONTRE NATURE !

Le saut dans le vide est contre nature !

Et je ne peux m’empêcher de citer in extenso ce passage fondamental de Bernard qui éclaire ce sujet :
« La Réalisation ne se produit pas en l’être humain, mais en l’effondrement de l’idée (naturelle malgré tout) de n’être qu’un ensemble corps-mental. Quand l’identification au corps-mental tombe, explose, il ne reste que la BASE, cette VIE tout court. Et il n’y a rien d’autre puisque personne pour appréhender quoi que ce soit. Alors pourquoi cette Réalisation est-elle contre nature ?
Parce que la vraie nature de l’homme c’est tout simplement l’homme qui est né et qui meurt inévitablement avec ses désirs et tout le reste…
Voilà pour l’individu dans l’espace-temps, éphémère, limité, etc… mais la CONSCIENCE (elle aussi fragile et impermanente, puisqu’elle peut être détruite par la maladie d’Alzheimer par exemple) me permet de le voir et porte en elle cette merveille qu’est le pressentiment : pressentiment de l’Origine de cette vie particulière.
C’est grâce à ce pressentiment que cette MERVEILLEUSE BASE, cette VIE Éternelle, à l’origine de tout ce qui apparait, peut être appréhendée et finalement RÉALISÉE…… Pour les PASSIONNÉS SEULEMENT ! La poupée de sel est sortie de l’océan et va y retourner pour s’y dissoudre. »

Poupée de sel qui va se dissoudre dans l’océan !

 

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Trois points essentiels jalonnent le parcours du Chercheur.

 

1-LA FERME DÉTERMINATION, LA PASSION

Le grand Maître de l’advaïta Shankara parle du Désir intense de la Réalisation spirituelle, (mumukshu) et il l’incluait dans une de ses quatre qualifications essentielles requises pour la recherche. Il le comparait d’ailleurs au désir de sauter dans une mare qu’éprouve celui dont la chevelure a pris feu. Au douzième siècle le grand maître zen Dogen reprenait l’image :« comme si un feu vous brûlait sur la tête. ». Il est évident que, quelle que soit la voie suivie, ce critère est essentiel car comme dit le proverbe populaire :« On ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif ». Cela doit être intégré une fois pour toutes et ne nécessite pas de grand développement.

En revanche je veux bien m’attarder quelques instants pour répondre à une question qui m’est souvent posée par ceux qui, à un moment donné, prennent conscience en effet qu’ils ne sont pas assez passionnés et qui me demandent comment l’être plus.
Il m’est assez facile d’y répondre et je dirais d’emblée que si la passion manque, c’est que l’on est encore trop attaché aux illusions du monde et qu’on en attend trop.
L’être humain, après de multiples expériences, se rend compte des limites de ses investissements. Sans pour autant rentrer dans une dépression, qui serait encore le signe de trop d’importance donnée à ses problèmes et d’un centrage sur soi excessif, il acquiert peu à peu la certitude que rien ne viendra jamais combler totalement cette aspiration. Celle-ci le pousse à aller toujours plus loin à la recherche de quelque chose qui le satisfasse enfin réellement, qu’il l’appelle paradis, ou Bonheur éternel ou quelque autre mot que ce soit.

Comme le rappellent souvent Ramana ou Bernard, cette aspiration même est le signe d’un souvenir de quelque chose de plus grand qui nous compose et dont nous avons la nostalgie, si limités que nous sommes et à l’étroit dans nos carcasses terrestres. Le message d’espoir de tous les Réalisés, qui devrait être un viatique pour chacun c’est :

« VOUS N’ÊTES PAS QUE CELA ! TROUVEZ QUI VOUS ÊTES RÉELLEMENT !

On ne peut que se mouiller pour la Recherche quand on a constaté la vanité des choses de ce monde !

Donc que ceux qui ne se sentent pas assez passionnés, se souviennent que la passion est directement proportionnelle à la perception grandissante de la relativité des choses de ce monde. Et qu’ils se rassurent, ceci n’enlève rien à la reconnaissance des beautés de celui-ci, au ravissement devant un beau paysage ou devant le sourire d’un enfant.

