De nos jours on ne voyage plus : on se déplace !

 

 

Mon voyage de rêve

                                   la Recherche.

 

Il m’est parfois reproché de m’attarder à trop pointer des choses négatives. Un « spirituel bon teint et conforme » ne devant que se concentrer sur les belles choses, les « positives », celles qui font avancer.
Etrange époque dans laquelle si on n’adhère pas à la doxa humaniste et woke, on est de suite taxé d’appartenir à l’extrême droite ou d’être « conspirationniste », moraliste et réactionnaire. Je me suis bien sûr interrogé sur ces critiques et je persiste à vouloir signaler, quand cela me semble nécessaire certaines déviations actuelles. Ce n’est pas le signe d’un désabusement qui serait dû à l’âge avançant, et cela n’exclut en rien les belles choses qui fort heureusement, ont place également dans notre monde.
Il ne s’agit pas de devenir « un vieux crouton désabusé » mais de proposer encore de beaux et forts modèles de vie à toute une jeunesse qui en a forcément besoin : ces valeurs à transmettre étant trans- générationnelles. Cette manière de pointer est juste l’exigence d’un chercheur passionné qui veut modestement partager avec ceux qui sont dans la même démarche, les embûches du chemin. Celles-ci apparaissent au cours du parcours, avec plus ou moins de force, et c’est entre autres ce qui fait sa valeur et motive constamment le chercheur à les dépasser, les contourner ou les combattre, de manière à progresser sans cesse. Comme le disent les grands maîtres zen, cheminement et but sont totalement liés et le cheminement en lui-même est déjà une merveille, Bernard avec son humour habituel me déclare souvent : « C’est superbe la Recherche, demain je recommence !… et de suite après avec un ton facétieux : Et bien non je ne peux pas, puisque je suis déjà Réalisé ! (dans un éclat de rire).
Le départ de ma réflexion d’aujourd’hui est une phrase glanée au hasard de l’écoute de France Culture et qui derrière son insignifiance apparente a résonné en moi fortement et sur plusieurs niveaux. Cette simple phrase c’est :
«  De nos jours on ne voyage plus, on se déplace ! ». Instantanément me sont apparues d’une part la profonde vérité de cette affirmation et d’autre part les images des pseudo voyages actuels dans lesquels on fait des milliers de kilomètres (kérosène aidant !) pour se retrouver dans un hôtel standard qui ne dépayse pas, puisqu’ils sont faits tous sur le même modèle sur la terre entière. Pour que le touriste ait tout de même son poids de dépaysement et ne se rende pas compte que tout cela est vain, on lui propose les spécialités locales : marche à dos de chameau, visite des souks made in china etc…….Quand on se penche sur les voyages d’Alexandra David Neel et de bien d’autres, et quand on se rappelle modestement ses propres voyages en Inde dans les années 1980, on se dit que vraiment on ne voyage plus, on se déplace, on se distrait, on se fait des sensations à bas prix( parce qu’en plus le prix des voyages est cassé et beaucoup choisissent n’importe quelle destination, pourvu que le prix soit cassé : si le Pôle Nord est moins cher que les Seychelles on s’y précipitera ! D’aucuns se croient étrangers à tout cela et croient choisir des voyages plein de « sens », safaris photos, épreuves sportives, parcours culturels, spirituels même, avec visites de musée à la chaine, de reliques, etc….

Tout cela est déjà attristant mais le pire est à venir car je me suis rendu compte que cette phrase concerne également la spiritualité, qui en elle-même est un beau et long voyage. Malheureusement là-aussi : on ne voyage plus : on se déplace. De guru en guru : véridique ou auto proclamé peu importe, de vidéo en vidéo sur You tube, et de nos jours, les « spirituals tours » sont légion et se déclinent sous tous les modes, je ne les énumérerai pas pour ne choquer personne, mais c’est sûr : il  y en a pour tout le monde !
Les phrases lancinantes de tous les grands Maîtres me reviennent en tête : la Voie c’est une histoire de VIE ET DE MORT . Cheminez et pratiquez comme si un feu brulait sur votre tête, sans oublier les exhortations si fortes du Christ:  «  Vends tous tes biens et suis-moi!  » et   «  Mes enfants, comme il est difficile d’entrer dans le Royaume, plus difficile qu’à un chameau de passer par le trou d’une aiguille!   »
Comme tout cela semble loin , comme l’uniformisation et le nivellement guettent le chercheur même le plus aguerri, qui risque à chaque instant de s’enliser dans une petite recherche bien balisée ! Et on n’a même plus Johnny pour « mettre le feu » !

Avant d’envisager de s’éveiller, il est nécessaire de se réveiller, de plonger chacun à sa manière dans le brasier de la Recherche et ce n’est pas nécessairement en faisant des milliers de kilomètres, ni en cumulant les stages de développement personnel (Bernard a fait son long et périlleux voyage sur place!) mais en tout cas c’est toujours dans une profonde exigence de se laisser totalement remettre en question sur nos concepts les mieux établis. La Voie n’est pas un long fleuve tranquille, les conflictualités que l’on y rencontre sont nécessaires et structurantes. Combien de personnes ai-je vu qui quittaient leur Maître dès qu’il les contredisait , leur faisait une remarque blessant leur ego. Tout va bien tant que l’ego est conforté. Le démon se niche partout car les manières de conforter son ego sont multiples et contradictoires. Ainsi certains recherchent des sensations, des lumières des ambiances agréables, des réassurances sur eux-mêmes, d’autres croient s’en éloigner en choisissant des pratiques extrêmes( des heures de méditation, des ascèses), des lectures savantes, mais c’est la même recherche de l’ego à la base. Il n’y a donc pas de modèle et le discernement est vraiment de rigueur.
Ce petit article est une invitation à ne plus se déplacer, à ne plus brasser du vent, mais à apprendre  à voyager, en se souciant uniquement de la Préoccupation Ultime. Que reste-t-il au bout du bout ? certains répondent 4 planches ! D’autres comme Elisabeth de la Trinité disent qu’au seuil de la vie , seul L’Amour demeure. Là encore certains se rassurent avec cette phrase, mais l’Amour dont elle parle n’est pas l’amour « particulier » auquel souvent nous pensons et que nous vivons et il faut un long et périlleux chemin pour passer de l’amour à l’Amour, du tourisme au Vrai Voyage !