Bernard Harmand et Alain Jacquemart 2013.
A l’occasion de la sortie du livre que je viens d’écrire sur la biographie et le témoignage de Bernard(Harmand) que j’ai rencontré en 2008 et dont mon cœur reconnut de suite la profonde Réalisation, je désirerais m’adresser aux chercheurs de LA VOIE, amis invisibles qui comme moi depuis des années sont mus par le profond désir de retrouver au delà des confusions en tous genres , leur Vraie Nature .
J’ai longtemps hésité car l’expérience m’a appris qu’en ces domaines la voie de chacun est unique et qu’il peut être fort indécent et prétentieux de se mêler de ce jardin intime.
J’y ai cependant consenti pour deux raisons
-la première est que je suis moi même un chercheur fou depuis 45 ans et que ma modeste expérience en la matière même si elle est spécifique peut tout de même comporter quelques points plus généraux qui peuvent être utiles à d’autres.
-la seconde raison est que m’est revenue à l’esprit cette magnifique histoire traditionnelle destinée à balayer en quelques mots simples toutes les sottises que l’on peut dire sur le karma et le libre arbitre et à remettre en question nos tergiversations à agir !
Je vous la livre, car même si vous la connaissez, elle est toujours aussi savoureuse et utile à écouter.
C’est un disciple qui suit l’enseignement d’un grand maître et qui est très fier de tout ce qu’il a appris notamment sur le fait que « tout ce qui arrive est Dieu et qu’il n’y a donc à rien faire et à s’inquiéter de rien ».Nimbé de sa supériorité « spirituelle » il sort dans la rue et voit débouler un éléphant porteur d’un cornac qui ne pouvant maîtriser l’éléphant hurle à notre homme de se garer sur le côté : sûr de lui et de l’enseignement de son maître il ne se déplace pas car il se dit que l’éléphant aussi étant Dieu, ne pourra lui faire aucun mal : évidemment notre homme se retrouve à l’hôpital cassé de partout et ayant frôlé la mort.Dès qu’il va un peu mieux il fonce chez son maître quelque peu excédé et lui dit : « Maître vous m’aviez dit que tout était Dieu, je vous ai cru et regardez maintenant dans quel état je suis » et le maître lui répond calmement « je persiste et signe : tout est Dieu mais espèce d’imbécile : le cornac qui t’a dit de te circuler était aussi Dieu ! »
Alors ami lecteur disons que j endosse humblement pour un instant la fonction du cornac et que je te confie quelques mises en garde et réflexions concernant la recherche.
La Voie spirituelle n’est pas de tout repos et nécessite un discernement et une détermination de chaque instant et ceci jusqu’au but final.
Le discernement doit à mon sens s’appliquer dans deux domaines :
– à notre guide, ami spirituel, guru, mettez-lui le nom qui vous convient ! Mais c’est quelqu’un qui a lui même fait le chemin et qui l’incarne.
– à notre recherche afin d’y mettre toute la ferveur nécessaire pour la fusion dans ce que l’on pressent.
Nous vivons une époque sensible ni bonne, ni mauvaise mais qui se caractérise par une dégénérescence et une usure des religions établies d’un côté, et de l’autre par une prolifération d’enseignements en tous genres (des plus sérieux aux plus délétères et farfelus)
Chaque jour internet regorge de « nouveaux éveillés » qui ouvrent des sites, font des « satsangs » et inondent You tube de vidéos.
Le chercheur sincère se trouve face à un dilemme auquel moi même j’ai été confronté et dont je peux parler par expérience.
-Pressentant la difficulté énorme qu’il y a à séparer le bon grain de l’ivraie il peut pour se sécuriser : se réfugier dans une voie dite « traditionnelle » qui même si elle comporte des imperfections lui garantit la « continuation d’une lignée »C’est en gros le choix des religions soit occidentales, soit orientales car même dans le soit disant iconoclasme du zen, est revendiquée la lignée ininterrompue des patriarches depuis le Bouddha (que l’on récite d’ailleurs chaque jour dans les temples zen!)
C’est cette voie que j’ai choisie pendant plus de 20 ans, et plus spécifiquement le zen dans laquelle je me suis investi à fond, jusqu’au point de pouvoir devenir maître à mon tour, chose que j’ai refusée après ma rencontre avec Bernard Harmand en 2008
(Je consacre le premier chapitre du livre à ce parcours et ce choc salutaire de la RENCONTRE AVEC UN ÊTRE VERITABLEMENT REALISE !)