Je n’ai jamais perçu autant de Vie et de candide naïveté que chez les Êtres Réalisés.
Les sourires de Ma Ananda Mayi résonnent encore en moi 40 ans plus tard, tout comme les humeurs plus que joyeuses de Bernard après 12 ans de chimiothérapie.
Pour terminer l’exploration de ce premier et essentiel critère je citerai un passage édifiant de Bernard qui éclaire parfaitement le sujet :
 « La plupart des gens voient la Recherche comme une façon de vivre. Ils vivent en faisant la tournée des gurus ou des gens qui témoignent. Et puis ils mangent bio par exemple ou même « vivent zen », c’est passé dans le vocabulaire. Pourquoi pas ? Ce n’est pas mal, mais on ne parle pas de la même chose. Moi j’attendais de sortir du bureau, il fallait que ça brûle là… (Montrant sa poitrine) C’est Ramakrishna qui ouvrait la chemise des gens pour voir s’ils étaient rouges, s’ils étaient brûlés, c’est étrange, mais il était un peu secoué lui, dans le bon sens quand même ! La Recherche n’est absolument pas un mode de vie, mais je n’ai rien contre tous ces gens et quand je les traite de touristes ce n’est pas méchant. Ils vivent comme cela parce que c’est agréable. C’est bien de manger bio et c’est meilleur d’ailleurs, pour la santé, pour le goût. Vivre zen, plus cool c’est bien aussi, mais c’est pour l’individu.

Le bien-être n’a absolument rien à voir avec la Recherche !

Nous, l’individu, on voudrait bien qu’il parte et il va partir, si on le veut. Mais c’est ce vouloir plein de passion, de détermination, ce n’est pas une volonté habituelle en fin de compte, ce n’est pas de vouloir comme un gars qui veut sauter 7m à la perche. Nous, ça n’est pas tout à fait cela quand même ; C’est une volonté d’AMOUR et c’est tout de même transformé par…Oui on vibre ! Tous mes modèles m’ont fait vibrer ! Pour moi le mot vibrer c’est participer, devenir participant de ce qu’ils vivent. Moi je disais à Elisabeth :
« Prends moi avec toi ! », on a envie de participer, de devenir comme elle.
« Fais moï vivre ce que tu vis ! », parce que franchement ça m’intéresse, en fin de compte et je ne pense pas que cela puisse être comparé à des pratiques parce que ce n’est pas une pratique, c’est de L’AMOUR. Il faut que l’on vibre avec ! Pour finalement arriver au saut de l’ange ! »

Le cœur doit brûler !

 

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2-LA CONNAISSANCE DE SOI.

 

 

Maître Siddharameshwar, guru de Nisargadatta, disait :
« Rien au monde n’est plus important que la connaissance de soi, aucune autre activité ni aucun autre accomplissement n’ont de sens. Les sages ne nourrissent qu’un seul désir dans leur cœur, celui de Réaliser l’Unité avec l’Essence de toute chose. »

Le grand Ramana ajoutait :
« LES GENS IGNORENT LA VRAIE NATURE DE LEUR ÊTRE QUI EST LE BONHEUR EN SOI, ILS PATAUGENT DANS LE VASTE OCÉAN DU MONDE DES APPARENCES ET REJETTENT LA VOIE JUSTE QUI MÈNE AU BONHEUR ABSOLU. »

Et Maître Dogen écrivait de son côté « Étudier la voie du Bouddha, c’est s’étudier soi-même. S’étudier soi-même c’est s’oublier soi-même. »
Sur ce dernier point, d’abandon de soi, Bernard appelle à la fois à la plus grande attention mais aussi à la prudence : non pas qu’il soit faux, inutile ou accessoire. Bien au contraire, il est fondamental et je ne l’aborde que pour indiquer une direction.
Mais là où je rejoins la prudence de Bernard, c’est que ce dernier point ne peut pas être atteint par la volonté. Comme il me l’a si bien rappelé :
« À aucun moment de ma recherche, je n’ai pensé ou désiré abandonner mon individualité, il faut avancer passionnément et cela se met en place de soi-même. »
Ceci est profondément juste et le fait d’avoir une volonté trop excessive, peut souvent être le signe d’un ego dominant et aller justement à l’inverse de la réalisation de cette perte de l’individualité.

J’ai aussi constaté d’expérience, que tout Être Réalisé qui était allé jusqu’au bout du chemin, avait nécessairement atteint ce point de détachement. C’est d’ailleurs un critère pour débusquer bon nombre de pseudo Réalisés qui n’ont pas accompli le saut final.

