Maître Wanshi : Conseils pour la pratique 10 : Seulement dans la sérénité du Silence: le Soi peut être connu !

« Toutes les connaissances du monde ne sont pas comparables au fait de retourner à l’Originel et d’obtenir la confirmation. »

 

Je désire mettre à la disposition des chercheurs sur ce site, dans sa totalité et en plusieurs épisodes, le merveilleux texte du Maître Zen Wanshi, intitulé : Conseils pour la pratique et qui démontrera, s’il en était encore besoin , à quelle hauteur de vue se situaient ces grands maîtres anciens. Point de psychologie de bazar, point d’exégèse philosophique complexe, de la poésie pure jouxtant avec la métaphysique la plus élevée. Comme je l’ai souvent constaté, ces textes sont d’ailleurs tellement profonds, qu’ils sont malheureusement trop vite utilisés par des gens qui répètent comme des perroquets leurs concepts les plus forts, sans se rendre compte du niveau qu’ils requièrent. La lecture de ces textes doit donc être accompagnée d’un grand travail en profondeur sur soi-même, de manière à ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué ! . Rien ne sert de répéter toute sa vie des phrases magnifiques, si les mots ne provoquent pas au fur et à mesure, une transformation profonde.
C’est donc le seul bémol que je mettrais aux merveilleux textes de la tradition zen , qui, s’ils ne sont pas accompagnés de cette ascèse intense, peuvent rester de beaux fleurons esthétiques de la tradition, et produire des Maîtres fort éloignés des maîtres Réalisés d’antan.

Ces textes parlent d’eux-mêmes et je ne désire y adjoindre aucune explication ou commentaire : au lecteur de faire le travail et d’élucider par ses propres moyens les mots qui lui sont obscurs. Les longues explications, même si elles paraissent parfois utiles, ne font que diluer le pur nectar qu’ils recèlent  et influencent d’une manière ou d’une autre leur réception profonde. Mieux vaut ne comprendre et retenir que quelques phrases qui frappent vraiment au cœur plutôt que de devoir adhérer aux idiosyncrasies d’un commentateur.

Disciple de Tanka Shijun, Maître Wanshi Shōgaku (1091-1157) n’a pas eu de successeur connu. Devenu moine à 11 ans, il s’installa à 39 ans sur le mont Tendō, dans un petit temple de nonnes taoïstes qui ne tarda pas à se transformer en temple zen. C’est à peu près tout ce que nous connaissons de sa vie, en revanche, son œuvre est bien connue. Il est notamment l’auteur du fameux Zazenshin que reprendra maître Dogen.

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La vue authentique de l’œil libérateur

Les moines de notre maison
Doivent avoir le corps sec et l’esprit frais
De façon à dépasser et à se libérer
De la naissance et de la mort.
Distinguez les profondeurs absolues du miroir,
Libre et intense, parfaitement illuminé.
Libérez-vous des quatre éléments et des cinq skandhas.
Lorsque les causes et les conditions ne sont pas encore actives,
Les portes des sens pas encore mûres,
L’embryon pas encore complètement développé,
Les émotions et la conscience pas encore fluides,
Si vous continuez quand même à exercer votre vision,
Alors comment la souffrance ne pourrait-elle pas être terminée ?
Réalisez ceci complètement.
Les narines des anciens maîtres
Et la pulsation de la vie des moines portant le kesa*
Consistent à tenir fermement et ensuite à libérer l’activité
De façon à ce que nous découvrions tous notre propre liberté.
Ainsi est-il dit que la pensée erronée est stoppée
Et l’immobilité arrive naturellement,
L’immobilité arrive et la sagesse apparaît,
La sagesse apparaît et l’immobilité disparaît nécessairement.
Claire et distincte,
Ceci est la vue authentique.

*Kesa: Habit sacré du moine que la tradition fait remonter au Bouddha . Ce dernier pour couvrir ses moines , a ramassé de multiples pièces de tissu souillées et usagées, les a lavées dans le Gange sacré et après les avoir teintes, les a cousues, faisant ainsi de l’habit le plus souillé : l’habit le plus sacré !

