101 questions essentielles à Bernard : Partie 5 : Stopper la recherche ? Dualité

Dans les temps qui viennent j’ai décidé, vu la demande et l’assiduité de certains lecteurs de publier un ensemble de ce que j’appellerai « 101 questions essentielles à Bernard. » Ces 101 questions qui sont extraites soit d’entretiens oraux, soit de réponses à des mails ou lettres, couvrent à mon avis l’essentiel de ce dont a besoin un chercheur sérieux pour découvrir sa Nature Véritable.
Une petite mise au point est indispensable afin de préciser à chaque lecteur, à chaque chercheur, la nécessité de s’imprégner du sens profond des réponses qui vont suivre sans trop s’attarder sur la forme particulière donnée à chaque réponse.
En effet, la forme concerne spécifiquement la personne qui a posé la question et qui a obtenu la réponse qu’elle « pouvait entendre ». Ce qu’elle peut entendre est fonction de sa personnalité propre, de ce qu’elle est capable d’accepter, de son évolution à l’instant même où la question a été posée et d’autres facteurs plus subtils.
Le fond de la réponse va directement au Cœur et concerne tout chercheur sérieux et passionné. L’impact produit est alors fonction de la ferveur de chacun.
Il est indispensable que la réponse soit « absorbée » sans que l’intellect ait le temps d’interpréter ce qu’il a entendu. Plus tard la personne y réfléchira, retournera les paroles dans tous les sens et fera agir son sens critique.
La compréhension intellectuelle est utile pour prendre conscience de l’existence des concepts, mais elle est incapable de les dépasser tout simplement parce qu’elle en fait partie.
Il ne faut donc pas donner trop d’importance à la compréhension, et se souvenir avec passion que seule l’Expérience personnelle nous conduira au but tant désiré.
De nombreuses personnes pourront se dire : que de répétitions ! C’est vrai et tous les sages un peu sérieux ont répété des milliers de fois, sous des formes différentes les mêmes recommandations. Le mental humain a tellement tendance à se figer, à se scléroser, à se durcir, qu’il faut marteler sans cesse les mêmes évidences ,pour que par chance une ou l’autre arrive à pénétrer et transpercer la couche de notre ignorance (qui est rappelons le un des trois poisons du bouddhisme). En préparant ce travail, j’ai moi-même relu ce que j’avais lu tant de fois et à chaque lecture, un petit plus apparaît dans la compréhension et l’intégration de ces vérités de base.
Abordons donc ces pépites, gracieusement offertes, avec Amour et humilité, qu’elles nous accompagnent dans notre voyage merveilleux , à la découverte de notre Nature Véritable.

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Dans ce passage Bernard revient sur un point fondamental que beaucoup d’adeptes de « la non-dualité » feraient bien d’écouter attentivement, de méditer et surtout de mettre en pratique. Oui et trois fois oui, nous sommes déjà ce que nous cherchons, mais la Réalisation de cette  vérité apparement si simple va nécessiter une recherche intensive, qui sera plus ou moins longue selon les individus, mais qui est incontournable, étant donné que l’ego n’a aucune envie d’abdiquer.
Bien sûr qu’il n’y a absolument rien à faire pour être ce que l’on est, mais quel travail immense pour ne plus se prendre pour ce que l’on n’est pas !
C’est la passion, la détermination mise au service de cette recherche qui fera la différence.
Dans une époque où beaucoup de chercheurs sont avides de goûter à des fortes expériences dites « spirituelles », il est fondamental d’entendre que LE SOI ne peut être expérimenté. En effet une expérience aussi belle qu’elle soit a un début et une fin. On ne peut donc expérimenter que l’éphémère .

 

21) Le concept de la recherche spirituelle indique qu’il y a un chercheur d’une part et quelque chose de cherché d’autre part : il y a donc dualité. La recherche serait-elle alors un obstacle à son propre aboutissement ? Faut-il arrêter de chercher pour expérimenter le Soi ?