Dans le même registre, la grande mystique chrétienne béguine Hadewijch d’Anvers au 13ème siècle proclamait :
 « Si vous voulez atteindre cette perfection il vous faut d’abord apprendre à vous connaître bien réellement.
En toute rencontre demeurez égal, dans le repos comme dans la peine, en sorte que votre quête soit véritable.
Certains êtres peuvent se laisser tromper par leur imagination, et ne vivre qu’une contrefaçon de cette aventure. Dupes d’eux-mêmes, ils se mentent, s’illusionnent, se laissent berner par un persistant fantasme, en cédant à la tentation de brûler les étapes. »

Que oui ! Combien de gens veulent brûler les étapes et comme le disait prosaïquement Arnaud Desjardins mais non sans vérité : «croient être en terminale alors qu’ils sont au jardin d’enfants.».
Et je rajoute souvent :
Il est nécessaire de faire l’état des lieux avec sincérité et ne pas se décourager du travail à accomplir.
Mieux vaut surestimer le devis que de se retrouver à court ! Il n’y a absolument rien de répréhensible à en être là où nous en sommes.
Et c’est aussi une chose qui m’a frappé chez les Êtres Réalisés, de voir avec quel immense Amour et sans aucun jugement, ils prenaient les disciples là où ils en étaient.
C’est trop souvent une surestimation de nous-mêmes qui nous rend très malheureux et nous fait craquer quand la baudruche se dégonfle.

 

Voir ce qui est avec humilité !

La question qui m’est souvent posée et qui revêt je l’avoue une grande importance à notre époque est : « Cette connaissance de soi doit-elle passer par une thérapie ? ». Pas nécessairement ! Et il n’y a pas de normes et d’obligation en la matière. C’est à chacun de sentir en conscience s’il se sent trop perturbé, de recourir à une thérapie. Mais, utilisant mon expérience de thérapeute et de Chercheur, je peux dire simplement que les deux choses doivent être bien distinguées.

Trop de thérapeutes à notre époque se prennent pour des gurus et trop de pseudo gurus pour des thérapeutes.

Rendons à César ce qui est à César disait le Christ et : « Mon royaume n’est pas de ce monde ! »
La thérapie qui est une amélioration du fonctionnement de l’individu se situe en fait à un niveau horizontal, alors que la voie spirituelle est dans la verticale, justement en dehors des conditionnements de l’individu. C’est une sorte de percée lumineuse dans l’Être, dans le Suressentiel.

Je peux cependant constater qu’à une époque aussi perturbée, beaucoup de chercheurs se croient trop vite exemptés de thérapie, en utilisant trop leur engagement comme faire-valoir.

Croyant être à un niveau élevé de spiritualité, ils sont en fait souvent plus embourbés dans leurs manques affectifs que dans une réelle démarche d’élévation.

Quoi qu’il en soit cette connaissance de soi, assortie ou non d’une thérapie à un moment donné, n’a rien à voir avec un centrage excessif et narcissique sur soi-même, comme l’objectent parfois certains.

 Beaucoup de gens en effet, pour éviter ce retour douloureux à soi-même, prétendent que dans une époque aussi troublée, il est égoïste de se centrer sur soi et qu’il faut se consacrer à l’aide à autrui. Certains débouchent ainsi dans un activisme excessif qui est à l’opposé de la Voie. À ce genre de personnes, le Bouddha, Ramana ou Bernard répondent :

« Trouvez votre Soi et vous verrez s’il y a encore des êtres à sauver ! ».

 Je suis d’autant plus à l’aise pour évoquer cette critique et ce défaut, que j’en suis affublé par nature et éducation, et que Bernard me le fait travailler constamment.
Donc méfions-nous du raisonnement pervers qui nous fait prendre un défaut pour une qualité.
Commencer à se connaître soi-même c’est commencer à nous voir tels que nous sommes, avec nos qualités, nos failles, sans aucun jugement, ni aucune comparaison : en effet nos modèles doivent nous stimuler à grandir et pas à nous sentir coupables! Ils doivent rester une émulation positive qui remplit notre cœur tout au long de notre parcours.
Cette connaissance grandissante va nous mener peu à peu à estimer nos limites et à en prendre conscience. Nous touchons là un point fondamental qui requiert toute notre attention.
Nous pouvons maintenant aborder le troisième critère de la recherche :

Apprendre à poser ses limites !