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Soyez aimablement enclins au partage

Dans la grande assise
Et la grande immobilité,
Les lèvres deviennent silencieuses
Et des montagnes d’herbes croissent sur votre langue.
Allant droit devant au-delà de cet état,
Laissez aller complètement,
Lavés et moulus comme un vernis fin.
Répondez avec une lumière brillante
À de telles profondeurs insondables,
Semblables aux eaux de l’automne
Ou à la lune accrochée dans le ciel.
Alors vous devez savoir
Qu’il y a une voie
Sur laquelle vous devez vous-même faire demi-tour.
Lorsque vous faites demi-tour,
Vous n’avez pas un visage différent qui puisse être reconnu.
Même si vous ne reconnaissez pas votre visage,
Rien ne peut pourtant le cacher.
Ceci est pénétrer du plus haut jusqu’au plus bas.
Lorsque vous avez complètement examiné vos racines,
Jusqu’à leur source ultime,
Un millier ou dix mille sages
Ne sont plus que des empreintes de pieds sur le chemin.
Emerveillés, retournez à votre voyage,
Profitez de la voie et avancez.
Dans la lumière existe l’obscurité ;
Lorsqu’elle est présente, aucune trace ne subsiste.
Avec les centaines de brins d’herbe présentes sur la place du marché,
Soyez aimablement enclins au partage.
Grand ouvert et accessible,
Vous promenant,
Montez le son de façon détachée
Et enjambez les couleurs
Et soyez alors même au-delà de les écouter et de les voir.
Parfaitement unifiée de cette façon,
Ceci est simplement l’activité appropriée des moines portant le kesa*.

*Kesa: Habit sacré du moine que la tradition fait remonter au Bouddha . Ce dernier pour couvrir ses moines , a ramassé de multiples pièces de tissu souillées et usagées, les a lavées dans le Gange sacré et après les avoir teintes, les a cousues, faisant ainsi de l’habit le plus souillé : l’habit le plus sacré !

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Le champ authentique

 

L’esprit primal transcende tout conditionnement,
Le dharma primal ne parle pas,
Mais tous les Bouddhas et tous les patriarches
Ne sont pas prisonniers de cela.
Dans la seconde porte de la signification,
Celle des phénomènes et de la parole,
Ils entrent en dialogue
Et l’énergie surgit,
Ce qui est immédiatement transmis et dispensé
À la fois aux pratiquants de première classe et aux imbéciles.
Par conséquent Deshan dit que notre école n’a aucun langage
Et également n’a pas pour chacun un dharma unique.
Originellement les gens arrivent à la vérité par eux-mêmes
Et l’affirment eux-mêmes.
Ensuite ils commencent à la discuter de façon à la renforcer
Et à se débarrasser de leurs pensées obsessionnelles
Et de leurs distractions.
Si une telle contamination est purifiée,
Alors la vaste brillance qui rayonne sans barrières n’a ni milieu ni bord.
Circulant et rayonnant,
La lumière est scintillante de blancheur,
Son illumination pénètre les dix directions.
Asseyez-vous en méditation
Et coupez immédiatement les causes et les effets,
Et le langage des trois temps.
Atteignant cela vous ne pouvez-vous attacher à un seul grain de poussière.
Seulement dans la sérénité du silence
Le Soi peut être connu,
Complètement spirituel dans toute sa gloire
Pas étranger aux sages ni diminué avec les gens mondains.
Dès le début ceci est l’unique affaire de la vieille maison.
Comment pouvez-vous atteindre quoi que ce soit en dehors de vous-même ?
Ceci est appelé le champ authentique
Où les personnes éveillées peuvent faire face aux dix mille changements
Et entrer dans chaque royaume.
Cette fonction merveilleuse
Et cette pénétration spirituelle
Sont naturellement sans obstacle.

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Coupez toute dualité

La pureté sans taches est votre corps ;
L’illumination parfaite sans conditionnement est vos yeux.
L’œil à l’intérieur du corps ne fait pas intervenir les sens ;
Le corps à l’intérieur de l’oeil ne collecte pas les apparences.
Alors il est dit qu’il n’existe aucune sagesse
En dehors de la réalité qui puisse éveiller la réalité.
De plus, il n’y a aucune réalité
En dehors de la sagesse qui peut être éveillée par la sagesse.
Ceci peut être appelé
Bouddha est le Bouddha de la famille du dharma,
Dharma est le dharma de la famille du Bouddha.
Les moines portant le kesa* arrivent là
Et savent ensuite que suivre les profondeurs du Bouddha
Et que suivre l’épanouissement du dharma
Est d’atteindre la bouddhéité.
Restaurant la vérité juste,
Tous ils s’asseyent et coupent toute dualité.
Ceci est la seule chose
Dont les gens des temps passés aux temps présents
Ont besoin pour vraiment célébrer.

*Kesa: Habit sacré du moine que la tradition fait remonter au Bouddha . Ce dernier pour couvrir ses moines , a ramassé de multiples pièces de tissu souillées et usagées, les a lavées dans le Gange sacré et après les avoir teintes, les a cousues, faisant ainsi de l’habit le plus souillé : l’habit le plus sacré !

Traduction brute de l’anglais par Vincent Keisen Vuillemin (dojo de Genève, disciple de Maitre Mokusho Zeisler) à partir du texte anglais de Taigen Dan Leighton Roshi.