-la deuxième possibilité qui se présente au chercheur qui pour différentes raisons n’a pas envie de faire ce choix c’est de se fier à son intuition et de partir en électron libre dans le dédale des enseignements en tous genres et là : la moisson est ardue.De plus la notion fort opportune de « guru intérieur » camoufle bien des faiblesses ! Le « guru intérieur » n’étant alors qu’une autre forme de l’ego.
Sur la multitude actuelle des êtres qui se prétendent éveillés ou Réalisés (Bernard préfère ce terme et je l’ai d’ailleurs adopté) peu sont réellement arrivés au bout du chemin.
-Certains sont manifestement malhonnêtes et leurs actions ne reposent que sur des buts vénaux : financiers, sexuels ou plus simplement d’expansion narcissique.
-D’autres de ces nouveaux éveillés de manière évidente relèvent plus du domaine psychiatrique que spirituel et un chercheur intuitif peut le remarquer ne serait ce qu’à première vision d’une vidéo (bien que dans ces domaines on soit toujours étonné de voir à quel point même des gens déséquilibrés peuvent entraîner dans leur sillage des chercheurs pourtant sérieux, cultivés et sincères. Les scandales de plusieurs gurus récents en témoignent !
-D’autres sont manifestement sincères et plusieurs de leurs assertions sont justes, mais beaucoup ne sont pas allés jusqu’au au bout du chemin et prennent pour la Réalisation finale une ou des expériences d’unité qu’ils ont vécues. A ce compte beaucoup de personnes qui ont une pratique sérieuse de travail sur soi et de méditation ont probablement tous à un moment ou l’autre traversés ces états et ne s’en érigent pas pour autant en enseignants réalisés avec cette énorme responsabilité d’entraîner des autres !
-d’autres enfin laissent planer l’ambiguïté sur leur Réalisation se réfugiant confortablement dans le principe qu’un être éveillé ne doit pas le dire sous peine de ne pas y être(la tautologie est imparable!)
Il semble que la Voie soit étroite dans les deux cas de recherche car la tradition soit disant « éprouvée » ne met nullement à l’abri des abus et en plus ne donne aucune garantie de Réalisation : je dis toujours avec pragmatisme : combien y a t’il d’Êtres Réalisés sur les milliers de moines que comporte et a comporté l’humanité ?
De plus et malheureusement, la tradition aussi sérieuse soit- elle ne préserve pas des déviations et des abus en tous genres : les derniers scandales sexuels de maîtres tibétains reconnus ont récemment défrayé la chronique et ont été même stigmatisés par une mise en garde du dalaï-lama .Il n’est pas utile de s’étendre sur les centaines de plaintes déposées pour pédophilie dans le clergé.
L’être Réalisé qu’il appartienne ou pas à une église est toujours quelque part un outsider, un être différent. Maître Eckart qui est à mon sens un Être Réalisé de l’Église catholique a été condamné pour hérésie et combien d’autres !
LA REALISATION DERANGE car elle ne suit aucune loi, aucune lignée
Là aussi pour avoir approché de près le problème je me suis rendu compte avec quelle duplicité on « trafiquait » les lignées de patriarche. Chaque école l’arrangeant à sa manière pour la faire remonter au Bouddha mais tout le monde sachant bien que ce processus est artificiel et n’est mis en place que pour garantir la croyance des fidèles et les rassurer.Dans l’église catholique on dit de même que le pape actuel est le successeur en ligne directe de Saint Pierre , ce qui exclut d’emblée la légitimité des orthodoxes ou autres chrétiens.
LA VOIE N’EST PAS RASSURANTE ET ELLE NECESSITE DE REMETTRE EN QUESTION TOUTES LES CROYANCES !
Bernard me disait d’ailleurs :« « Si l’on agit dans sa recherche et sa pratique parce que l’on « doit » ou parce que l’on a peur : ce n’est pas possible.
Le plus important quand on cherche, c’est l’envie que l’on a.
Si on enlève l’envie et qu’on la remplace par une obligation de devoir faire ceci ou cela, comme le proposent souvent les religions, alors ça ne va plus.
Notre recherche qui concerne notre Vraie nature n’a rien de raisonnable. »
Oui la voie est étroite et la limite est très ténue entre une position contraignante et irrespectueuse de soi même d’un côté et de l’autre une complaisance molle où l’on pense se tirer de la cage dorée du monde par quelques lectures « spirituelles », quelques stages, quelques satsangs et quelques méditations bien proprettes.Le Christ ne disait-il pas qu’il était venu apporter le feu ?
