101 questions essentielles à Bernard : Partie 4 : la force du mental et des pensées.

Dans les temps qui viennent j’ai décidé, vu la demande et l’assiduité de certains lecteurs de publier un ensemble de ce que j’appellerai « 101 questions essentielles à Bernard. » Ces 101 questions qui sont extraites soit d’entretiens oraux, soit de réponses à des mails ou lettres, couvrent à mon avis l’essentiel de ce dont a besoin un chercheur sérieux pour découvrir sa Nature Véritable.
Une petite mise au point est indispensable afin de préciser à chaque lecteur, à chaque chercheur, la nécessité de s’imprégner du sens profond des réponses qui vont suivre sans trop s’attarder sur la forme particulière donnée à chaque réponse.
En effet, la forme concerne spécifiquement la personne qui a posé la question et qui a obtenu la réponse qu’elle « pouvait entendre ». Ce qu’elle peut entendre est fonction de sa personnalité propre, de ce qu’elle est capable d’accepter, de son évolution à l’instant même où la question a été posée et d’autres facteurs plus subtils.
Le fond de la réponse va directement au Cœur et concerne tout chercheur sérieux et passionné. L’impact produit est alors fonction de la ferveur de chacun.
Il est indispensable que la réponse soit « absorbée » sans que l’intellect ait le temps d’interpréter ce qu’il a entendu. Plus tard la personne y réfléchira, retournera les paroles dans tous les sens et fera agir son sens critique.
La compréhension intellectuelle est utile pour prendre conscience de l’existence des concepts, mais elle est incapable de les dépasser tout simplement parce qu’elle en fait partie.
Il ne faut donc pas donner trop d’importance à la compréhension, et se souvenir avec passion que seule l’Expérience personnelle nous conduira au but tant désiré.
De nombreuses personnes pourront se dire : que de répétitions ! C’est vrai et tous les sages un peu sérieux ont répété des milliers de fois, sous des formes différentes les mêmes recommandations. Le mental humain a tellement tendance à se figer, à se scléroser, à se durcir, qu’il faut marteler sans cesse les mêmes évidences ,pour que par chance une ou l’autre arrive à pénétrer et transpercer la couche de notre ignorance (qui est rappelons le un des trois poisons du bouddhisme). En préparant ce travail, j’ai moi-même relu ce que j’avais lu tant de fois et à chaque lecture, un petit plus apparaît dans la compréhension et l’intégration de ces vérités de base.
Abordons donc ces pépites, gracieusement offertes, avec Amour et humilité, qu’elles nous accompagnent dans notre voyage merveilleux , à la découverte de notre Nature Véritable.

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Dans les réponses aux questions qui suivent, Bernard aborde le point essentiel pour tant d’êtres humains, et particulièrement pour les chercheurs spirituels : celui du mental. Incontournable, souvent encombrant mais en même temps indispensable, c’est un hôte qu’il va falloir manier avec intelligence et discernement. D’autant plus, comme le dit merveilleusement Bernard que « le seul moyen pour l’ego de continuer est de simuler l’ignorance. » La partie va donc être serrée et comme toujours Bernard nous y invite avec passion mais aussi avec une clarté et une simplicité remarquables.

15) Quels sont les moyens qui permettent de ne plus tout analyser de façon rationnelle, de franchir cette barrière qui est l’intellect pour le cheminement spirituel ?
Bernard : En dehors de l’introspection, de l’investigation qui ne peuvent être qu’intellectuelles, la méditation est un bon moyen de « mise au calme ». Mais ce n’est qu’un moyen et il ne faudra jamais l’oublier ! Mais en fait l’intellect n’est pas une barrière puisqu’il est malgré tout indispensable à toute recherche. Il ne faut jamais perdre de vue que la recherche ne peut-être que subjective et qu’à partir de là, le seul handicap, la seule barrière, c’est justement de penser qu’il puisse y avoir une barrière.

