Comme à son habitude Ramana à l’occasion d’une question d’un auditeur reprend en quelques mots assez incisifs toute la teneur de « son enseignement »( je rappelle au passage que pour Bernard il n’y a pas « d’enseignement » à proprement parler chez un être Réalisé, il y a le témoignage de son expérience et parfois des réponses ciblées à l’auditeur qui est devant lui en fonction de ce qu’il est à l’instant où il lui parle.Mais bien entendu il y a toujours quelque chose qui peut nous servir et nous toucher dans une réponse et elle comporte souvent une part d’universalité.)
L’image empruntée de l’enfant qui court après son ombre est à mon sens très évocatrice car nous pouvons en faire tous l’expérience : plus nous courons après elle plus elle s’éloigne et c’est un combat perdu d’avance dans lequel nous pouvons épuiser nos dernières forces sans aucun résultat.
De là à penser comme certains (de plus en plus nombreux dans le monde de la non dualité!) qu’il n’y a plus rien à faire : il n’y a qu’un pas et bien sûr ce n’est absolument pas ce que disent Ramana ou Bernard qui fustigent dès qu’ils en ont l’occasion cette position molle, paresseuse et opportuniste !
D’ailleurs de suite Ramana précise que lorsque l’on est en état de veille on a besoin de pratique et que donc il faut la faire. Et il propose les trois choses les plus connues en Inde : méditation, service du Guru et récitation des noms de Dieu : trois outils mis à la disposition des chercheurs pour accélérer, favoriser le retour au sein du Soi : Source véritable à laquelle il nous rappelle constamment.
Questionneur : Je pense que même pour un père de famille la chasteté et l’initiation sont indispensables pour réussir dans la recherche du Soi. Ai-je raison ? Ou bien ne doit-il observer la chasteté et chercher l’initiation d’un Maître que lorsque l’occasion se présente ?
Maharshi : Déterminez d’abord qui sont le mari et la femme ; alors ces questions n’auront plus de raison d’être
Q : peut-on contrôler les activités mentales et poursuivre l’interrogation : « Qui suis-je ? » Tout en restant engagé dans des occupations ? N’y a-t-il pas conflit entre les deux ?
M : Ces questions s’élèvent seulement en l’absence d’un mental stabilisé. Quand les activités du mental diminuent, sa stabilisation augmente.
Q : La théorie du karma signifie- t’-elle que le monde est le résultat d’action et de réaction ? Si oui action et réaction de quoi ?
M : Jusqu’à la Réalisation il y aura du karma, après la Réalisation, il n’y aura plus de karma, ni de monde.
Q : Quand je pratique la question « qui suis-je ? » : je m’endors, comment puis-je y remédier ?
M : Chantez le Nom de Dieu.
Q : C’est impossible quand je dors.
M : C’est vrai, la pratique doit se faire alors que l’on est éveillé : dès que vous vous réveillez vous devez la reprendre.
Le dormeur ne se soucie nullement de la question « qui suis-je ? ». Il n’a donc aucun besoin de pratiquer quoi que ce soit. C’est le soi éveillé qui désire la pratique et c’est pourquoi il doit la faire.
Ramana poursuivit en disant « le mental est quelque chose de mystérieux, il consiste en sattva(pureté)rajas (activité) et tamas ( inertie) . Les deux derniers donnent la naissance à vikshepa : la diversité.
Dans son aspect sattvique le mental reste pur, non contaminé. Il n’y a donc pas de pensées, il est identique au Soi.
Le mental est comparable à l’éther (akasha).
Tout comme il y a des objets dans l’akasha, il y a des pensées dans le mental.
L’akasha est l’équivalent du mental et les objets l’équivalent des pensées.
On ne peut espérer mesurer l’univers et étudier les phénomènes : c’est impossible.
Car les objets sont des créations mentales.
Vouloir les mesurer est comparable à la tentative de mettre le pied sur la tête de sa propre ombre pour l’immobiliser : plus on avance et plus l’ombre avance aussi.
IL EST DONC IMPOSSIBLE DE POSER LE PIED SUR LA TÊTE DE SA PROPRE OMBRE .
Quand un enfant cherche en vain à attraper la tête de son ombre avec ses mains, sa mère prend pitié de ses efforts inutiles ; elle prend la main de son enfant, la lui pose sur la tête en lui faisant ensuite observer à terre la tête de son ombre avec la main dessus.
Il en va de même pour l’ignorant qui cherche à étudier l’univers. L’univers n’est qu’un objet créé par le mental et qui a son existence dans le mental.
Il ne peut être mesuré comme le serait une entité extérieure.
IL FAUT ATTEINDRE LE SOI POUR ATTEINDRE L’UNIVERS.
Les gens me demandent souvent comment contrôler le mental. Je leur réponds : « Montrez moi le mental et vous verrez ce qu’il faut faire. »
Le fait est que le mental n’est qu’un faisceau de pensées.
Comment voulez vous le supprimer par la pensée ou le désir de le faire ?
Vos pensées et vos désirs ne sont-ils pas des parties intégrantes du mental ?
Par de nouvelles pensées qui s’élèvent, le mental ne fait que s’accroître.
Par conséquent il est stupide de vouloir tuer le mental par le mental.
La seule manière de s’y prendre c’est de trouver sa source et de s’y agripper : alors le mental s’affaiblira de lui-même.
Le yoga lui, enseigne la maîtrise des activités mentales, moi je recommande la recherche du Soi : c’est un chemin réalisable.
La maîtrise des activités mentales se produit aussi dans le sommeil, lors d’un évanouissement ou d’un jeûne.
Mais dès que ces conditions sont supprimées, les pensées affluent de nouveau.
A quoi sert-donc le contrôle mental ?
Dans l’état de torpeur, il y a la paix et pas de souffrance. Mais la souffrance revient dès que la torpeur est passée.
La Maîtrise ne sert donc à rien et ne peut produire de bénéfice durable.
Comment s’y prendre alors pour que le bénéfice soit durable ?
C’est en trouvant la cause de la souffrance.
La souffrance est due aux objets, s’ils n’existaient pas, il n’y aurait pas de pensées qui en dépendent et ainsi pas de souffrance.
Mais « Comment les objets cesseraient-ils d’exister ? » est alors la question qui se pose. La tradition et les sages disent que les objets ne sont que des créations mentales.
Ils n’ont pas d’existence substantielle : étudiez la question et vous vous rendrez compte de la vérité de cette affirmation.
Vous en conclurez que le monde objectif se trouve dans la conscience subjective.
Ainsi LE SOI est l’unique réalité qui imprègne et enveloppe toute la manifestation.
Et puisqu’il n’y a pas de dualité dans le Soi, aucune pensée ne vient troubler votre paix : c’est La Réalisation du Soi. Le Soi est éternel et il est toujours réalisé.
La pratique consiste à se retirer dans le Soi chaque fois qu’une pensée vient déranger votre tranquillité.
Il ne s’agit pas de concentration ou de de destruction du mental , mais d’un retrait dans le Soi.
La méditation, l’Amour du Guru, la récitation du nom de Dieu, sont des aides pour maintenir au-dehors la multiplicité des pensées.
Une seule pensée prévaut alors, qui finit, elle aussi, par se dissoudre dans le Soi.
Un mental sans pensée est comparable à deux miroirs clairs, l’un face à l’autre, n’échangeant entre eux aucun reflet.