Swami Ritajananda
Dans les temps qui viennent j’ai décidé, vu la demande et l’assiduité de certains lecteurs de publier un ensemble de ce que j’appellerai : « 101 questions essentielles à Bernard ». Ces 101 questions qui sont extraites soit d’entretiens oraux, soit de réponses à des mails ou lettres, couvrent à mon avis l’essentiel de ce dont a besoin un chercheur sérieux pour découvrir sa Nature Véritable. Elles ont été faites quelques années après la Réalisation de Bernard autour des années 2000.
Une petite mise au point est indispensable afin de préciser à chaque lecteur, à chaque chercheur, la nécessité de s’imprégner du sens profond des réponses qui vont suivre sans trop s’attarder sur la forme particulière donnée à chaque réponse.
En effet, la forme concerne spécifiquement la personne qui a posé la question et qui a obtenu la réponse qu’elle « pouvait entendre ». Ce qu’elle peut entendre est fonction de sa personnalité propre, de ce qu’elle est capable d’accepter, de son évolution à l’instant même où la question a été posée et d’autres facteurs plus subtils.
Le fond de la réponse va directement au Cœur et concerne tout chercheur sérieux et passionné. L’impact produit est alors fonction de la ferveur de chacun.
Il est indispensable que la réponse soit « absorbée » sans que l’intellect ait le temps d’interpréter ce qu’il a entendu.
Plus tard la personne y réfléchira, retournera les paroles dans tous les sens et fera agir son sens critique.
La compréhension intellectuelle est utile pour prendre conscience de l’existence des concepts, mais elle est incapable de les dépasser tout simplement parce qu’elle en fait partie.
Il ne faut donc pas donner trop d’importance à la compréhension, et se souvenir avec passion que seule l’Expérience personnelle nous conduira au but tant désiré.
De nombreuses personnes pourront se dire : que de répétitions ! C’est vrai et tous les sages un peu sérieux ont répété des milliers de fois, sous des formes différentes les mêmes recommandations. Le mental humain a tellement tendance à se figer, à se scléroser, à se durcir, qu’il faut marteler sans cesse les mêmes évidences ,pour que, par chance une ou l’autre arrive à pénétrer et transpercer la couche de notre ignorance (qui est rappelons-le un des trois poisons du bouddhisme). En préparant ce travail, j’ai moi-même relu ce que j’avais lu tant de fois et à chaque lecture, un petit plus apparaît dans la compréhension et l’intégration de ces vérités de base.
Abordons donc ces pépites, gracieusement offertes, avec Amour et humilité, qu’elles nous accompagnent dans notre voyage merveilleux , à la découverte de notre Nature Véritable.
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Ces cinq premières questions vont cerner quelque peu le voyage à entreprendre et les interrogations que ne manque pas de faire notre mental agité. Bernard dit souvent que tout chercheur doit, dès le début, bien savoir ce qu’il cherche pour éviter toute confusion. Le point de départ de toute recherche est bien entendu l’insatisfaction fondamentale qui réside au coeur de l’être humain. Quiconque a un peu d’expérience de la vie se rend compte assez vite que toutes les solutions, aussi magnifiques soient-elles, qui lui sont proposées, ne comblent que très imparfaitement cette sensation de vide. Malgré cela, bien souvent les gens persévèrent dans cette voie sans issue au lieu d’entamer une Vraie Recherche. Cela fait penser à ces poules qui s’obstinent contre un grillage pour passer à tout prix de l’autre côté, et cela sans succès, alors que la voie est dégagée quelques mètres plus loin. Une école de thérapie très célèbre a très bien démontré à quel point nous n’arrivions pas à résoudre nos problèmes, uniquement parce que nous persévérons dans la mauvaise direction (ne faisant qu’aggraver le problème) plutôt que d’envisager le problème sous un angle totalement différent.
En quelques réponses Bernard va fixer la cap et nous inviter à redonner au mental la toute petite place qu’il mérite, au lieu d’envahir l’espace de nos vies et nous obstruer l’accès au But essentiel qu’est le Bonheur absolu.
1) J’aime passer du temps dans les librairies et fureter dans le rayon « spiritualités ». Mais je ne sais où donner de la tête. Il y a tellement de disciplines, de philosophies, et d’enseignements différents qui partent dans tous les sens ! Comment s’y retrouver et choisir ceux qui sont valables ?
Bernard : Je me rappelle tous les livres lus, digérés ou pas d’ailleurs. Il y a une dizaine d’années que je ne suis allé dans une librairie . Comme c’est impressionnant tous ces livres ! Comment un chercheur peut-il s’y retrouver et que d’importance donnée à l’être humain dans des « sciences » diverses : les pouvoirs imaginaires d’un homme provisoire dans un monde en sursis.
