Seul le résultat compte: la méthode est secondaire par Siddharameshwar Maître de Nisargadatta (Partie 3)

 

 

Dans cette troisième partie je me suis attaché de nouveau à condenser l’enseignement de Siddharameshwar qui aborde un sujet intéressant concernant la pédagogie employée par les Êtres Réalisés pour mener le disciple au but. Ce qui une fois de plus nous permet bien de constater qu’il y a UN BUT et un CHEMINEMENT ou RECHERCHE pour y accéder, contrairement aux multiples assertions contemporaines qui nous disent qu’il n’y a rien à faire et que tout a toujours été là. Ceci est juste bien sûr mais au niveau absolu et c’est bien un signe des temps que de faire des confusions fréquentes entre le relatif et l’absolu, entre le provisoire et l’éternel. Donc non seulement il y a une recherche, de plus elle est très progressive et il ne faut pas griller les étapes afin de ne pas retomber en arrière. Ainsi avec finesse Siddharameshwar montre les moyens habiles employés par le Guru pour mener son disciple au but et il stipule bien à l’occasion que l’important est le but. Ceci au passage nous permet de relativiser les outils que nous employons, l’essentiel étant qu’ils nous aident à atteindre ce but. Les outils sont certes indispensables mais peuvent varier selon le conditionnement de chacun.

La sentence finale : « il nous faut renoncer au désir » tombe comme un couperet pour l’homme occidental habitué à penser que seul le désir compte et qu’il est même le moteur de la Vie. Et le chercheur qui a fui un christianisme mal compris réprimant pendant des siècles le désir, pourra se dire : « voilà on retombe dans les mêmes travers ! ». S’il est avisé il pourra découvrir enfin que les voies véritables se rejoignent toutes et d’une manière ou d’une autre mènent à la mort de l’ego. Et c’est ce koan qu’il faut résoudre : comment mourir tout en étant vivant, ce qui au passage est la définition même du Jivanmukta : de l’Être Réalisé !

 

« Celui qui avance pas à pas peut atteindre le but du voyage, mais s’il manque une marche et passe à la suivante, il risque fort de perdre l’équilibre et de retomber en arrière. Ainsi ce n’est que lorsque le premier corps est pleinement compris que le disciple pourra voir ce qu’est le suivant, mais s’il gravit les marches en toute hâte, il retombera dans la confusion. L’état étant le même dans le sommeil et le Samadhi (expérience d’unité profonde), ou dans l’ignorance et la connaissance, la véritable différence ne sera pas perçue dans toute cette confusion et le disciple pourrait prendre le sommeil pour le Samadhi et l’ignorance pour la connaissance. Il y a une similitude entre une toupie au repos et une toupie qui semble immobile en raison de la vitesse, de même entre l’obscurité totale et l’éblouissement causé par une lumière intense. Malgré la similitude de leur apparence, il y a une grande différence entre ces deux états, aussi est-il nécessaire de procéder par étapes pour éviter toute confusion.

Pour expliquer un point au disciple, on le décrit en insistant sur son importance, puis on lui dit que s’il le comprend bien, il en récoltera le fruit. Avant de passer au sujet suivant on lui fait remarquer la futilité du sujet qu’il a déjà compris. La grande importance du sujet suivant lui est alors expliquée.

La logique de cette méthode repose sur le principe que l’on n’éprouve aucune attraction envers un sujet si son importance n’est pas tout d’abord soulignée et que la tentation d’une récompense n’est pas entrevue.

Le sujet une fois assimilé, sa futilité est exposée de la même façon et le disciple y renonce automatiquement, désireux de connaître l’étape suivante.

Ainsi on prend en considération la psychologie du disciple et on l’incite tout d’abord à travailler pour sa subsistance et pour l’entretien de son corps en lui disant que ce dernier est Brahman, puis on montre peu à peu que c’est en fait le corps subtil qui éprouve les choses et on démontre la futilité du corps physique. Après avoir anéanti chaque corps, on dit que Tout est Brahman, mais on feint l’ignorance et l’on dit que ce n’est : ni ceci, ni cela (méthode apophatique).

Vous devriez être fermement convaincu que ce dont on peut se souvenir ou ce que l’on peut oublier n’est absolument pas vous. Lorsqu’il n’y a ni mémoire, ni oubli de soi, mais seulement le fait d’être soi-même, c’est ce que l’on nomme « Réalisation ».