16) Lorsque l’on se questionne au plus profond de soi-même sur l’origine des pensées, la réponse la plus souvent obtenue est : « de nulle part », ou : « elles apparaissent simplement ». la source des pensées ne nous apparaît pas comme très bien définie. Cette constatation suffit-elle à démontrer l’inexistence de l’ego ? Quelle est ensuite la prochaine étape qui permet de prendre conscience du Soi ?
Bernard : C’est vrai, la source des pensées ne nous apparaît pas comme très bien définie. Parce que le processus par lequel nous essayons de trouver cette source est mental et que le mental, ou ensemble des pensées, ne peut se trouver lui-même. L’important est : qui pose cette question ? Et puisque les pensées alimentent le mental qui lui-même n’a aucune existence sans les pensées (comme dans le sommeil profond) reconnaissons une fois pour toutes que ce n’est pas le mental qui est à la base de notre recherche et des questions qui s’imposent à nous : c’est le Soi !
La BASE de tout ce qui existe est le Soi et nous sommes Cela en permanence, que le mental soit ou non présent.
En fait rappelons-nous que la source de tout ce qui existe est le Soi et uniquement le Soi. Effectivement, constater que la source d’où surgissent les pensées est quelque chose de totalement impalpable, de totalement flou et en résumé d’inexpérimentable, parce qu’en fait c’est bien cela : oui cette constatation est la vérité en ce qui concerne l’ego ou le mental.
Cette remarque est très importante et il faut y repenser souvent : la source d’où s’élèvent les pensées, comme il est dit dans cette question, « ne nous apparaît pas comme très bien définie » représente bien l’expérience que l’on a de cette recherche qui est en réalité impossible. L’origine des pensées -ou source- n’est pas bien définie, tout simplement parce qu’elle n’existe pas réellement. Donc, la seule expérience possible à ce sujet est tout simplement le fait d’en prendre conscience. Et prendre conscience que c’est une impasse est en réalité l’expérience indispensable à faire.
Comme l’a dit très souvent Ramana : « Si l’on observe d’où surgit la notion Je (ce qui revient au même que chercher la source), le mental est absorbé en Cela ». Et Cela est le Soi. Ce n’est pas facile pour un débutant, mais pour un chercheur sérieux et réellement déterminé, peu à peu, cette observation attentive et passionnée de la source d’où surgissent les pensées, laissera la place à une sensation d’immensité. Et le petit « je » du départ, le « je » de l’individu, disparaîtra devant l’unique Soi, comme une poupée de sel, qui, rentrant lentement dans l’océan, se dissout totalement et n’existe plus en tant qu’entité particulière, mais en tant qu’océan. Il en est exactement de même pour l’ego qui recherche le Soi. Si les efforts sont continus et bien dirigés, l’ego finira par se dissoudre dans le Soi parce qu’il n’y a pas d’autre solution. L’ego n’a absolument pas le choix : ou bien il continue d’être alimenté par nos pensées et alors il vit et agit en patron ; ou bien nous essayons de démasquer l’usurpateur en le traquant continuellement et tout naturellement, il rendra les armes parce qu’il ne pourra pas lutter indéfiniment. Son existence dépend uniquement de la réalité que nous voulons bien lui accorder. Si nous prenons conscience qu’il n’est que l’ombre bien éphémère du Soi, il disparaitra définitivement.
Et il n’y a bien sûr pas de prochaine étape puisque trouver la Source, c’est Réaliser le Soi. Cette question est donc bien la question essentielle. C’est à partir du Soi que surgit l’univers tout entier et c’est en Lui qu’il disparaît chaque soir dans le sommeil profond. Ce qui apparaît puis disparaît n’est pas permanent et ce qui n’est pas permanent ne peut nous donner le Bonheur. Alors à quoi bon s’accrocher à une ombre ? Observons cette source d’où surgissent les pensées, observons le Témoin, celui qui se pose de telles questions et inévitablement, un jour, il ne restera que l’unique Soi.

17)  Comment se fait-il qu’il existe des périodes où le mental est très actif et empêche quasiment toute recherche et d’autres où cette recherche est plus aisée ? Quelle attitude faut-il avoir vis-à-vis du mental lorsque sa force empêche toute auto-investigation ?

 Bernard : Parce que ces périodes n’existent que dans le mental. Pour le Soi, c’est-à-dire notre nature réelle, il n’existe ni périodes d’activité, ni périodes de non-activité, il n’y a rien en dehors du Soi et dans le Soi, il ne se passe jamais rien. Toutes les expériences qui ont lieu au cours d’une journée sont en fait des impressions qui se heurtent à notre mental. Le seul problème, c’est que nous sommes persuadés que ces impressions nous sont destinées et c’est pourquoi nous en prenons livraison.
LE MENTAL A LA FORCE QUE NOUS VOULONS BIEN LUI DONNER.
Remettons-le simplement à sa simple petite place de figurant très provisoire, petite ombre du Soi, impermanent, turbulent, inconstant, etc… et il nous perturbera de moins en moins. Citons encore et encore ce merveilleux conseil de Ramana et entendons-le comme il faut : « Si l’on observe d’où surgit la notion « Je » le mental est absorbé en « Cela ».
Observer c’est être simplement témoin de quoi ? D’Être ! Seul le Soi existe et le plus merveilleux, et c’est un comble c’est que l’ego le sait parfaitement !
Mais le seul moyen que possède l’ego pour continuer d’exister séparément, c’est de simuler l’ignorance.
C’est pour cette raison que le chercheur doit observer, aussi souvent qu’il le peut, d’où lui vient cette sensation extrêmement forte d’exister, parce que cette sensation d’Être ne peut, en aucun cas, venir de l’ego ! Quand la nature de l’ego sera comprise, l’ego disparaîtra pour toujours.