Pouvoir, voilà bien le mot magique, mais surtout tragique. La plupart de ces livres vendent de l’illusion, promettent beaucoup de choses, à qui ? À un individu qui, même dans l’espace-temps, ne représente qu’une fraction de seconde, et pourtant l’homme en redemande !
Tout cela pour dire simplement que les hommes mènent d’autres hommes en leur cirant les pompes, en les flattant, en promettant des paradis, en proposant des méthodes, etc…
Mon expérience de la recherche me fait dire de tout mon cœur : ne croyez rien, n’attendez rien et regardez simplement QUI est concerné chaque fois qu’une pensée, un désir, un sentiment, etc… survient.
Seul le sujet est réel car sans lui, à qui pourrait bien survenir quoi que ce soit ? N’est-ce pas évident ? Et c’est là que la conscience intervient : le mental ne peut pas se voir, donc seule la conscience permet que surgisse le fond même de la question. Comme si la conscience disait au mental : ne vois-tu pas que c’est évident ? Et le paradoxe justement, c’est que le mental tout seul ne peut rien faire, il ne peut appréhender la conscience dont il n’est qu’un instrument.
2) Les pensées semblent venir d’une source introuvable : existe-t-elle ? Si une telle source n’existe pas, le mental n’existe pas bien sûr ! Mais alors, qui cherche ? c’est le Soi…Le Soi chercherait-il le Soi ?
Bernard : Pourquoi être aussi compliqué ? Ta propre expérience ne te montre-t-elle pas à chaque instant que le processus mental est bien présent et qu’il fait bien partie de l’individu, de cet ensemble « corps-mental » qui pose tant de problèmes et donc tant de questions, mais qui est également la source de tant de souffrances, de sensations agréables ou désagréables etc…Cela est ta propre expérience, pourquoi ne pas voir les choses telles qu’elles sont ?
Certes, il y a tant et tant de livres qui traitent de l’inexistence du mental, de l’absence même d’un chercheur, d’illusion expliquant que le monde n’est qu’un rêve etc…
On peut tout dire mais le plus facile est de voir les choses telles qu’elles se présentent dans notre propre expérience quotidienne et si possible, l’instant qui précède l’interprétation qui va en être faite par le processus mental dont c’est le simple rôle.
Donc il y a bien un mental et les vraies questions sont les suivantes :
-Qui est concerné par l’apparition du mental qui se produit chaque matin au réveil?
-Est-ce que le mental est permanent ?
Et la constatation la plus importante à ce sujet : pour que le mental apparaisse, il faut bien que quelqu’un soit témoin de cet événement !
3) Est-ce que le mental est un feu qu’il faut éteindre ? Ou alors est-ce que ce feu s’éteindra de lui-même ?
Bernard : On a tout dit et souvent n’importe quoi à propos de ce mental si encombrant !
Le mental est un feu, un piège, une illusion, un concept, un voleur qu’il faut démasquer etc…
Alors donnons-lui sa simple petite place afin de ne pas sublimer son petit rôle, celui d’un processus d’accompagnement de la conscience d’être qui apparaît au réveil et qui, parce que c’est le rôle que la nature lui a attribué, fait que cette conscience d’exister(qui ne peut se produire que dans un espace-temps)est identifiée aussitôt à la forme particulière qu’est l’individu, tout simplement parce que c’est là et là seulement qu’il joue son rôle : le processus mental « habite là » ! Et à voir les problèmes qu’il engendre, il tient beaucoup à y rester.
4) Je pense toujours ne plus avoir de questions, mais en fait, elles reviennent toujours. Qui se pose de telles questions ?
Bernard : L’existence elle-même, l’existence dans sa totalité, l’existence…Tout simplement…Elle attire à elle toute existence particulière, telle une mère qui appelle ses enfants. À aucun moment le processus mental ne peut envisager qu’il puisse exister une forme différente de vie que celle dans laquelle il évolue dans les états de veille ou de rêve. Il ne peut en être autrement.
Au-delà de son petit rôle, il n’y a donc rien, de son point de vue bien sûr. Tout cela pour dire que ce n’est jamais le mental qui suggère les questions bien qu’il y participe ensuite par son interprétation et c’est bien cela le réel paradoxe ! C’est un peu comme en politique, il participe à la compréhension de ce qu’il n’expérimentera jamais.
