« Promotion de soi ou promotion du SOI ? »
« LA CONNAISSANCE EST INNÉE,
MAIS ENCORE FAUT-IL ALLER LA DESCELLER
DANS LES PROFONDEURS OÙ ELLE NOUS TRAVAILLE. »
Charles Juliet.
Très souvent sur ce site, je me suis élevé contre cet esprit moderne qui dénature tout et qui, notamment dans le monde de la spiritualité, met en avant de manière éhontée des contrefaçons de la rare splendeur qu’est un Être réalisé. On m’a d’ailleurs parfois fait le reproche de trop m’attarder sur ce genre de déviation, m’incitant à ne voir que les choses positives. Je comprends l’argument, qui se défendrait, si l’époque n’était devenue à un tel niveau de dégénérescence, qu’il ne faille continuer à mettre en garde les chercheurs humbles et sérieux sur les pièges qui encombrent le chemin.
Il est tout de même curieux que peu de gens ne soient étonnés de la progression fulgurante des éveillés d’internet, alors que de nombreux sages dont Nisargadatta, déclarent qu’il y en a un sur des millions et que c’est une denrée extrêmement rare. J’ai toujours en tête également Bernard qui , passant en revue tous les chercheurs rencontrés en plus de 15 ans, égrène avec difficulté et sur les doigts d’une seule main , le nombre des chercheurs qu’il considère comme « sérieux ». Je veux bien entendre également l’argument souvent avancé, que notre époque étant justement devenue si décadente, les critères ont dû être revus à la baisse (au passage par qui ? Par quel Dieu?…Quel anthropomorphisme !) et qu’il faut de plus en plus d’éveillés pour sauver le monde. J’entends, mais n’en reste pas moins sceptique !
Très étonnant également le nombre de gens qui, utilisant le langage néo-advaïta actuel, et voyant l’âge avancer, disent avec sérieux « que la recherche elle-même les a quittés ! », manière sophistiquée de dire qu’ils sont allés au delà du par-delà et que pleinement éveillés, ils se contentent de plonger dans « la Présence » sans s’encombrer des contraintes réservées aux pauvres hères qui n’ont encore rien compris à la voie.
Être désabusé par les nombreuses croyances spirituelles que l’on a traversées ne signifie en rien que l’on est établi dans la Présence.
Tout cela ne fait pas très sérieux et ne fait que dénoter encore plus, le bas niveau actuel.
Concernant ce sujet, je suis toujours sincèrement étonné et avoue ne pas avoir moi-même de réponse précise sur la cause de ces pseudo-éveillés à profusion. Je suis récemment tombé par hasard sur une video d’internet qui frôlait la caricature, dans le ton employé, les mimiques, la lenteur étudiée de l’élocution, dans les pseudos dont s’affublent ces bouddhas new age. Non moins étonnants et inquiétants, les commentaires des gens sur les videos, tous dithyrambiques, remplis de fascination naïve. Depuis quelque temps une nouvelle « subtilité » apparaît chez nos éveillés d’internet, sorte de cerise sur le gâteau censée probablement pimenter le repas : les satsangs à deux ! Ainsi on a le flot alterné des paroles de deux éveillés: quelle chance inespérée l’éveil puissance 2 ! Les exemples précédents sont les plus pathétiques et m’attristent bien souvent, mais ce ne sont peut-être pas les pires car on découvre également des personnes à l’élocution normale, qui de plus ne disent pas de bêtises sur la non-dualité, ils présentent bien, ont un aspect agréable, voire séducteur, et dans ces cas le danger est plus dur à déceler. Pour la plupart la conclusion les trahit car ils se mettent à proposer des stages contre monnaie sonnante et trébuchante, pour atteindre en quelques étapes l’éveil libérateur, ou au pire, si celui-ci contre toute attente n’a pu avoir lieu, un sentiment de bien-être et de libération dans son corps et dans ses relations avec autrui. D’autres enfin, n’ont même pas l’appât du gain, semblent sincères et se contentent probablement d’une valorisation narcissique qui donne sens à leur vie.
