Jean de RUYSBROECK.(1293-1381)
Dans les lignes qui suivent je vais donner de larges extraits des cantiques spirituels de JEAN DE RUYSBROECK (1293-1381), prodigieux mystique du moyen-âge, qui comme le décrivent ses contemporains « était ignorant ». Devenu prêtre à 24 ans il ne connaissait ni le latin, ni le grec. Et un de ses biographes signale que : « c’est à peine s’il apprit la grammaire ».
Depuis sa plus tendre enfance : nulle autre connaissance n’avait d’attrait pour lui que les choses divines.
Prêtre séculier jusqu’à ses 60 ans il se retira ensuite avec deux congénères dans un ermitage en pleine forêt.
Sa renommée fut-elle, que peu à peu de nombreuses personnes passèrent le voir et notamment le grand mystique dominicain JEAN TAULER qui fut son disciple.
Il est frappant de constater une fois de plus comment les Êtres d’exception se rejoignent dans la transcription même approximative d’une expérience qui les dépasse et même si l’expérience ultime est au-delà des mots il transpire un tel Amour à travers leurs textes qu’ils sont pour nous des catalyseurs vivifiant notre propre recherche.
je me permets d’insister afin que le lecteur n’oublie pas l’époque et le contexte culturel dans lequel ont été écrits ces mots , il serait dommage de passer à côté d’un tel trésor !
« Celui qui connaît la vérité, et qui a la science de l’habitation intérieure, indépendant des amours et des douleurs de la terre : celui là est heureux, et il est préservé du mal tant que ses sens extérieurs sont recueillis sur la montagne.
Jouir de Dieu : ô joie des joies !
Quant à moi, suivant le conseil du sublime Amour, j’ai si profondément pénétré les choses accidentelles, que j’ai trouvé la liberté et l’absolution des liens.
Gloire à l’AMOUR !
Il délivre de la misère, il affranchit de l’extérieur. Il fait don de la nudité et de la flamme, et de la fusion.
Je vous en supplie : connaissez vous quelqu’un qui se soit ennuyé dans ces domaines ?
Ô Essence éternelle ! Tu ébranles absolument les puissances de l’âme.
Quand tu ouvres le désert à l’esprit que tu guides, la paix descend sur lui, et dans le silence profond de la jouissance, l’homme est illustré, et la clarté qui l’environne est digne de la nature très sublime de l’Essence.
Ô quelle horreur de se retourner vers le dehors !
Ô sources immenses, ô torrents de lumière !
Celui qui boit de votre eau, vit sans ennui, ni peur.
Ce n’est pas en vertu de son propre mérite qu’il a trouvé la liberté.
Les lointains d’autrefois sont devenus pour lui : voisinages.
Il a l’inexprimable joie de ne plus trouver sur terre son semblable.
Celui qui foule les sentiers de l’Amour, se porte bien au fond de lui-même.
Il entend la voix mystérieuse qui dit toutes choses en une parole .
Quoique le monde ait horreur de ma joie, et que sa grossièreté ne sache pas ce que je veux dire.
Si je leur dis mon transport : ils vont me mépriser.
Ils me mépriseront un moment, mais j’ai au dessus des siècles le sentiment de mon éternité et LA JOIE QUI EN RESULTE NE RESSEMBLE A RIEN.
Que celui qui veut connaître la vérité rentre en lui-même et vive au dessus des sens.
La connaissance la plus claire part du fond le plus intime.
Heureux qui la possède ! Il est incomparable aux autres créatures
Quant à moi je suis sorti ; j’ai dépassé par mes excès.
Mon Essence est trop riche pour qu’une créature puisse la saisir.
Autrefois quand j’étais captif dans vos filets, j’étais si soumis au monde que l’on ne me poussait pas du coude sans m’irriter.
Je m étais égaré loin de mon Essence parmi les choses qui tombent et coulent.
Maintenant je suis absous de vos nœuds.
Ô liberté si longtemps désirée et cherchée !
Là voici ! Je la tiens ! Je la sens ! Je me repose dans le lieu saint.
Quiconque rentre en soi, dit adieu aux amours et aux douleurs du monde.
Il ne trouve que l’Essence pure, sans dimension, ni mesure, très simplement éternelle.
Qu’on lise et qu’on écrive tout ce que l’on voudra :
l’ ÊTRE DEMEURE CE QU’IL EST,ET IL EST TRÈS LIBRE EN LUI-MÊME !
CROYEZ MOI MES ENFANTS : L’ACCIDENT N’EST PAS DANS L’ABSOLU !
CELUI QUI SAIT CELA PAR EXPÉRIENCE A LE DROIT DE DIRE EN VÉRITÉ QUE LA JOIE EST SON PARTAGE. »