Psychanalyse et tradition spirituelle ne se situent pas sur le même plan : Julius Evola Partie 2

Julius Evola.

Deuxième partie :
 la psychanalyse soi-disant spirituelle de Jung : L’inconscient collectif et les archétypes.

Je tenais, malgré sa difficulté à mettre en valeur cet important texte de Julius Evola (1898-1974) sur « l’ésotérisme, l’inconscient et la psychanalyse », paru il y a plus de 90 ans, et qui me semble d’une justesse et d’une actualité confondante, au-delà de ses excès apparents et de ses positions critiques dénuées de complaisance.
Ce texte est complexe à double titre car Evola expose les théories de Freud et Jung afin que l’auditeur soit au courant de ce sur quoi on parle et ensuite il en réfute différents aspects en mettant en évidence la distance qui les sépare de la tradition sapientielle.
 Ce représentant de cette tradition est utile pour nous éclairer quelque peu dans ce monde moderne. Nous sommes assaillis par les informations de toutes sortes et même les plus avisés se laissent prendre aux miroirs aux alouettes. Le thème sous-jacent à tout cet article c’est en fait de soulever ce problème grave qui est la tendance, plus que jamais actuelle, à toujours ramener de manière subtile, le supérieur à l’inférieur. Et ce, dans le domaine important de la psychologie.
Depuis quelques années, fort heureusement, de nombreuses personnes ont compris que l’engagement spirituel risquait d’être obscurci par des motivations plus proches de la frustration existentielle que de l’esprit d’éveil. Et de nos jours, la thérapie est devenue à la mode, tellement à la mode, que je signalais, avec humour sur ce site, qu’il y aura bientôt plus de thérapeutes (hâtivement formés) que de malades ! Comme souvent on passe d’un extrême à un autre et on ne met pas les choses à leur juste place. Un glissement s’est produit qui a « psychologisé » la spiritualité, la détournant ainsi de sa fonction première. Et il suffit d’écouter les questions posées et les réponses des enseignants spirituels pour constater ce fait indéniable. Les mondo zen (questions des disciples au maître, ressemblent plus de nos jours à de la psychothérapie qu’au tranchant des réponses traditionnelles ainsi que les assemblées charismatiques de certains gurus à la mode sur internet qui frisent la débilité émotionnelle.). Et si on en est arrivé là, c’est aussi à cause des fondateurs de la psychanalyse qui ont voulu donner une explication totale du monde à travers le prisme de leur spécialité. Comme le rappelle justement Julius Evola, la thérapie est nécessaire pour trouver un équilibre de base à partir duquel seulement commence la vraie recherche traditionnelle. Malheureusement les psychanalystes se sont approprié les thèmes spirituels et les ont déformés pour les faire correspondre à leurs concepts. Les ficelles sont parfois grossières comme chez Freud pour qui tout est sexuel ! Mais comme le remarque judicieusement Evola, Jung est bien pire encore parce qu’il séduit les milieux spirituels en employant jusqu’à leurs textes mêmes, pour les commenter. Le danger est plus grand car on se croit en terrain sûr alors que subtilement le supérieur est ramené à un niveau inférieur.
Cet article peut choquer des « fans » de Jung, mais ce n’est pas le but :  Chaque personne aussi éclairée soit-elle, qui expose sa vision, commet inévitablement des excès de langage mais l’essentiel est de voir ce qui se cache derrière les mots et nous aide vraiment à retrouver l’axe. Il est important de faire preuve à chaque instant de discernement et de voir ce qu’il peut y avoir de juste dans la vision proposée.
Notre parcours est fait d’essais et d’erreurs, et tout finalement se révèle utile pourvu que l’on exerce sa faculté de « voir ce qui est » à chaque instant.
Ce qui me frappe et me réjouit chez les représentants de la Tradition pérenne et les êtres éveillés comme Bernard, c’est le tranchant de vérité que comportent leur vision, s’insérant parfaitement dans la sublime Voie du milieu transmise par le Bouddha.