Au début de cette « invasion informatique » j’ai consulté Bernard pour lui demander son avis et son ressenti, car le discernement étant tellement délicat, je doutais de la validité de mon propre ressenti. Il a accepté, un peu contraint et pour me faire plaisir, mais son jugement fut sans appel et même dans les cas que j’estimais les meilleurs, il a de suite affirmé que de toute évidence, ces gens n’étaient pas allés « au bout du chemin ». Il disait même que la plupart lui faisaient presque mal physiquement, car pour lui c’est grave de galvauder « cette merveille de la Réalisation » même avec sincérité. Mais il admet également que « c’est ainsi » que cela fait partie de la dégradation actuelle et il est persuadé que chaque chercheur véritable aura le discernement nécessaire pour progresser. Je le rejoins tout à fait désormais sur ce point et ne perds plus de temps sur internet mais je fais encore cet article , non pour entreprendre une croisade quelconque contre des moulins à vent mais simplement à titre indicatif, de manière sereine, sans aucun ressentiment, simplement pour garder en éveil ceux qui peuvent et doivent l’être. Il faut d’ailleurs signaler que cette mise en garde sur les sujets spirituels s’applique également sur internet à tous les autres domaines (politiques, scientifiques, culturels, médicaux etc…). Le discernement étant devenu le maître mot à notre époque !
Mais dans le domaine qui nous occupe, il reste cependant pour moi une réelle interrogation métaphysique et psychologique. Qui sont ces gens ? Quel est leur « fonction cosmique » en quelque sorte ? Comment ne se rendent-ils pas compte de l’énorme décalage entre ce qu’ils disent et sont ? N’ont-ils aucun sentiment de ridicule, de gêne ? Comment se peut-il que la question ne les effleure un tant soit peu ?
Je ne peux me résoudre à la facilité qui consisterait à les traiter tous avec trop de sévérité, car au-delà des escrocs, qui certes existent, il y a bon nombre de gens sincères. Je ne stigmatiserai jamais l’erreur chez quiconque, ne serait ce que pour l’avoir vécue moi-même à certains moments et avoir constaté que tout chercheur progresse à partir de la reconnaissance de ses erreurs. En outre, toute recherche sérieuse mène nécessairement à une meilleure connaissance de soi-même et de l’être humain donc à une humilité et une compassion de plus en plus grandes.
Il n’en reste pas moins vrai qu’’une erreur reste une erreur et que, même si le fait de la reconnaître est un progrès, cela ne change en rien sa nature. Il est nécessaire ensuite de la corriger. La sincérité n’est pas, loin s’en faut, un gage d’accord avec la vérité de CE QUI EST.
Comme le dit avec justesse le proverbe populaire : « l’enfer est pavé de bonnes intentions ! ».
Un ami de longue date, chercheur lui-même, à qui je faisais part de mon questionnement sur ce sujet, m’a fait cette réponse qui me semble être plausible :
« Ma réponse est peut-être simpliste mais j’en reviens toujours à la même explication : ce sont probablement des personnes sincèrement touchées par une forme de réalisation très embryonnaire, désarçonnées et devenues incapables(ou en tout cas en grande difficulté) à concilier ce « choc » avec le quotidien et le monde.
Ils cherchent de ce fait sincèrement un refuge pour échapper à la dissonance et choisissent maladroitement de tenter d’en vivre en partageant ce qu’ils ont « rencontré » (ou plus exactement à mon avis : entre-aperçu) ; Ils se retrouvent alors pris au piège de la naïveté enthousiaste et dévote de celles et ceux qui résonnent naturellement avec les bribes qu’ils arrivent, tant bien que mal, à exprimer. Cette corde résonne facilement en tout être humain, surtout dans une époque aussi déboussolée spirituellement (désaffection des religions, multiplication à profusion des propositions dites spirituelles) . Tout ceci fait entrevoir aux pseudo-réalisés, un chemin de vie qui prend sens…….Sauf que c’est évidemment un des pièges les plus grossiers sur la voie ! »
Un autre ami très cher, familier de ce site, Jean Marc Vivenza à qui je posais la même question me répondit :
« L’âge actuel est celui, précisément, par l’envahissement de la virtualité numérique, de la « déréalisation », et il n’est pas étonnant que le discours mécanique et répétitif sur la vérité, enchaînant les poncifs les plus éculés en mettant les lapalissades sur l’unité au sommet de ce qui est considéré comme l’ultime lumière spirituelle, tienne lieu de critère de « réalisation ». Or l’Éveil – qui relève d’une discipline rigoureuse s’accompagnant d’un rattachement à une voie traditionnelle authentique, n’a strictement rien à voir avec ces caricatures qui envahissent les écrans du monde de l’internet, dont on peut considérer qu’elles témoignent de la désorientation généralisée et de la perte de sens qui se sont abattus sur nos temps, marqués et déterminés par les fumées et brouillards de la confusion intellectuelle et métaphysique.