Bernard : il faut absolument comprendre, ou essayer d’avoir toujours un regard porté un peu plus loin que notre raisonnement intellectuel. Le raisonnement est indispensable, le besoin de comprendre également, sinon il n’y aurait pas de recherche. Toutefois nous ne devons jamais oublier qu’il n’y a absolument rien à faire de particulier pour « expérimenter le Soi » puisqu’Il est toujours à chaque instant « expérimenté ». Comme il n’existe absolument rien « en dehors » du Soi et qu’il est toujours présent, c’est tout le reste (monde, individus, états, pensées)qui fait l’objet d’une expérience particulière, jamais le Soi.
En réalité on ne peut pas expérimenter le Soi parce que l’expérience n’existe que dans et à cause de la dualité « expérimentateur-expérimenté ». Ce sont pour ces raisons que l’on dit que Connaître le Soi, c’est simplement Être le Soi.
Mais la recherche est malgré tout indispensable bien sûr ! ce qu’il faut bien définir c’est le BUT de notre recherche : Que ou Qui cherchons-nous ? tant que nous sentons au plus profond de nous le besoin de comprendre le But de la vie, et de répondre aux questions que nous nous posons au sujet de notre condition d’être humain, de la finalité de la « création », il y a recherche et c’est la bonne voie. Il est indispensable de commencer par toutes ces questions et d’y apporter des réponses, celles-ci ne seront pas toujours les mêmes, elles vont évoluer lentement, proportionnellement à notre désir d’atteindre le But.
Mais encore une fois, ce sont nos cinq sens qui expérimentent la manifestation et les événements qui s’y déroulent. C’est pour cette raison que les Yogis(par exemple)font tant et tant d’exercices pour maîtriser leurs sens et en devenir finalement maîtres. Dans quel but ? Tout simplement d’aller au-delà. Aller au-delà des sens, maîtriser les sens : tout cela pour dire que lorsque les sens sont transcendés, tout ce qui va avec l’est également : c’est cela le travail pratique d’une recherche. Celui qui a maîtrisé les sens de l’ensemble corps-mental,ne peut plus être identifié à l’individu parce qu’il n’y a plus possibilité d’expériences. Tout a été réabsorbé à la source et il ne reste plus que l’Être, c’est-à-dire l’Existence pure qui est non manifestée mais qui pourtant permet qu’il y ait manifestation, puisqu’elle est la base d’où tout provient et où en fait tout revient.
Pour en revenir au dernier élément de la question, on peut dire en effet que c’est quand la recherche prend fin que le Soi est simplement ce qu’il Est et qu’il a toujours été : la pure conscience d’Être. Mais il ne faut surtout pas arrêter volontairement la recherche, au contraire, il faut se battre de toutes ses forces, de toute son Âme, avec la conviction que le but sera atteint. L’échec est impossible pour celui qui veut absolument y arriver !
La recherche s’arrêtera d’elle-même lorsque le mental, las de lutter, rendra les armes ! Pendant des années, nous cherchons, sans trop savoir quoi, sachant qu’il y a quelque chose, en nous, au plus profond de nous, qui nous appelle. Une vérité intérieure en quelque sorte. Alors nous partons à la recherche de cette Vérité avec son flot de questions inévitables. Au fil du temps, notre conception de la vérité va changer totalement, les questions vont diminuer, le raisonnement ne fonctionnera plus comme avant, les doutes vont diminuer.
En fait, à force de harceler le mental, de le forcer à se plier à notre volonté ; à force d’efforts répétés pour devenir maître des sens, nous deviendrons libres, car ce que nous montre le monde, c’est que l’homme est esclave de ses sens ! Si nous parvenons à inverser ce processus, le plus gros du travail sera réalisé.

22) Nisargadatta Maharaj, lors de l’un de ses nombreux entretiens, a mis en évidence l’ironie de la quête spirituelle, en expliquant que ce qui est cherché est le chercheur lui-même ! Comparant alors le chercheur à un œil, il pose la question suivante : « Un œil peut-il se voir ? »
Quelle est la solution à ce problème ? Que faut-il faire ou ne pas faire pour permettre à l’œil de se voir ?