-D’un côté la froide rationalité du monde actuel, virant parfois au scientisme, croyant tout expliquer, s’instaurant en maître de la connaissance et menant finalement les gens à la confusion par des théories absolument contradictoires. La récente pandémie en fut une brillante illustration.

– De l’autre la prolifération du « Gloubi- boulga spirituel » avec tous les gurus auto proclamés, la fréquente débilité émotionnelle, les stages mirifiques de chamanisme, d’éveil accéléré, les thérapies insolites qui se prétendent toutes « remède universel ». Tout cela conforte les adeptes dans une espérance illusoire et les éloigne de la ligne de crête en lame de rasoir qu’est la Voie véritable.

Puisse ce texte contribuer chacun à retrouver son centre, à mettre chaque chose à sa juste place, à sortir de la confusion entretenue entre thérapie et cheminement spirituel : un vrai enseignant spirituel n’a pas à être thérapeute et un thérapeute n’a pas à être guru. Bien sûr les cloisons ne sont pas totalement étanches et l’immaturité de notre époque conduit certains enseignants spirituels à se retrouver malgré eux dans le registre du thérapeutique. Mais si la vision est juste chacun des deux, thérapeute ou enseignant spirituel ramènera toujours avec justesse et fermeté chacun en son centre.

Vu sa longueur cet article sera publié en trois parties :

1) Etat des lieux et concepts de base.
2) la psychanalyse soi-disant spirituelle de Jung : L’inconscient collectif et les archétypes.
3) Le processus d’individuation chez Jung bien différent de la Réalisation traditionnelle du Soi.

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Deuxième partie :
La psychanalyse soi-disant « spirituelle « de Jung : L’inconscient collectif et les archétypes.

 