Le problème, sérieux évidemment, c’est que la voie du non-dualisme fut depuis toujours, en Orient comme en Occident, en quelque sorte «l’ésotérisme» du domaine religieux, dont il complétait les vues limitées et limitatives par un enseignement libérateur réservé à un petit nombre d’esprits capables d’affronter les évidences transcendantes les plus radicales. Cependant ce domaine religieux, en particulier en Occident, étant partiellement dégradé par l’effet d’un processus régressif, participant historiquement, d’une dégénérescence, tout d’abord celle graduelle de l’institution ecclésiale, et parallèlement de la société sombrant dans un individualisme forcené, les deux domaines ne peuvent plus fonctionner en harmonie complémentaire. De la sorte, le non-dualisme coupé de son lien « exotérique », tourne en rond, et devient une sorte de posture de type girouette pour des bavards en mal de publicité, paradoxalement produisant avec le lexique néo-advaïta, une illusion catégorique amplifiant la confusion qu’ils prétendent combattre. Julius Evola rappelait fort justement à ce sujet : « […] dans un système traditionnel complet, religion et initiation sont deux degrés ordonnés hiérarchiquement, dont le rapport s’est exprimé dans le domaine doctrinal par l’exotérisme et l’ésotérisme, la simple foi et la gnose, la dévotion et la réalisation spirituelle, le plan des dogmes et des mythes et le plan de la métaphysique .» Lorsque le « système traditionnel » vient à faire défaut comme c’est le cas aujourd’hui, il n’est donc pas surprenant que « l’initiation » devant conduire vers l’Éveil, à son tour, tombe dans la grossière caricature d’elle-même, le verbiage mensonger et, objectivement, la pure contrefaçon spirituelle.
[1] J. Evola, L’Arc et la Massue, ch. XI, « Sur la notion d’initiation », Pais, Puiseaux, Guy Trédaniel / Pardès, 1983, p. 111.
Quelle que soit la forme que prennent les doutes de chacun sur ce sujet, il est rassurant de constater que nous ne sommes pas solitaires dans ce questionnement critique et quelle ne fut pas ma satisfaction de découvrir une excellente revue du centre ADITI, dirigé par Renaud Fabbri et les éditions : Le Refuge du Rishi. Dans le numéro 4 de la revue , que je recommande vivement et qui est entièrement consacré à l’Advaïta Vedanta, Renaud Fabbri fait à mon sens un excellent éditorial qui recoupe tellement ce que je ressens que je me permets de l’insérer pour sa plus grande part ci-dessous.
« Vedanta signifie littéralement « La fin des vedas », désignant le point de vue purement métaphysique que l’on trouve exposé dans les Upanisads, qui est la dernière portion des Écritures Saintes de l’Inde. Selon les maîtres de cette école, au premier rang desquels on doit citer Badarayana, l’auteur des Brahma-sutra, Gaudapada, Shankara, ou encore Suresvara, l’Absolu ou le Brahman est l’unique réalité et c’est notre ignorance (avidya) qui nous fait percevoir le multiple sous l’aspect du nom et de la forme (nama-rupa). Le but de la voie spirituelle consiste en une prise de conscience de l’identité suprême entre le Soi ou Atman et le Brahman, Tat tvam asi, « tu es cela », enseigne Uddalaka Aruni à son fils Svetaketu dans la Chandogya-upanisad.
Toi, petit être limité par l’espace et le temps et promis à la mort, dans ta nature véritable, tu es identique au principe de toute chose.