18) Lors de nos activités quotidiennes, nous sommes harcelés par un flot de pensées et celui-ci semble continu, désordonné et souvent incontrôlable. Existe-t-il un moyen, non pas de stopper toute pensée car ceci s’avère quasiment impossible à faire, mais au moins de juguler ce torrent qui emporte tout sur son passage, ou alors de l’orienter dans une direction donnée qui puisse être bénéfique à la recherche spirituelle ?
Bernard : Qui est harcelé ? En allant à la source des pensées, celles-ci disparaîtront peu à peu, c’est une certitude. Il existe pour cela une multitude de méthodes dont les principales sont la méditation et la vigilance de chaque instant. En observant régulièrement les pensées, nous comprendrons le fonctionnement du mental.
La maîtrise du mental est possible. L’ego peut « disparaître » parce qu’il n’est qu’une ombre du Soi et qu’il n’a pas d’existence propre. Tant que nous lui donnons de la nourriture (les pensées) il continuera à nous faire croire qu’il est notre nature. Mais, lorsqu’il est privé d’alimentation, il s’efface et le soleil (le Soi) peut briller de toute sa splendeur. L’ego est un imposteur et les pensées représentent sa forme.
Quant à orienter le mental, bien sûr, non seulement c’est à recommander, mais c’est absolument indispensable et surtout au début, après il sera habitué. De même qu’un homme amoureux ne pense qu’à sa bien-aimée, celui qui est en quête d’Absolu ne pense qu’à son objectif et la comparaison est loin d’être excessive. Ce n’est qu’à ce prix, le prix d’une passion qui dévaste tout sur son passage, que le But peut être atteint.
Il est absolument impossible d’envisager de « trouver la vérité » sans être totalement consacré à sa recherche et cette recherche ne peut être qu’une passion dévorante, un feu qui nous consume, nous brûle, nous emporte comme une avalanche emporte tout sur son passage. En fait, il faut être totalement fou. Mais dans ce monde, complètement insensé, où les hommes sont passionnés à l’excès par des quantités d’activités passagères qui, c’est une certitude, les rendent plus esclaves que libres, quelle est la meilleure folie ?

19) Il est souvent demandé aux disciples de se concentrer sur le « Je suis », le sentiment d’existence, mais d’un autre côté, le mental ne pouvant être stable, n’y-a-t-il pas là une contradiction ? Que n’ai-je pas compris ?