A) L’INCONSCIENT COLLECTIF DE JUNG

Venons en maintenant à cette psychanalyse spiritualisante à laquelle nous faisions allusion et dont le principal représentant a été le psychiatre suisse CG Jung. Celui-ci a, en effet, résolument envahi le domaine du mythe, du symbole, de la mystique et de l’ésotérisme. Et comme ses conceptions ne revêtent pas la même trivialité que celle du freudisme, un certain nombre de spiritualistes l’ont pris au sérieux-au point de supposer que cet auteur valorisait, du point de vue « scientifique » de la psychologie moderne, les conceptions et les enseignements de la sapience antique ou orientale. En réalité les interprétations de Jung, se réduisent à une distorsion et à une dégradation et c’est en fait avec le plus grand déplaisir que l’on a vu ce psychiatre multiplier les essais et ceux-ci trouver une large diffusion. Non content d’avoir fait main basse sur un texte ésotérique taoïste : le mystère de la fleur d’or, et d’avoir « commenté » le livre des morts tibétains, Jung s’est associé à un mythologue contemporain qui ne manque pourtant pas d’une qualification certaine, Kerényi -lequel d’une façon incompréhensible, lui a confié l’interprétation « scientifique » de divers mythes classiques. Jung, enfin, a publié un volumineux ouvrage sur l’alchimie et en a consacré un autre aux théories de Paracelse-sans compter les différents ouvrages dans lesquels il a exposé les principes de sa propre théorie psychanalytique.
Malgré les replâtrages, cette théorie ne se différencie pas de celle de Freud, tout du moins en ce qui concerne un point qui nous semble fondamental, à savoir la relation entre le conscient et l’inconscient. Tout autant que Freud, Jung soutient que la force essentielle de la psyché est constituée par un inconscient radicalement enfoui et n’ayant jamais été conscient, non susceptible d’être « résolu » par la conscience*.
* « Les archétypes ne se réfèrent pas à quelque chose de conscient ou qui le fut, mais à quelque chose de substantiellement inconscient. » Jung-Kerényi
Cet inconscient revêt les traits d’un être autonome de caractère collectif* qui dépasse l’individu : c’est une totalité dont la personne consciente n’est qu’une subdivision arbitraire.
* « L’inconscient n’est pas un appendice insignifiant de la conscience mais une réalité autonome (un être) qui, dans une large mesure, n’a pas de relation avec nos intentions. » Jung dans Psychologie et Alchimie.
D’un côté , on affirme la nature impénétrable d’un tel inconscient, de l’autre, alors que Jung ne voudrait ne faire qu’œuvre scientifique ou psychologique et s’abstenir de toute métaphysique, il le considère comme une sorte d’entité mystique_ tout en l’identifiant plus ou moins avec la « Vie », l’ « irrationnel », avec le fond dionysiaque de l’existence, par opposition à l’aspect limpide, intellectuel et volitif de celle-ci ! Dans un cas comme dans l’autre, les références ne manquent pas à une réalité liée, non seulement à l’âme primitive ancestrale (qualifiée abusivement d’ « archaïque », mais aussi à l’hérédité animale et biologique et même à la matérialité*)
* « L’existence de l’inconscient collectif n’est rien d’autre que l’expression de l’identité structurelle du cerveau » Jung le secret de la fleur d’or.
De sorte qu’avec tout ceci, nous nous retrouvons quasiment sur le même plan que celui de l’évolutionnisme et cet inconscient apparaît, au fond, plus ou moins comme une personnification superstitieuse du substrat vital, irrationnel et atavique de l’être humain, correspondant ainsi au domaine le plus inférieur et le plus naturaliste du subconscient en général, en dépit de tout ce que, comme nous le verrons, Jung voudrait y faire rentrer.
Ce dernier n’hésite pas en effet, à soutenir que le conscient dérive de l’inconscient- ce qui, même du point de vue de la philosophie la plus élémentaire, est un véritable non-sens. Pour lui c’est une « prétention arrogante » de soutenir que le conscient règne sur la totalité de l’âme et une illusion de croire que la conscience naît d’elle-même.
Lui aussi comme Freud, voit dans l’inconscient la source même de la libido dont les éléments psychiques affluent en nous et il écrit : « Nul ne peut attacher volontairement à l’inconscient sa force opératoire ». Ce qui différencie seulement Jung de Freud, c’est que celui-là mythifie : il conçoit la libido également comme mana, comme force envoûtante qui, selon les primitifs, envahissait totalement certains objets. Dans tous les cas, c’est dans ce substrat de type collectif que l’âme aurait ses racines, c’est de lui qu’elle tirerait toute vie et toute impulsion motrice. D’où la conséquence logique que l’âme est une donnée irrationnelle et qu’elle ne peut » nullement être assimilée, comme le voulait la conception antique, à une raison plus ou moins divine » (Jung : psychologie de l’inconscient). Tout ceci suffirait déjà, semble-t-il, pour se faire une idée approximative du niveau où se situe la pensée de ce psychiatre….
Venons-en maintenant aux éventuels rapports entre le Moi et l’inconscient. Toute l’œuvre de Jung, comme celle des psychiatres en général, est empreinte d’une animosité polémique à l’égard de la conscience personnelle ; pour eux, celle-ci n’a aucune réalité par elle-même, ,en dépit de sa prétention à prendre ses distances avec l’inconscient et la « Vie ». Elle méconnaît l’inconscient, en repousse les exigences et s’imagine pouvoir exercer une dictature sur la base de facultés purement intellectuelles et volitives en étouffant les instincts et l’affectivité. Mais ceci est une gageure impossible, car l’inconscient demeure toujours présent et « se venge »sur un tel type humain : l’inconscient finit toujours par se faire entendre en exerçant d’une façon ou d’une autre des pressions sur la conscience et en rompant son équilibre illusoire par des irruptions et des conflits qui peuvent aller jusqu’à la névrose, l’hystérie et même la folie.
En disant ceci, Jung ne fait que reprendre plus ou moins les théories générales de la psychanalyse et de ces irrationalistes qui, comme Klages, ont accusé l’esprit usurpateur et destructeur d’être l’ennemi de la « vie » et se sont attaqués à l’idéal « cristallin » de la conscience. *
* « L’inconscient est le douloureux démenti à toute prétention idéaliste, et le résidu terrestre qui affecte la nature humaine, en troublant péniblement cette clarté cristalline tant désirée. » Jung : Psychologie et Alchimie.
En dernière analyse, ce courant pourrait même se rattacher au rousseauisme puisqu’essentiellement, il s’agit d’une revendication de la nature et de l’instinct comme base présumée d’une vie « saine », par opposition à celle, artificielle et déviée de la civilisation. C’est ainsi que Jung en vient à déclarer que toute notre vie spirituelle est « empoisonnée du fait de la répression violente des instincts ;il accuse « une morale qui détruit l’homme » et exhorte à « observer la loi de la terre », à « vivre et reconnaître les instincts » comme prémisses au développement du fameux « Soi » dont nous reparlerons. Mais à cet égard ce qui constitue l’apport original de Jung, c’est la théorie de ce qu’il appelle les archétypes.