On pourrait aisément définir le vedanta non-dualiste par la négation de tous les contre-sens que notre époque commet le concernant. Alors qu’une société encore empreinte de catholicisme pouvait voir dans la connaissance du Soi, une forme de « mystique naturelle », notre temps n’hésite pas à réduire le Moksha (Réalisation) à un simple « éveil », derrière lequel il met volontiers quelque douteux « état modifié de conscience », accessible « à tous »
Des « illuminés d’Occident » se pressent d’ailleurs sur les chaînes You Tube pour témoigner de leur expérience et nous promettre un état similaire, moyennant monnaie sonnante et trébuchante. La délivrance ne serait finalement pas quelque chose d’aussi extraordinaire qu’on le croit généralement et les délivrés se compteraient par milliers conformément à la logique de nivèlement qui est à l’œuvre partout.
Et pourtant, les Saintes Écritures indiennes le proclament sans ambiguïté : « Celui qui connait le Brahman est Brahman. » (Mundaka-upanisad, III, 2, 9).
La vraie Délivrance (Réalisation) consiste en un dépassement effectif de la condition humaine, mille fois plus proche du contact avec l’Un dont nous parle Plotin dans les Ennéades que l’état d’hébétude dans lequel sont trop souvent plongés ceux qui confondent promotion de soi et réalisation du Soi.
Sauf que la voie de réalisation néoplatonicienne s’est perdue avec la fin du monde antique, et ce, même si certains éléments ont été conservés dans les voies mystiques tant chrétiennes que musulmanes, alors que le vedanta non-dualiste continue à se transmettre en Inde par des lignages ininterrompus remontant, si on en croit la tradition, au temps des Rishis. Non pas que l’Inde ait été préservée de l’influence délétère du monde moderne, avec son cortège d’illusions et de contrefaçons.
Contrairement à ce que les agences de tourisme spirituel voudraient nous faire croire, les jivanmukta (réalisés) ne courent pas les rues en Inde. Il n’empêche que certaines portes restent entre-ouvertes pour les humbles chercheurs de vérité qui SAVENT QU’AVANT DE VISER L’ÉTAT ULTIME, IL FAUT CONQUÉRIR UNE RECTITUDE QUI OFFENSE UN ÂGE D’HORIZONTALITÉ.
NDLR : Illusoire liberté : de l’horizontale à la verticale. – Blog Tout par amour
Une autre erreur fort répandue consiste, au nom de la non-dualité, à sombrer avec un délice coupable, dans le relativisme. Si tout est Un, si toutes les dualités doivent être ultimement surmontées, alors les distinctions entre le bien et le mal, le juste et l’injuste perdraient leur sens, tout comme l’idée d’ordre et de hiérarchie. Le vedanta vient ainsi au secours du nouvel impératif catégorique de la postmodernité : « Tout se vaut, tout est égal , il ne faut pas juger. »
C’est pourtant faire fi de la distinction que pose ce darshana (point de vue doctrinal) entre le plan empirique et le plan absolu. Si du point de vue absolu, il n’y a plus lieu d’opposer le bien et le mal, de ce même point de vue, il n’y a non plus personne qui puisse accomplir le mal ou se complaire dans le vice. Les défenseurs du relativisme moral post-moderne aussi bien que les faux gurus font leur miel d’un non-dualisme mal compris.
Ils oublient pourtant que Shankara, loin d’être un iconoclaste, se fit le chantre d’un dharma qu’il a tout fait pour restaurer dans sa plénitude. On pourrait d’ailleurs aisément rapprocher ce dharma de la notion antique et médiévale de « droit naturel », de cette idée que l’homme qui n’a pas encore goûté de la déification, qui n’est pas devenu Un avec le Tout doit chercher sa place dans un ordre qui le dépasse par l’accomplissement de son devoir propre (Svadharma). »
Renaud Fabbri
extrait de l’éditorial de la revue ADITI numéro 4 de 2022.
Editions : Le Refuge du Rishi et centre Aditi d’études sur la Tradition Hindoue.
https://centre-aditi.com/
Dans ces témoignages un point important me semble être la déréalisation dont parle Jean Marc Vivenza et le manque de structuration de base qui lui est liée. La plupart des êtres Réalisés ont eu une solide structuration de base de par la culture dans laquelle ils étaient insérés. Même s’il s’en éloigne totalement désormais, Bernard a été élevé dans un milieu catholique, pratiquant, et disons que sa ferveur pour la voie, pour la recherche, y a trouvé, au moins pendant un moment, un étayage important.