Bernard : C’est ce que l’on répète sans cesse et c’est vrai ! Ce que nous désirons atteindre, ce que nous cherchons avec passion, avec ferveur, en y mettant tout notre cœur, tout notre amour, quitte même à y laisser notre santé physique, oui, ce que nous trouverons en fin de compte, après parfois un long chemin et bien des épreuves : c’est Nous ! Plus précisément, Notre Être réel, celui que nous sommes à chaque instant et que rien ne peut atteindre.
C’est vrai, et c’est sans doute bien de le rappeler souvent, mais pour celui qui cherche, ce ne sont malheureusement que des mots. Rassurants certes, puisque, s’il a bien entendu, il sait à présent qu’il ne peut absolument pas ne pas arriver au but qu’il s’est fixé, puisque le But : c’est Lui, le Soi ! Mais combien de chercheurs ont réellement entendu ces mots précieux ? Combien agissent en fonction de cette évidence ? Très peu !
Cela prouve que c’est loin d’être évident et que, au-delà des mots et des belles expressions, le mental, les pensées, en résumé l’Ego, n’est pas très disposé à accepter d’emblée que l’on ne tienne plus compte de lui, et bien souvent, c’est lui qui l’emporte. C’est pour cela qu’il existe une recherche, un long chemin, des masses de techniques de méditation, de multiples exercices de yoga, qui permettront à l’élève de se relaxer, de méditer, puis enfin le calme venu, d’entrevoir, grâce à certaines expériences qui arriveront en temps voulu, qu’il n’est peut-être pas qu’un corps physique.
Il faut bien comprendre qu’il n’y a pas deux Soi : l’un cherchant l’autre. En revanche, et c’est bien pour cela que le chemin est long, il y a la manifestation et le non-manifesté. Celui qui cherche est dans le monde manifesté alors que le cherché n’est pas manifesté ! les deux sont réels, mais l’Un est éternel, alors que l’autre, en comparaison, n’est qu’un millième de seconde.
Alors, quelle est la solution à ce problème ? C’est bien entendu de trouver la réponse. Sachant qu’elle est en nous, concentrons toute notre attention sur le fonctionnement des pensées, plongeons à la source d’où elles jaillissent et elles disparaîtront d’elles-mêmes. C’est vrai, l’œil ne peut se voir, mais si l’on met un miroir devant lui, il se verra. Pour le chercheur, le miroir c’est le Soi.

23) Nisargadatta a dit : « Toute connaissance est conceptuelle et donc fausse. Ayez une aperception directe de la connaissance et abandonnez la quête de la connaissance. ». il s’oppose à toi lorsque tu me dis de mettre toute mon ardeur dans ma recherche de vérité. À quoi bon chercher puisque toute connaissance est fausse ?

Bernard : Lorsque Nisargadatta a donné la réponse que tu cites, il s’adressait à une personne capable d’entendre cela tel que c’est dit. À une autre personne il aurait pu donner une réponse totalement différente dans la forme. Il en est toujours ainsi.
Alors oui, et encore oui et toujours oui, il n’y a aucune connaissance à acquérir pour être le Soi ou être tout court ou encore pour être ce que l’on est déjà ; ce qui est, est depuis toujours, connaître c’est simplement être.
Tout cela pour te dire que l’on peut énumérer des paroles, des citations pendant des heures voire des jours, des années et alors ?
À mon tour je te dis également d’abandonner la quête de la connaissance, mais que veut dire abandon, que signifie connaissance ?
Où est l’idée de l’abandon, où est l’idée d’une connaissance quelconque dans le sommeil profond ? Qui abandonne quoi et qui connaît ?
Ce que je te dis en ce moment, ce sont également des concepts, mais comment le dire autrement ?
Il faut bien, tant qu’il y a un individu qui pour le moment est bien identifié à cette vie particulière, utiliser un langage qui est malgré tout adapté pour cela.
Oui, tout est concept mais cela n’est vrai qu’une fois vécu.
Oui, il n’y a rien à connaître pour être, mais cependant il faut passer par un cheminement dans lequel un individu cherche, doute, comprend, apprend et tous les verbes qui vont avec cette recherche pour qu’un jour, il se rende compte enfin que tout cela n’est peut-être pas très important, puis plus du tout.
Mais cela est le résultat d’un vécu sans lequel aucune prise de conscience n’aurait été possible.