Encore des précisions précieuses sur Conscience et conscience !

Je tiens à l’occasion de la parution de cet article à rendre hommage à la mémoire de MAX DARDEVET qui partageait régulièrement avec moi sur la VOIE et qui ayant rencontré Bernard autour des années 2005, et ayant été fortement impressionné par cette rencontre, avait quitté ( tout comme moi trois années plus tard) les structures du zen dans lesquelles il était responsable de dojo.
Jean marc Vivenza, Max Dardevet et moi-même avions régulièrement des entretiens spirituels, les derniers assez intenses ont eu lieu le mardi 29 Novembre toute la journée et Max Dardevet est décédé subitement d’un arrêt cardiaque le mercredi 30 Novembre 2022 au matin. Avant sa mort Max m’avait confié deux échanges de mail qu’il avait eu à l’époque avec Bernard et ceux ci éclairent une fois de plus le questionnement qui se pose souvent au chercheur au sujet de la conscience. Max eût été heureux que j’en fasse profiter les chercheurs donc je le fais volontiers.

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Bernard Harmand.

Question : Ce soir une nouvelle lecture de certains passages de Je suis de Nisargadatta, me font retomber dans des difficultés de compréhension. Sachant toutefois, comme il le disait qu’il faut essayer de ne pas trop comprendre. Mais cette différence entre la Pure Conscience (awareness) et la conscience individuelle (consciousness) apparaît dans diverses réponses des entretiens. Je ne parviens pas à saisir cette nuance. J’ai encore à l’esprit ton geste m’expliquant la mise à distance, le Témoin. Pourrais-tu me donner quelques conseils afin de pratiquer cette ouverture à la Pure Conscience (Présence, Êtreté) ?

Bernard : Dans ce merveilleux chemin que l’on appelle spirituel et qui est en fait la recherche du BONHEUR, chacun s’exprime avec des mots différents, d’une part parce que chacun a eu un cheminement particulier et d’autre part parce que les mots ne sont pas toujours utilisés pour ce qu’ils veulent dire réellement. Quand il s’agit de Ramana ou de Nisargadatta, c’est en plus une traduction ce qui complique encore un peu la tâche.
Alors pour moi, témoignant de ma propre expérience, la conscience est toujours individuelle, puisque comme le dit si bien Nisargadatta, elle est toujours conscience de quelque chose… Lorsqu’il parle de la Pure Conscience, il parle de la PRESENCE, et lorsqu’il veut parler de la conscience individuelle, et comme son nom l’indique, il parle bien entendu de la conscience de l’individu.
Il n’existe bien sûr pas deux consciences, il n’y en a qu’une et elle concerne l’individu. Comme le processus mental, cette conscience apparaît chaque matin et disparaît chaque soir dans le sommeil profond, il n’y a pas conscience d’être et l’on ne peut le constater qu’au réveil…
Le Soi ou existence, ou Êtreté, ou la VIE, et donc en fait le simple fait d’ÊTRE, n’est pas conscient, car s’il y a conscience, il y a obligatoirement dualité, un sujet qui est conscient de quelque chose.
Voilà pour ne pas être trop long l’explication que je peux te donner.
Avec l’aide du processus mental et simplement parce que cela fonctionne ainsi, nous recherchons un « État » que non seulement il n’expérimente jamais, mais dont il ne peut à aucun moment envisager qu’il puisse exister !
Le mot PRESENCE est plus significatif, mais pourtant également impropre si l’on veut chipoter, car PRESENCE à quoi ? Pourrais-tu ajouter…
Tu vois, les mots sont bien faibles, mais je préfère PRESENCE car dans mon expérience, et c’est cela l’essentiel, la Réalisation de notre Nature Véritable confirme qu’il n’y a pas conscience d’être pour le Soi…
Comme tu le rappelles, il ne faut pas vouloir comprendre tout et à tout prix, c’est vrai, mais cela il est nécessaire de bien le comprendre.
Le mental n’a pas conscience d’être, alors que la Conscience me permet d’observer le fonctionnement du mental et là est toute la différence.
Donc, si tu me demandes un conseil pour t’ouvrir à la Pure Conscience, et donc à la PRESENCE, au Soi en fait, je dois répondre que ce n’est pas possible pour l’individu, c’est-à- dire cet ensemble corps-mental, et c’est pour cela que je répète sans cesse que l’individu ne peut pas Réaliser, car la vraie nature de l’individu est bien cette personne, cet ensemble corps- mental.
Il n’y a pas d’erreur et il n’est pas nécessaire de vouloir changer quoi que ce soit dans cet individu, quoi que l’on fasse il finira dans une caisse sous terre…
Mais la Conscience que j’ai de cet individu évolue, change sans cesse et grâce à ce qu’on appelle une recherche, Elle permettra de réaliser qu’elle n’est pas cet individu mais que, par contre, l’idée que je me fais de cet individu dépend totalement de la Conscience que j’en ai et quand ce formidable déclic se produit, la FUSION s’opère : fusion de ce qui apparaît dans Ce qui EST, fusion de l’amour particulier dans l’AMOUR total, fusion du spectacle dans le spectateur…
Le processus de la Réalisation ne concerne que la CONSCIENCE, pas le processus mental. C’est cette fameuse Conscience qui REALISE qu’elle n’est pas cet individu, ce corps ; la différence est énorme.
Tout existe en fonction de la conscience que l’on en a et en tant qu’individu, si tu n’as pas conscience d’être, tu n’es pas…
Cela pour te dire simplement que la meilleur façon de Réaliser notre Véritable Nature est de CULTIVER l’attitude TEMOIN, ce qui veut dire qu’il faut observer avec une PASSION, une FERVEUR et un AMOUR total, excessif, démesuré le fonctionnement de cette Conscience, sans s’occuper de l’interprétation inévitable que ne se lasse pas de faire le mental, car c’est son rôle.
Si je suis capable d’observer le mental c’est que je ne suis pas le mental. Je ne peux pas être à la fois le sujet et l’objet, tu ne peux pas être ce que tu vois ou constates.
C’est la Conscience qui permet cette observation et en demeurant plus dans la Conscience que dans le processus mental qui en dépend, l’identification si forte au départ va finir par céder.
Le mental est fort, mais ce n’est pas le plus fort parce que son apparition dépend de la Conscience qu’on en a.
Il y aurait tant et tant à dire, mais au-delà des simples mots qui tentent de définir, l’AMOUR de ta recherche, la PASSION qui brûle en ton Cœur et la FERVEUR qui dévaste tout sur son passage sont les outils indispensables à la REALISATION.
Pour terminer, je cite RAMANA qui, répondant à une dame qui se plaignait de connaître des hauts et des bas au cours de sa recherche dit : « Tout s’arrangera à la fin […] la ferme impulsion de votre DETERMINATION vous remet sur pieds après chaque échec, après chaque rupture. »
Tout s’arrangera à la fin, une FERME DETERMINATION est nécessaire…