Comme le dit si bien Renaud Fabbri, Shankara, loin d’être l’iconoclaste que l’on veut voir en lui , s’est fait le chantre d’un dharma( devoir) qu’il a voulu restaurer dans sa plénitude. Nos spirituels actuels veulent souvent, par paresse ou ignorance, éviter cette étape de formation et croient avoir décroché le pompon avant d’être monté sur le manège.
Comme je le dis souvent il y aura bientôt plus de thérapeutes que de malades et beaucoup plus « d’éveillés » que de chercheurs : cherchez l’erreur ! On ne devient pas bon maçon (ou franc maçon !) en regardant quelques tutos sur internet. On ne devient pas bon thérapeute en quelques stages de formation le week-end. On ne devient pas bon médecin en suivant quelques stages de médecine chinoise, même si on y ajoute les massages californiens et quelques imprégnations de chamanisme. On ne devient pas « éveillé » en s’abreuvant des vidéos de nos bouddhas new age, ni même en débitant sur un ton compassé toutes les oeuvres de Nisargadatta.
Il est maintenant largement prouvé scientifiquement que les fonctions essentielles d’apprentissage et de formation ne peuvent se développer qu’à un certain moment et si elles sont stimulées adéquatement. Si l’apprentissage ne se fait pas au moment voulu les capacités d’intégration et de développement des fonctions deviennent de plus en plus difficiles au cours du temps, voire impossibles. C’est notamment valable pour le langage et bien d’autres apprentissages.
J’ai souvent signalé sur ce site à quel point le délitement des traditions religieuses avait endommagé la formation spirituelle, morale des êtres humains. Cela ne veut pas dire qu’il soit nécessaire de rétablir des croyances religieuses, qui par ailleurs avaient leur poids de négativité.
Je suis d’ailleurs plus que circonspect par rapport à la démarche actuelle de nombreux prêtres chrétiens qui, profitant de la décadence new age, essaient de ramener les brebis égarées, en agitant le drapeau du « démoniaque » devant toute démarche qui n’est pas la leur. On n’évoluera pas dans ces problèmes délicats à coup d’exorcismes de toutes natures mais il est nécessaire au cours des siècles à venir, de se poser sérieusement la question et de voir comment les traditions décadentes peuvent être revivifiées ou simplement remplacées, par des éléments de valeur équivalente.
Je n’en prendrai qu’un seul exemple : celui des rites funéraires. Beaucoup de gens s’accordent à dire qu’ils préféraient un rite de base, simple, épuré, esthétique( solennité des chants grégoriens, de l’orgue) à cet espèce de prestation actuelle , se passant dans l’anonymat glaçant d’un funérarium, avec un maître de cérémonie souvent obséquieux qui débite des généralités sur des musiques d’ascenseur. Et même dans le meilleur des cas, mon ressenti est que ces cérémonies « laïques » sont par trop empreintes de « sentimentalité très superficielle », manquant de pudeur et d’élévation, avec des gens qui, aussi sincères qu’ils soient, dénaturent la gravité et la profondeur de ce moment. J’admets aussi qu’il était tout aussi lourd d’assister au sermon de certains prêtres qui récitaient des choses qui, pour la plupart leur étaient étrangères. Mon propos n’est certes pas de dire, que c’était mieux avant, mais que de toute évidence, il va falloir se réinventer, pour redonner souffle et charpente à une véritable spiritualité, qui s’enracine dans l’être essentiel, dans les tripes, le cœur, la sincérité profonde et non dans ce simulacre empreint de psittacisme (faire le perroquet !) de la spiritualité new age.