Vous n’êtes pas le corps physique, vous n’êtes pas non plus le corps subtil, ni le corps causal, vous êtes de la nature de la conscience du corps supra-causal, qui est la connaissance : Je Suis.

Par la méthode de l’élimination que nous venons d’expliquer, le disciple a acquis la conviction que sa Véritable Nature est la pure conscience Je Suis.

Mais il faut signaler que, quelle que soit la méthode utilisée : celle de l’élimination, de la déduction, ou de toute autre méthode qui pourrait même sembler contradictoire, seul le but qui est de dispenser la connaissance de soi est important. SEUL LE RÉSULTAT COMPTE, LA MÉTHODE EST SECONDAIRE !

En dernier lieu : à moins que la conscience/connaissance ne meure, l’ignorance ne mourra pas. Conscience et ignorance sont des jumeaux nés de l’illusion. Ils naissent et meurent ensemble. Si l’un est là, l’autre y est aussi, si l’un disparaît, l’autre disparaît également.

Voyons maintenant comment la conscience elle-même mourra. Avant que la conscience du corps supra-causal ne disparaisse, les trois autres corps doivent mourir dans l’ordre, c’est-à-dire le corps physique, le corps subtil, le corps causal. Lorsque nous regardons un homme mourir, nous ne mourrons pas avec lui ! De même nous pouvons regarder calmement comment ces quatre corps meurent à l’intérieur de nous.

Voici un principe concernant la mort : « Lorsque la croissance s’arrête, la dissolution commence ». Une chose qui cesse de croître commence à se désintégrer et prend le chemin de la mort. Il n’y a rien de particulier à faire pour que le processus de la mort s’enclenche car la destruction est inhérente à la croissance. Dans la naissance il y a la mort et dans la mort il y a la naissance, c’est dans leur nature. Une chose qui naît meurt de sa propre mort même s’il semble y avoir d’autres causes, la racine de la mort n’est rien d’autre que la naissance. Ces quatre corps se sont surimposés à la pure nature, ils doivent donc mourir. Comment meurent-ils ? C’est ce que nous allons voir.

En partant du principe que tout ce qui naît meurt, la mort du corps physique est inévitable. Et si ce n’est pas aujourd’hui ce sera au maximum dans 100 ans. Le corps croît jusqu’à l’âge de 25 ans, puis il commence à décliner pour s’avancer sur le chemin de la mort et un jour il meurt. Comme le corps grossier n’est que la forme physique du corps subtil, il n’a pas d’existence indépendante ou séparée. Un arbre dans sa forme physique n’est rien d’autre que le prolongement de sa graine qui est le corps subtil, et cet arbre finira par se dessécher. Le corps subtil est la graine de la naissance et de la mort, mais la graine ne se détruit pas aussi facilement que l’arbre. Sa propre croissance est énorme et si elle n’est pas détruite par l’effort conscient de l’homme, elle continuera de proliférer éternellement. Cette croissance devient la cause d’un nombre infini de formes physiques projetant ainsi l’être dans le tourbillon des vies successives. Tandis que la croissance du corps physique s’arrête automatiquement, le corps subtil continue de croître et c’est là que nous ressentons le besoin des conseils de l’Être Réalisé pour pouvoir l’arrêter.

Pour arrêter la croissance du corps subtil et de son cortège de rêves, de volontés et de doutes, il nous faut renoncer au désir. Les désirs, les rêves et les peurs sont produits par le mental et c’est également par le mental que nous pouvons les déraciner. Ce qui est créé par le mental ne peut être détruit par la main et inversement ce qui est créé par la main ne peut être détruit par le mental. Quand nous essayons de supprimer ces désirs et ces rêves par la force, ils semblent se multiplier, le mental est si insaisissable que lorsque l’on essaye de le maîtriser, il s’agite de plus belle. Mais si vous essayez de vous apaiser intérieurement, petit à petit la volonté et le doute se dissoudront. »

NB : Je rappelle que tous les textes cités de Siddharameshwar ont été publiés dans deux livres parus aux éditions « Les deux Océans » :

-La clef de la Réalisation de soi.

-Embrasser l’immortalité