 Bernard : mais dans cette vie, ne vois-tu pas une multitude de contradictions ?
Tout peut sembler contradictoire et je ne te citerai pas toutes les belles phrases du genre : « Vous êtes déjà ce que vous cherchez etc… »
Pour ma part il n’y a pas de disciple et je ne demande rien de particulier au chercheur. Par contre, mon conseil et uniquement parce qu’il découle de ma propre expérience, c’est d’arrêter de donner tant d’importance aux événements qui arrivent et qui arriveront quoi que l’on pense et de réaliser au plus profond de notre cœur que l’essentiel ne se trouve pas dans l’événementiel, mais dans celui qui constate l’arrivée de ces événements. Seul le sujet est important car sans lui rien ne pourrait arriver ! De même pour ces contradictions qui sont présentes continuellement tout au long de la journée et certainement encore chez un chercheur, parce qu’il regarde encore mieux que les autres ce qui semble être contradictoire… Là encore qui constate cela ? Seule la Base d’où surgit chaque matin, l’existence particulière ( entraînant avec elle le processus mental et donc ce qui l’alimente) doit faire l’objet de toute notre attention. Et à présent tu pourrais demander : « mais l’attention de qui, », alors j’insiste et je te dis, l’attention tout court ! l’attention tout court c’est tout simplement la présence à soi-même et sans les mots pour le dire, cela devient l’Êtreté.
Ô comme c’est beau et comme c’est vrai, surtout ne me crois pas, ne me crois jamais, mais de tout cœur je souhaite que tu réalises cela, au-delà de toute conceptualisation, au-delà de l’expérience même, là où il n’y a rien et cependant tout. Le corps de bernard(NDLR : à chaque fois que Bernard parle de lui par écrit il écrit toujours son prénom avec une minuscule indiquant par là qu’il s’agit de l’individu bernard et non de l’Être Réalisé) revit dans ses entrailles, ce que je suis en train d’écrire et les larmes coulent d’elles-mêmes. C’est trop beau ! trop présent et , tu le verras un jour, tellement proche, et tellement et uniquement Toi…
Tu termines ta lettre en disant : « Qui est l’observateur du mental instable ?  »
Durant la phase de sommeil profond, tu es bien vivant, tu existes bien et de la même façon dans les états de veille et de rêve. Pourquoi durant ce sommeil profond, les questions que tu te poses dès le réveil ne viennent-elles pas te secouer par la manche ? Est-ce que quelqu’un observe quelque chose dans le sommeil profond ?
La réponse est simple, et là, au moins tout le monde l’expérimente : non !
Durant le sommeil profond il n’y a pas conscience d’être et sans cette conscience d’être, j’existe tout de même. Le peu qu’il est indispensable d’avoir bien compris réside dans cette simple observation, il n’est pas nécessaire de comprendre autre chose.
Par contre au réveil la conscience d’être apparaît et cette impression d’exister ne jaillit pas de nulle part mais de LA BASE sans laquelle il ne se passerait rien : LA VIE, l’Existence dans sa totalité. La Vie tout court permet que surgisse une ramification temporaire que l’on appelle une vie particulière : l’individu. Mais durant cette apparition d’une vie particulière qu’est l’individu, la Vie, la Base n’a pas disparu. Elle demeure en permanence et ne connait pas les différents états, cette Vie est tout simplement le Soi. N’est-ce pas simple et évident ?
Le mental est un petit processus de fonctionnement de l’ensemble corps-mental conçu pour réagir aux sensations provoquées par la vie dans ce corps manifesté et il est alimenté en outre par les pensées et tout ce qui en découle. Le mental ne connait donc que les états dans lesquels il évolue, à savoir le rêve et l’état de veille. Le processus mental dépend totalement de la conscience que l’on en a et comme je le répète souvent, en tant qu’individu, si tu n’as pas conscience d’être, tu n’es pas et cela est expérimentable !
Tant que l’on est en recherche, et le mot n’est pas trop fort, le mental a son rôle à jouer, mais peu à peu la conscience que j’ai de ce processus de fonctionnement de l’individu et de tout ce qui en découle (événements, perceptions sensorielles etc…) l’emportera et c’est ce que l’on appelle l’attitude témoin. Le mental ne peut exister sans la conscience, mais la conscience existe sans le mental.
Elle sera d’abord conscience événementielle : je sais que je peux observer le fonctionnement du mental et des événements.
Puis elle deviendra conscience d’Être : je sais que j’existe.
L’étape suivante est la Réalisation qui est tout simplement la fin de l’identification de la Vie à une forme particulière (le corps).
Le processus mental est une infime partie du monde manifesté, une toute petite étincelle provisoire et instable, une petite pièce mécanique permettant au corps de fonctionner et il n’a jamais accès à la conscience. C’est uniquement la conscience qui permet l’observation et donc l’observation du mental. Comment ce simple processus pourrait-il comprendre ce qu’il n’expérimentera jamais ?
Tout ce qui existe dépend de la conscience que l’on en a , et parce que cela fonctionne ainsi tout ce qui est conçu passe par l’interprétation du processus mental et c’est ce qui crée le paradoxe : on confond très souvent le mental avec la conscience que l’on en a , les événements avec Celui à qui ils arrivent.
Chaque matin au réveil, la sensation évidente d’exister apparaît et pour que cette constatation soit possible, n’est-il pas évident qu’il faut bien que quelqu’un soit présent pour le savoir ?

20)  Ramana, Nisargadatta et vous-même parlez du But à atteindre comme étant en fait de réaliser que nous ne sommes pas ce corps, mais simplement l’Existence infinie d’où jaillit la vie particulière. Pourquoi nous identifions-nous à notre corps, pourquoi croyons-nous être cette personne ?

 Parce que c’est vrai, ce « nous » ou ce « je » est bien le corps et il n’y a donc pas d’erreur.
Mais celui qui pense cela est l’ego. L’identification à une forme particulière qu’est le corps, votre corps-cet ensemble corps-mental qui forme l’individu- n’est pas une erreur, c’est en fait naturel.
Car en fait c’est le processus mental qui, chaque matin, lorsque la conscience d’être apparaît, associe le fait d’être à la forme particulière dans laquelle il se trouve et instantanément l’individu est créé. Il est donc logique et naturel que cette identification se fasse, puisque c’est la personne qui pense être une vie particulière, et de ce point de vue, c’est évidemment vrai !
Lorsqu’il y a sensation d’être, c’est la conscience, et lorsqu’il y a le sentiment d’être un individu, c’est l’interprétation qui en est faite par le processus mental.
Rappelons encore et encore qu’une personne, un individu, ne peut pas réaliser tout simplement parce que la vraie nature d’une personne c’est d’être une personne, c’est-à-dire cet ensemble corps-mental qui apparaît chaque matin et disparaît chaque soir dans le sommeil profond.
La Réalisation de notre Nature Véritable consiste dans le fait que la conscience qui précède le processus mental réalise qu’elle n’est pas cette personne, c’est différent.