B) LES ARCHÉTYPES.

Les archétypes correspondent à des forces qui sont le fondement de l’inconscient collectif, c’est-à-dire aussi des strates profondes de l’âme. Ce sont des énergies psycho-vitales élémentaires toujours présentes et organiquement unies au Moi et dont ce dernier tire ses racines. Et c’est ici, précisément, que se produit l’insertion, ou mieux, l’irruption, du monde du mythe et du symbole. Comme nous l’avons vu, les tendances de l’inconscient dont on n’a pas tenu compte se manifestent malgré tout : mais tant que perdure l’état de scission, elles se manifestent sous forme de projections, d’images fantastiques qui se superposent à la réalité en la « chargeant » – qu’il s’agisse d’objets ou d’individus- d’une valeur envoûtante et « libidineuse » propre à cette force qui est le fondement même de l’inconscient. D’où la théorie de symboles et de figures variées mais constantes et, selon Jung, universelles, qui correspondraient à ces projections. En vertu des prémisses mêmes, ces manifestations des archétypes auraient essentiellement lieu dans le cadre d’états propres à une conscience amoindrie, diminuée. C’est ainsi qu’au départ, Jung s’est contenté de prendre comme matériaux les rêves et les produits de l’imagination de sujets psychotiques ou hystériques- tels que délires, hallucinations, visions etc. Il a cru constater que les images récurrentes qui s’y rapportent, n’ont rien d’individuel ou d’arbitraire mais qu’elles présentent un caractère atavique et typique en même temps qu’une exacte correspondance avec les mythes, les fables et les symbolismes populaires ou traditionnels Dans tout ceci, à l’origine, il faudrait voir des « révélations de l’âme préconsciente, témoignages involontaires de processus psychiques inconscients. ». Et le monde même de la religion devrait être évalué à cette aune : il aurait « des rapports étroits avec des processus psychiques qui sont indépendants de la conscience et qui se déroulent en deçà d’elle, dans l’obscur tréfonds psychique. ». Ce n’est pas tout ! Jung soutient qu’il y a une correspondance entre les images vues, rêvées, dessinées et même dansées par ses malades, et certains symboles ésotériques. C’est ainsi qu’il s’est mis à parler de « mandala européens », voyant dans les figures- qui dans l’ésotérisme, servent de support à la contemplation et à l’évocation- autant de manifestations des archétypes de l’inconscient collectif, semblables en tous points à celles que produisent des états de conscience amoindrie ou malade. Plus le champ du principe conscient se rapetisse et plus les forces inconscientes et leurs images apparaissent comme existant en dehors de l’individu et même comme des esprits et des puissances magiques. Il existe des cas où la manifestation de l’archétype présente un caractère obsessionnel, et la personnalité consciente qui ne sait pas en reconnaître la nature peut en être traumatisée au point de perdre son équilibre : à ce moment-là, l’archétype s’empare de l’âme. Parfois Jung arrive à considérer les archétypes, les contenus de l’inconscient, comme des « êtres psychiques » comme des « noumènes » redoutables à affronter et il écrit : « permettre à l’inconscient de s’exprimer et le vivre comme une réalité, c’est là quelque chose qui dépasse le courage, et même les capacités de l’européen moyen. Ce dernier préfère ignorer simplement ce problème : et cela vaut mieux pour les esprits faibles, car l’entreprise n’est pas dépourvue de dangers. ». Cependant, ce à quoi tendent ordinairement les archétypes, c’est, à ce que la personne consciente reconnaisse l’inconscient vital, en accepte les contenus en les insérant dans sa vie individuelle et « s’intègre » à eux. Jung donne à ce développement le nom de processus d’individuation. Son achèvement serait la « personne intégrale », laquelle comprend le conscient et l’inconscient et que l’on appelle alors le « Soi ». Pour Jung il ne fait aucun doute que dans tout développement mystique ou initiatique, il s’agit seulement de formes plus ou moins confuses du « processus d’individuation » (puisqu’en effet la compréhension ne serait apparue que grâce à sa psychanalyse en opposition à la nébuleuse métaphysique !). C’est ainsi que, par exemple, toutes les techniques alchimiques avec leurs symboles hermétiques ne seraient rien d’autre que les images d’un tel processus, mais non reconnues à leur juste valeur et « projetées » dans des substances matérielles et dans le mythe d’une absurde œuvre de transformation chimique. *