En fait, ce qui pose la question c’est la VIE, l’existence, mais dès que l’on va vouloir comprendre, chercher, etc… le processus mental va participer à cette fameuse recherche et son interprétation ne donnera jamais la réponse idéale tout simplement parce qu’il n’a pas et n’aura jamais l’expérience de l’existence totale que l’on appelle le Soi.
5) Vous allez trouver cette question étrange et j’aurais dû, c’est vrai, la poser au tout début ; mais parfois, je suis un peu perdu dans ma recherche et je ne sais plus vraiment ce que je cherche. Pourquoi dois-je découvrir ma Véritable Nature et le fait d’y parvenir me rendra-t-il heureux ?
Bernard : C’est lorsque cette question se présente à nous que l’on entreprend ce que l’on appelle une « recherche spirituelle ». Or, à quoi aspire chaque individu sur cette planète ? Que recherchent inlassablement les hommes, sinon le Bonheur ! Tout le monde cherche comment parvenir à être heureux. Observez attentivement la vie des hommes et la vôtre, et vous constaterez que tous recherchent à être autre chose que ce qu’ils sont au départ. Et c’est naturel ! Le problème c’est que de très nombreuses voies sont proposées et que très peu nous conduisent au But. Les différentes religions promettent le Bonheur, mais un bonheur conditionné et à très longue échéance. Ce fameux bonheur promis par les religions n’est pas expérimentable, ici et maintenant.
Si ce bonheur est fixé à une date ultérieure, c’est qu’il n’existe pas en ce moment. Or s’il n’existe pas aujourd’hui, c’est qu’il aura un commencement et s’il a un commencement, obligatoirement il aura une fin !
Ce bonheur n’a donc aucune réalité et les paradis proposés sont créés pour rassurer et nourrir un espoir sans lequel la vie des hommes serait encore plus pénible. Mais ce n’est jamais une solution ! Les partis politiques font de même et les nouvelles philosophies se perdent dans de belles phrases qui bien sûr ne changeront jamais rien, d’autant plus en fait qu’il n’y a rien à changer sinon notre façon de voir.
Au départ, identifiés à cet ensemble corps-mental, nous recherchons naturellement le Bonheur dans le monde, sans trop savoir ce qu’est réellement ce Bonheur, simplement nous le sentons, nous sommes persuadés qu’il existe.
En quoi consiste le Bonheur ? Question primordiale ! Le point essentiel est la PERMANENCE : le Bonheur doit être permanent.
Or si l’on examine notre vie avec ses joies et ses peines, nous remarquons rapidement que ce n’est pas réellement le Bonheur parce que les événements qui nous rendent heureux sont éphémères, ils ne durent pas et leur nom est : plaisirs.
Ce qui n’est pas permanent, ne peut nous procurer le Bonheur auquel chacun aspire si fortement. Il est vrai que l’on pourrait remplacer l’expression : « recherche spirituelle » par recherche du Bonheur car c’est plus explicite.
Mais comprenons bien que l’humanité tout entière est à la recherche de ce Bonheur : celui qui boit avec excès, le drogué, les affamés de sexe, les révoltés en tous genres, ceux qui ne vivent que pour s’enrichir, ceux qui recherchent la gloire et même les religieux, oui, tous ceux-là recherchent ce fameux Bonheur !
Soyez-en convaincus et vous verrez qu’en fait tout le monde est en pleine recherche. Et la vérité s’affirme d’elle-même : on entend souvent dire (et c’est le mal du siècle) « je suis mal dans ma peau », c’est normal puisque nous ne sommes pas cette peau.
L’unique problème, mais il est de taille, c’est que l’homme, identifié à son corps, recherche le Bonheur avec les moyens du corps et ces moyens ce sont les sens. Les sens ne peuvent nous procurer que des sensations. Si ces sensations sont agréables, nous les appellerons plaisirs et si elles sont désagréables, souffrances.
Les plaisirs ne sont ni bons ni mauvais, ils correspondent naturellement à une réaction des sens aux objets qui nous entourent. Mais ce qui est en revanche certain, c’est qu’ils sont éphémères : ils apparaissent et puis disparaissent. Si l’homme est privé d’un plaisir qu’il a l’habitude d’avoir, il en sera perturbé et cela engendre une souffrance.
Celui qui constate l’impermanence des plaisirs va alors se demander comment trouver réellement le bonheur.
En approfondissant notre recherche, nous constaterons que ce Bonheur, qui se doit d’être permanent, ne peut pas être extérieur à nous. Cela seul qui est permanent est appelé le Soi et c’est en Lui seul que se trouve le bonheur. C’est notre Nature véritable que l’on qualifie de « Être- Conscience- Béatitude » (Sat Chit Ananda).