La recherche n’est pas tiède, il est nécessaire de brûler entièrement pour pouvoir fusionner !
Ceci est douloureux parfois et je me suis rendu compte à quel point les êtres humains vont si vite pour se réassurer dans de nouvelles croyances sitôt après s’être flattés d’en avoir rejeté de plus anciennes.
L’exotisme des traditions étrangères est le plus souvent le miroir aux alouettes qui séduit en tout premier lieu car comme dit le proverbe :
« L’herbe est toujours plus verte dans la vallée d’en face. »
De plus une tradition nouvelle semble toujours plus attrayante face à celle de la naissance, qui bien souvent s’est dévitalisée au cours des années et a montré ses signes de faiblesse.
Malheureusement la bigoterie et la superstition n’appartiennent pas uniquement à la tradition occidentale et l’on se rend compte peu à peu que réapparaissent ces choses somme toute bien humaines, prêtes à resurgir face à l’angoisse de la solitude du chemin.
Ainsi tel ou tel qui raillait en son temps la dévotion à la vierge Marie se retrouve à vénérer une divinité secondaire asiatique ou se met à participer à des cérémonies qui en d’autres temps l’eussent fait pouffer de rire.
Ce constat étant fait vous allez me dire : mais alors que faire ?
Comment trouver son guide, le mettre à l’épreuve ? Et d’ailleurs est-il nécessaire d’en avoir un ? Certains réalisés très rares il est vrai n’ont pas eu de guru ! D’aucuns disent que seul un Être Réalisé peut reconnaître un autre Être Réalisé : c’est une réponse un peu facile que personnellement je n’aime guère car elle nous dédouane du discernement à exercer. Il est évident que l’on peut tout de même avoir quelque ressenti et intuition de la Réalisation d’un être humain !
-La question primordiale, essentielle, à mon avis et la première à se poser c’est :
-EST-CE QU’IL INCARNE VRAIMENT CE QU’IL ME DIT ?
-EST-CE QU’IL Y A UN FOSSE ENTRE SES DIRES ET CE QU’IL EST OU FAIT ?
De nombreux enseignants ont de magnifiques discours, et comme je le dis souvent c’est tellement simple de s’improviser « guru de la non dualité » : il suffit d’un vocabulaire minimum, de quelques pirouettes de rhétorique, d’une estrade et de quelques fleurs avec éventuellement la photo de son guru car c’est tendance !Certains universitaires bouddhistes en connaissent beaucoup plus sur la doctrine que d’obscurs Réalisés qui n’ont probablement jamais fait parler d’eux !
Ramana n’a jamais fait de « RAMANA SPIRITUAL TOUR », il n’a fait aucune conférence, n’a pas bougé de l’endroit où on l’avait posé, n’a jamais recherché aucun disciple et même se défendait d’en avoir
-Oui car le deuxième point important : c’est est ce que mon guide a besoin de moi ?
Voilà déjà deux critères simples qui éliminent déjà pas mal de monde !
Que l’on ait un guide ou pas en dernier ressort ne nous appartient guère car :
LA RENCONTRE s’il y en a une échappe à notre mental et nos prévisions : j’ai moi-même rencontré celui que je considère comme mon guru à 60 ans après 40 années de recherche diverses et d’investissement dans une voie traditionnelle. Ce qui compte au fond c’est notre passion, notre détermination car comme le dit mon guru :
« si le chercheur est passionné tous les événements se mettront à son service pour l’aider dans sa recherche ! »On ne doit donc à mon sens rien regretter de tout ce que l’on a pu faire si on l’a accompli avec cœur et au bout du compte on se rend compte que tout nous a servi.
Ami lecteur j’ai écrit en partie ce livre pour répondre aux multiples interrogations des chercheurs sérieux car le témoignage et les réponses d’un Être Réalisé parmi d’autres sont toujours un ferment, un catalyseur pour la recherche.
Ce témoignage m’a foudroyé personnellement mais laissera peut être d’autres indifférents : chacun peut y prendre ce dont il a besoin pour s’édifier et même si tu ne ressens pas le besoin de lire ce livre je tenais tout de même à te transmettre ces quelques éléments de mon expérience et te dire que la recherche de ta Vraie Nature est vraiment le plus beau des voyages et je t’invite à faire confiance à ton cœur et à ton discernement.
De tout cœur
Alain Jacquemart