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3-LE CONTACT DE CŒUR À CŒUR AVEC « L’AMI SPIRITUEL.* »

 

*J’utilise ici cette expression « d’Ami spirituel » totalement équivalente, en ce qui me concerne, à celles de Guru ou de Maître spirituel. Mais ces dernières, à tort ou à raison, ont une connotation négative à notre époque, qui semble parfois choquer certaines personnes.

 

 

Beaucoup s’appuient sur le fait que Ramana n’avait pas, soi-disant, de disciples, c’est une malhonnêteté intellectuelle qui repose sur la fameuse phrase :
« Quelqu’un peut se nommer mon disciple ou mon adepte, je ne considère personne comme étant un disciple. Si des gens se nomment mes disciples : je n’approuve ni ne désapprouve. De mon point de vue, ils sont tous semblables. Que puis-je leur dire ? »

Poursuivant cette malhonnêteté, ceux qui veulent s’exempter de la nécessité « d’Ami spirituel » invoquent également tous les passages et ils sont nombreux où Ramana ou d’autres grands Maîtres Réalisés mettent en avant le rôle du Maître intérieur qui est le Soi et qui seul peut guider le disciple vers la Réalisation.
Tout ceci est bien entendu vrai, à ceci près que l’on passe sans frémir, pour justifier son refus d’abandon, du niveau Absolu de la non-dualité, c’est-à-dire plus de Maître ni de disciple (« seulement Un : LE SOI. »), au niveau relatif qui est bien entendu le niveau duquel part tout chercheur.
Voilà pourquoi Ramana déclare avec une justesse confondante :
« TANT QUE VOUS VOUS PRENEZ POUR UN INDIVIDU, UN GURU EST NÉCESSAIRE POUR VOUS MONTRER QUE VOUS N’ËTES PAS LIÉ PAR DES LIMITATIONS MAIS QUE VOTRE NATURE EST D’EN ÊTRE LIBRE. »

Bernard Harmand Guru de Alain Jacquemart.

Le message est très clair et on ne peut qu’être étonné du nombre de gens qui à l’heure actuelle, dans un élan de liberté factice servant à protéger leur petit moi, se renferment dans l’illusion du guru intérieur qui n’est en fait que la projection de leurs désirs personnels.

C’est un point grave
 car toute l’histoire spirituelle montre que les Réalisés qui n’ont pas eu « d’Ami spirituel » sont extrêmement rares.
C’est dans ce sens où Bernard à juste titre, dit, qu’au fond Ramana est un très mauvais exemple pour le chercheur puisque non seulement il n’a pas eu de Guru mais en plus n’a pas accompli de recherche spirituelle.
Cela étant dit, pratiquement tous les Êtres Réalisés ont eu un Guru et gardent même pour lui, après la Réalisation, un respect et un Amour très grands.

Swami Ritajananda Guru de Bernard Harmand.

On se souvient de Nisargadatta faisant chaque jour une cérémonie devant la photo de son Guru et de tant d’autres. A chaque fois que Bernard évoque son « Swami » je sens la vibration d’Amour très forte dans tout son être.

Certaines personnes à qui je laisse la responsabilité de leurs propos m’ont trouvé atteint de « gurulâtrie infantile », probablement parce qu’ils n’ont pas l’expérience (que je leur souhaite de tout cœur !) de la relation d’AMOUR GRATUIT AVEC QUELQU’UN QUI A RÉALISÉ LE SOI. Cet Amour qui nous envahit nous donne l’envie de partager, et c’est ainsi que l’on en arrive à écrire deux livres sur son Guru, car lui-même n’écrirait rien. Remarquez bien au passage que la plupart des Êtres Réalisés n’écrivent pas, mais que ce sont leurs disciples qui par Amour transmettent leur témoignage.
Alors peu me chaut d’être taxé de gurulâtrie si mes humbles écrits ont pu toucher le cœur de quelques chercheurs, non par leur forme, qui n’a aucune importance en soi, mais par le souffle d’Amour et de véracité de Bernard qu’ils ont pu réussir à faire passer en dépit de leur aspect humain si limité.

L’Ami spirituel est une aide essentielle dans le cheminement car il débusque la supercherie complaisante que le chercheur peut avoir avec lui-même évitant soigneusement tout ce qui peut le remettre en question.