En un mot, et Bernard utilise souvent ce vocable : il est nécessaire d’être VRAI . Et cela nécessite d’avoir des bases qui sont largement défaillantes à notre époque de relativisme, de déréalisation, de manque d’étayage. La tâche est immense mais c’est un merveilleux défi à relever pour les humains à venir. Car il s’agit, comme je le rappelle souvent, de trouver la voie du milieu, la voie la plus haute, enseignée entre autres par le Bouddha et qui se situe entre un conformisme traditionnel étouffant et anémiant et un délire d’autonomie new age, coupé des racines profondes, qui mène droit dans le mur, après d’amères désillusions. Charles Juliet dans son journal décrit finement les travers de notre monde :
« Tous n’ont qu’un but : s’empresser de se créer des devoirs et obligations, afin de n’avoir pas à se rencontrer, à affronter l’angoisse de vivre. Ainsi, métier et famille, servitudes et responsabilités de toutes sortes, n’ont pour fonction que de former écran, dresser un rempart, plonger plus profondément dans le sommeil…
Nous sommes à ce point immergés dans le mensonge, les confusions, les aveuglements de toutes sortes, que le simple fait de dire ce qui est, surprend, déconcerte, irrite…
Quand l’être rejette la morale, le conformisme, les comportements stéréotypés, il sent s’ouvrir en lui un gouffre et ne sait plus ce que signifient tant d’attitudes et de rapports humains viciés par l’inauthentique. Bien souvent même, il ne sait plus être…
Nous sommes à un tel point conditionnés ! Nos idées, nos croyances, nos certitudes ne nous viennent jamais que de nos peurs, nos intérêts, nos avidités, nos blessures.
LE SEUL TRAVAIL QUI INCOMBE À CHACUN, C’EST DE DÉTRUIRE IMPITOYABLEMENT CES DÉTERMINISMES ET LIMITATIONS QUE LA VIE NE SAURAIT TOLÉRER . »
Pour finir j’aimerais terminer par une ultime mise au point qui n’est en rien une pirouette démagogique ou une collusion quelconque avec l’esprit new age mais c’est une sorte de clin d’œil illustrant les paradoxes multiples qui jalonnent le chemin spirituel. Au fond comme disent nos nouveaux éveillés : TOUT EST BIEN ! Et je pense qu’au moins sur ce point, ils pourraient presque avoir raison s’ils ne faisaient une confusion entre relatif et Absolu. Tous ces excès d’internet ont leur place dans la symphonie de l’univers, et c’est une évidence métaphysique puisqu’ils sont là : c’est ainsi. De même que les guerres en orient, de même que la réélection de Donald Trump. Le fait important c’est juste de se situer en vérité devant ces faits inéluctables, soit pour y adhérer si c’est notre nature, soit pour s’en servir de catalyseur témoignant d’une certaine dégradation, qui nous incitent ainsi à mettre tout en œuvre, pour construire le monde nouveau qui s’en suivra……Avant que lui-même ne soit détruit après quelques siècles…Et ceci sans fin : c’est l’histoire de l’humanité en fait, dont nous ne sommes qu’une infime poussière. Nous pouvons également si c’est notre nature aller à la pêche ou ne rien faire du tout : le film se déroulera de toutes façons, l’essentiel restant toujours de se rappeler de l’écran blanc qui permette qu’on puisse le voir.
C’est ce qu’illustre magnifiquement ce mantra védique, tiré de la Brhadaranyaka Upanisad, qui est récité très souvent en Inde pour le bien être universel et que j’apprécie vivement, car il est d’une folle espérance lorsqu’on commence à en pénétrer un peu le sens profond, et il nous élève considérablement des miasmes quotidiennes en nous reliant à l’état témoin. Mais je ne peux dans cet article en parler plus, donc prenez en ce que vous pouvez.
Oṃ pūrṇamadaḥ pūrṇamidam pūrṇāt-pūrṇam-udacyate,
pūrṇasya pūrṇamādāya pūrṇam-evāvaśiṣyate.
oṃ śāntiḥ śāntiḥ śāntiḥ!
Om,
Cela est le tout( le parfait), ceci est le tout(parfait),
Du Tout(le Parfait) naît le Tout (le Parfait)
si le Tout(le Parfait) est soustrait au Tout(le Parfait),
le Tout(le Parfait) seul subsiste.
Om paix, paix, paix !
Si cela semble encore trop complexe, je le résume en trois mots :
TOUT EST BIEN.
Quand le pire est là, le meilleur n’est jamais loin !
Et vice-versa ! Mais ceci dans le film et non sur l’écran immaculé.
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PS : Pour ceux que ce sujet intéresse et qui désirent approfondir la réflexion, je conseille vivement la lecture ou relecture sur ce blog de l’article suivant :
Les dérives sur la notion d’Eveil et de Réalisation : Jean Marc Vivenza. – Blog Tout par amour
Il s’agit de la transcription d’un entretien de Jean Marc Vivenza, interrogé par Sandy Hinzelin pour une video de Baglis TV.