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La question de Max n’est pas mentionnée mais on peut en deviner la teneur d’après la réponse de Bernard.

Bernard : « Le sentiment JE SUIS constitue en même temps le plus redoutable et le meilleur ami. », Nisargadatta a dit cela, et bien c’est qu’il devait le dire…sans plus…pour la personne à qui il a donné cette réponse.
Pour mon expérience, ce sentiment JE SUIS n’a rien de redoutable, ni son contraire, mais on peut tellement, avec les mots, dire cela de façons différentes, que cela n’est pas important.
L’essentiel, pour moi, c’est que le sentiment JE SUIS, c’est-à-dire en fait, la sensation d’exister, apparaît chaque matin et disparaît chaque soir, ce n’est donc qu’un processus et, mais tu le sais déjà parce que je le répète souvent et c’est assez bien décrit dans une réponse faite justement dans Tout est parce que vous êtes …Je…dans le corps…dans le monde, c’est le mode de fonctionnement de l’apparition d’une vie particulière et comme je ne peux pas être ce que je vois, cette vie particulière est le simple résultat de la conscience que j’en ai.
« Peut-être origine de toutes les illusions pour l’individu, mais paradoxalement (en même temps ?) conscience d’Être… » dis-tu ensuite.
Le sentiment JE SUIS n’est pas une illusion pour l’individu, c’est une expérience bien réelle pour lui justement et c’est pour cette raison que je n’emploie pas souvent le terme « illusion ». Tant que la Base n’est pas connue, la conscience que j’ai de cet individu que je suis, cette vie particulière est bien réelle et expérimentée durant l’état de veille. D’autre part, la conscience d’être n’est pas une finalité, car même cette fameuse conscience apparaît chaque matin et disparaît chaque soir, cette conscience ne concerne que la vie particulière, l’individu, elle n’est pas tout. Notre véritable nature que l’on appelle le Soi n’est pas consciente d’elle-même… Il n’y a pas conscience d’ÊTRE dans la phase de sommeil profond et cependant, la VIE est présente et elle est ce fameux Soi.
Comme je ne cesse de le répéter en ce moment : tu préexistes à la conscience que tu as de toi- même, et cela tu peux l’expérimenter chaque matin, la conscience d’être apparaît, mais elle ne surgit pas de nulle part, elle est le prolongement, dans la manifestation, de la vie tout court, qui elle n’a pas besoin d’apparaître puisque toujours présente…
Pour constater que cette conscience apparaît chaque matin, il faut bien que « quelqu’un » soit témoin de ce phénomène, alors…qui constate cela ?
Tout simplement toi, l’existence, le Soi, mais ce n’est pas possible de bien le comprendre, et ce n’est pas nécessaire…
Un jour, Cela sera Réalisé et sera tellement clair.