Ce fait est d’ailleurs largement accepté dans des milieux non spirituels puisqu’il est bien connu qu’il est préférable d’avoir un thérapeute extérieur plutôt que de se fier à sa propre auto-analyse qui est souvent un leurre.
Certains qui ont conscience de la nécessité d’un Ami spirituel vont jusqu’à le rencontrer et baignent dans une sorte d’euphorie « des débutants » un peu comme un amoureux transi qui croit être ébloui par sa belle, mais qui en fait, n’est amoureux que de l’image qu’il a de l’Amour, et non pas de celui ou celle qui est en face de lui.
Ainsi à la moindre difficulté, plutôt que de se remettre en question, ils estiment dans le meilleur des cas qu’ils n’en ont plus besoin, mais souvent aussi que le Guru n’est pas à la hauteur, ce qui est plus grave, car ils s’éloignent ainsi dangereusement de la Voie.

Cette relation fondamentale, je le rappelle, n’a rien à voir avec une relation habituelle, basée sur la séduction et les avantages réciproques.

Parlant du Guru, Nisargadatta dit :
« Quand quelqu’un parle avec quelqu’un d’autre c’est toujours avec une intention : les sages ont plus de compassion que vos parents. La béatitude du Soi est différente de la joie des sens. L’essence du Guru est identique à la Réalité suprême, indicible, sans limite. Sa nature est bénie et nous nous en souvenons encore et toujours. »

Cette relation bien entendu doit être nourrie, entretenue avec Amour : Dans ce domaine, il subsiste beaucoup d’incompréhension. Bernard dans son langage imagé dit par rapport au Guru que :
« Ce n’est pas la peine d’aller à la messe tous les jours ! ». Voici un exemple de plus des paradoxes que j’ai évoqués plus haut. Bien entendu ce qu’il dit est vrai et s’applique à des personnes qui seraient en manque d’affect et viendraient constamment importuner le Guru pour un motif futile.
Mais certains parlent de relation avec un Guru tout simplement parce qu’ils vont de temps en temps recevoir sa bénédiction. (Voir les milliers d’adeptes qui défilent au satsang d’Amma…)
Et ils se trouvent ainsi dédouanés, ne retirant du Guru que ce qui les arrange et conforte leur ego. Bien évidemment il n’y a pas de critères en la matière.
De la même façon, il n’y a pas un nombre d’entretiens prérequis avec le Guru pour être dans le bon chemin.
Chaque personne a besoin d’éléments différents. Mais tant qu’il reste des questionnements il est bon de pouvoir les poser. Cette relation de Pur Amour n’est pas indemne de remises en question pour le disciple. Si bien sûr, comme le dit le proverbe :

« Lorsque le disciple est prêt, le Guru apparaît ! »

Il n’en reste pas moins que tout ne fait que commencer et qu’un long chemin est encore nécessaire pour la plupart. Et les épreuves seront d’autant mieux surmontées que la relation sera plus forte.

En tout cas le mystère du Guru est indicible et depuis 14 ans que je fréquente Bernard, j’explore cette énigme, ce koan comme on dirait dans le zen, continuellement et rien de rationnel à son sujet ne peut exprimer la Vérité totale. J’en perçois quelques effluves par l’Amour désintéressé qui s’en dégage et par le travail qui s’opère en moi. Car la Voie n’a rien d’un chemin sans épines et notre transformation passe par des moments douloureux, que le Guru nous renvoie inévitablement puisqu’il est un miroir nous aidant à progresser. Ne croyons surtout pas que, parce que des difficultés nous arrivent, que c’est le guru qui en est responsable, amplifions au contraire notre Amour pour le remercier de nous aider à passer le cap.

Donc le rattachement à un Ami spirituel est fondamental mais en même temps c’est un point de réticence extrême à notre époque et qui en bloque plus d’un dans son évolution.
Il faut reconnaître cependant que cette réticence est malheureusement largement justifiée, car nous sommes à une époque où prédomine largement LE P.S.A ! Non pas le taux des antigènes spécifiques de la prostate ! Mais LE POUVOIR, LE SEXE ET L’ARGENT.
Ces trois principes animent chaque être humain à des degrés divers et peu sont exemptés de les travailler, de les apprivoiser, au cours d’une recherche spirituelle sérieuse. Au fond ils ne font qu’exprimer la deuxième noble vérité du Bouddha qui met en lumière la cause de toutes nos malédictions : LA SOIF, L’AVIDITÉ, LE DÉSIR, LA CONVOITISE (Tanha en Pâli)
Les textes bouddhistes déclarent :« Les êtres humains étant sujets à la vieillesse, à la maladie, à la mort, la souffrance, les lamentations, la peine et le désespoir, ce désir leur vient : -Oh si nous pouvions n’être pas assujettis à ces choses, si ces choses pouvaient ne pas nous atteindre ! – Mais cela ne peut être obtenu par un simple souhait, et ne pas obtenir ce que l’on désire est souffrance ! ».
Cette prévalence du P.S.A n’épargne donc pas malheureusement les milieux spirituels de quelque origine qu’ils soient : Zen, Tibétains, Chrétiens.
C’est ainsi que de très nombreux maitres et prêtres très reconnus sur la place publique, furent mêlés à d’énormes scandales sexuels ou financiers et même souvent les deux à la fois.