* Jung ne doute pas un seul instant que, lorsqu’elle se réfère à des corps et à des procédés réels, l’alchimie ne mène à rien et qu’elle fut en définitive supplantée par la chimie moderne et « qu’il est absolument certain qu’à toutes les époques où l’on s’est livré sérieusement à des expériences de laboratoire, on ne déboucha jamais sur la moindre teinture ou sur l’or artificiel » tout ceci étant pour lui une « gageure sans espoir »

Selon lui on pourrait en dire de même à propos des processus initiatiques dont traite le mystère taoïste de « la fleur d’or ». D’une façon générale, des figures telles que le Bouddha ou le Christ ne seraient elles-mêmes que des « projections » de l’inconscient et, à proprement parler, de l’archétype du Soi- terme auquel tendrait « le processus d’individuation ».Le principe directeur de la psychanalyse, c’est néanmoins que l’archétype, tant qu’il ne se présente pas sous forme de projections, – c’est-à-dire d’images ou de représentations externes-, demeure inconscient et inactif relativement à son véritable contenu et à la force qui, à travers lui, voudrait être reconnue par la personnalité consciente afin de la transformer. Dans le cas contraire les images finissent par être acceptées et « réalisées ». Il faut en prendre conscience en se laissant posséder par elles, en assumant l’exigence dont elles sont l’expression et qui, seulement alors, cesse d’agir comme un complexe inconscient autonome. Tel est le critérium auquel la psychanalyse jungienne prétend évaluer – en termes de vie et de conscience vraie, les dogmes, les figures divines et les symboles des religions. Elle se présente donc comme une espèce « d’ésotérisme psychologique », même vis-à-vis des traditions initiatiques, dans son obstination à vouloir découvrir partout de prétendus « archétypes, symboles et phases du « processus d’individuation ».

Avant d’en dire davantage sur ce processus, mettons un peu d’ordre dans cette incroyable confusion d’idées. Et d’abord traçons une ligne de démarcation très nette : tout ce qui peut être du domaine d’un Moi divisé et malade, aux prises avec ses « complexes », ses instincts et l’inconscient collectif, n’a aucun rapport avec le plan de la mythologie, des symboles traditionnels, des processus de Réalisation supranormale, mais encore avec celui de la religion elle-même.