Comment s’étonner ensuite de la méfiance des gens à s’engager ?
Car Bernard me le répète très souvent et je partage absolument son point de vue :
« Il n’y a rien de pire, c’est la faute la plus horrible, de trahir la confiance de personnes dans ce merveilleux domaine de la spiritualité. »
Voilà pourquoi on ne saurait assez mettre en garde les gens sur le discernement nécessaire avant de s’engager avec un Ami spirituel.

 

Les loups rôdent !

Le discernement est d’ailleurs une des quatre qualifications essentielles requise par Shankara pour valider une recherche.
Il est fondamental d’arriver à discerner entre ce qui est permanent et impermanent, entre ce qui est sincère ou falsifié.

L’Amour d’un Ami spirituel véritable n’a rien à voir avec l’émotion, il jaillit du cœur et est un pur don qui régénère parce qu’étant absolument gratuit, il ne demande rien en retour. Et on ne s’y trompe pas, il n’est qu’à sentir la légèreté qui nous anime auprès de quelqu’un qui nous aime réellement, sans même parfois nous le signifier par des mots.
Et d’éprouver en revanche la lourdeur qui nous oppresse face à quelqu’un qui est englué dans ses frustrations, ses manques et ses concepts.

On me demande encore souvent comment on peut rencontrer son Ami spirituel. Il ne s’agit pas bien sûr d’aller à la foire aux gurus qui pullulent sur internet, rappelons que ce n’est pas une démarche volontariste qui rentrerait encore dans le domaine de la séduction, faisons confiance, préparons-nous, et comme le dit si bien Ramana :
« Ce qui est à l’intérieur en tant que Soi, se manifeste en temps voulu en tant que Guru sous forme humaine… Vous prenez le corps pour le Guru mais le Guru ne se prend pas pour cela, il est le Soi sans forme, celui-ci est en vous mais il apparaît à l’extérieur seulement pour vous guider. »
La rencontre du Guru, si merveilleuse soit-elle, n’oblitère en rien le travail que chacun a à faire sur soi-même. Certains en effet invoquent abondamment « la grâce du guru » pour se dispenser de tout effort. La formule la plus à la mode qui me met hors de moi (Bernard aussi s’en offusque), et qui est un honteux détournement d’un enseignement fondamental du vedanta, est :

« IL N’Y A RIEN À FAIRE PUISQUE NOUS SOMMES DÉJÀ ET DEPUIS TOUJOURS LE SOI ! »

Bernard est très clair là-dessus et l’a exprimé à plusieurs reprises, en voici un exemple : « On entend sans arrêt dire qu’il n’y a pas besoin de pratiques, eh bien qu’ils ne fassent rien et puis on verra ! Pour moi c’est absurde !
Encore une fois ce n’est pas un enseignement que je donne, je témoigne et dans mon parcours, on ne peut pas dire que je n’ai rien fait !  Rien faire : Moi je réponds au contraire :IL FAUT TOUT FAIRE !
On continue de dire pourtant que l’on est déjà dedans (LE SOI) …On en provient oui mais on en est sorti pour faire une existence particulière, une vie particulière dans un espace-temps, et il reste en nous quelques traces (pour certains pas mal !) qui nous rappellent nos origines. Mais il va falloir faire le chemin inverse pour pouvoir y retourner.
C’est pour cela que j’utilise l’image de la poupée de sel de Ramakrishna (il ne l’employait pas pour cela, lui) mais moi je l’emploie comme cela pour le retour. Elle est sortie de l’Océan, elle en provient, mais il va falloir qu’elle fasse le chemin inverse pour y retourner. »

Ceci est, me semble-t-il, parfaitement clair. Même s’il est évident, et je peux en témoigner largement, que la présence de l’Ami spirituel est effectivement une grâce abondante qui transforme continuellement la vie, il n’en reste pas moins que le chemin à accomplir est ardu. Mais on traverse ces difficultés avec d’autant plus d’entrain et de joie que l’on est porté par sa propre détermination et l’Amour de l’Ami spirituel.

Ce : « il faut tout faire ! » qu’évoque Bernard comporte un ensemble d’outils que le chercheur va utiliser en fonction de ses conditionnements familiaux, culturels, physiologiques et ceci va d’ailleurs évoluer au cours de la vie : certains qui avec foi ont fait des prières toute leur enfance, vont se mettre à faire du yoga, de la méditation ou ressentir d’autres aspirations.
Chaque Voie spirituelle propose ses outils qui sont tous justes en soi mais qui ne peuvent convenir à tous. Comme dit Bernard : « tout est bon »
Et même si les outils changent, ceux qui sont délaissés n’en ont pas moins permis d’avancer, de se construire, car ce n’est pas l’outil en soi qui compte mais l’édification de l’Être qu’il permet !

Chacun en conscience devra non seulement adopter les outils qui conviennent à sa nature mais aussi s’assurer qu’ils le font progresser. Si un outil ne nous convient pas, mettons- le de côté car c’est la transformation et le but qui sont importants.

Pour ce faire, il me semble essentiel que le chercheur soit en résonance, en adéquation profonde avec les outils qu’il emploie et qu’il n’agisse pas sous l’effet d’une mode quelconque ou d’une pression sectaire, ou tout simplement par imitation. Les voies de garage et les embûches sont nombreuses. Voilà pourquoi c’est toujours le Bonheur et la Passion de la recherche qui doivent dominer.
Je signale souvent qu’il y a une énorme différence entre un effort facilement consenti dans un cadre d’enthousiasme et de ferveur et une contrainte pénible qui ne fera qu’accentuer la dissonance et mener au désabusement.

Je voudrais, pour finir sur ce domaine des outils, bien repréciser deux choses essentielles :
Le Bouddha fort justement disait que la seule chose importante était d’atteindre l’Autre rive et que pour cela un radeau était nécessaire, et bien entendu les outils dont je parle constituent ce radeau.
Il ajoutait avec une justesse confondante que lorsque l’on était parvenu sur l’Autre rive, il était nécessaire de laisser tomber le radeau. Il indiquait par-là que les moyens employés servent uniquement à atteindre l’Autre rive et que, de ce fait, les outils n’ont pas une valeur en soi. Ou bien, pour prendre une autre image zen, le doigt qui montre la lune n’est en rien la lune.
J’ai pu constater que trop de gens s’attachaient aux outils, oubliant trop souvent de ce fait le but final, et qu’en plus de s’y attacher ils en faisaient parfois un moyen d’exclusion et de revendication de supériorité sur les autres.

Quand le sage montre la lune, l’imbécile ne voit que le doigt !

Il me semble très important de signaler que la croissance de l’Être peut s’opérer également par des « outils » qui n’appartiennent pas nécessairement à une Voie spirituelle conventionnelle : tout ce qui nous rapproche de notre centre est bon !

À une époque où tant de voies sont devenues possibles, il est essentiel de ne pas retomber dans ces fameuses guerres de religion où chacun se persuade qu’il est dans le camp du vrai et du bien et attend avec condescendance (et parfois même avec un prosélytisme violent) que les autres l’y rejoignent. Ce n’est pas la nature de l’outil qui fait la qualité du chercheur.

La beauté de la Recherche doit constituer entre les chercheurs sincères la possibilité d’un partage profond et fraternel au-delà de la nature des outils employés qui elle, est bien relative.

« Mais ceux qui pensent que c’est impossible sont priés de ne pas déranger ceux qui essaient ! »

 

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EN GUISE D’ÉPILOGUE.

 

Ô toi courageux lecteur qui t’es aventuré jusque-là,
Puisses-tu être rempli de cette passion dévorante
Qui va te mener au seul vrai et beau voyage qui importe !
Celui-ci te comblera de bonheur au-delà des épreuves
Et des vents contraires qui te burineront le visage :


C’est le voyage vers l’évidence, le retour à ta Vraie Nature.

 

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