A cet égard les thèses d’un Freud ou d’un Adler sont beaucoup plus acceptables que celles de Jung parce que tous deux traitent essentiellement de cas empiriques, qui peuvent être réels, de pulsions sexuelles refoulées ou autres, mais en demeurant toujours sur un plan naturaliste et terre à terre. Et, si Freud lui-même et plus encore ses disciples, ont fait main basse sur le monde des symboles, le caractère aberrant de leurs interprétations sexuelles saute aux yeux de tout esprit normal, précisément parce que ces psychiatres ne brouillent pas les cartes : ils demeurent sans équivoque possible dans la sphère des névropathes, des sauvages ou de gens chez qui, réellement, la libido est la motivation principale de toute leur vie psychique. Tandis que Jung, au contraire, tout en restant sur le même plan qu’eux- puisque comme nous l’avons vu, son inconscient n’est que le substrat impersonnel, vital et même, dans une certaine mesure biologique de la vie collective-introduit dans ses notions un bric à brac d’éléments « spirituels » avec pour conséquence de multiplier la confusion et de permettre essentiellement de ramener, une fois de plus mais de façon plus subtile, le supérieur à l’inférieur.

Quant aux « archétypes », il nous faut considérer dans la très grande majorité des cas comme totalement accidentelle et extrinsèque toute correspondance entre certains thèmes tels qu’ils peuvent apparaître de façon répétée dans les rêves, les visions ou les délires des psychopathes et le contenu des symboles et des mythes traditionnels. Même en ce qui concerne l’hérédité « archaïque » Jung ignore totalement de quoi il s’agit en fait, et s’avère incapable d’établir une juste discrimination Certes, cette hérédité peut être faite d’impulsions irrationnelles et vitales, mais les symboles et les mythes dont il est question n’ont pas grand-chose à voir avec un tel domaine. Ils ne figurent pas dans la vie primitive en tant que « projections » de la psyché inconsciente : ce sont seulement des résidus dégradés, des échos crépusculaires et nocturnes d’une réalité qui appartient à un tout autre plan ; c’est uniquement en tant que résidus qu’ils apparaissent comme les centres de cristallisation de forces irrationnelles. L’interprétation psychanalytique met avec désinvolture sur le même plan des témoignages ethnologiques- ceux précisément de la psyché primitive- et ce qui appartient aux grandes traditions spirituelles : on l’a vu, même dans les dogmes religieux, Jung voudrait ne voir que des effets de processus de la psyché inconsciente. CECI EST PUREMENT ET SIMPLEMENT UN NON-SENS. Tout ce qui peut se rattacher à des symboles et à des mythes traditionnels appartenait, à l’origine, à un plan de supraconscience se référant non pas au substrat vital et irrationnel mais au contraire à la réalité métaphysique, à ce que les Anciens appelaient « le supramonde », et plus précisément à sa nature lumineuse et olympienne, en tant que monde intelligible. Et la simple opposition entre ce monde antique et le monde « démonique » ou « infernal » aurait dû suffire à éclairer Jung sur tout ceci !

Si, dans tous les cas, la théorie psychanalytique se révèle n’être, d’une façon générale, qu’un pur psychologisme, en ce qui concerne les « archétypes », il ne s’agit de rien d’autre que de variétés de la psychologie humaine- qu’elle soit individuelle ou collective-. Ce que nous avons appelé la « subconscience métaphysique » n’en fait nullement partie, tandis que la véritable nature des archétypes, si on les rapporte au symbolisme traditionnel, est précisément métaphysique et non humaine– tout comme est non humaine leur origine. Il s’agit de signaturae de l’être intégral de l’homme, lesquelles, à ce titre, reflètent les puissances cosmiques et celles du « supramonde ».

Il est bien évident que « l’intégration », au sens où Jung l’entend sur la base de ses archétypes, n’est qu’une caricature du processus d’intégration initiatique. La différence qui les sépare, on peut l’indiquer en quelques mots clairs et nets : toute la démarche psychanalytique ne vaut dans la meilleure des hypothèses, que pour ramener à la normalité et à la santé psychique un type humain divisé et névropathe. Alors qu’au contraire, le processus initiatique part d’un type humain normal et sain pour le conduire au-delà de la condition humaine- ayant donc comme point de départ ce qui, pour la psychanalyse, est le point d’arrivée et que cette dernière serait bien en peine d’atteindre, compte tenu des « sujets » qu’elle entend soigner.