Dans les temps qui viennent j’ai décidé, vu la demande et l’assiduité de certains lecteurs de publier un ensemble de ce que j’appellerai « 101 questions essentielles à Bernard. » Ces 101 questions qui sont extraites soit d’entretiens oraux, soit de réponses à des mails ou lettres, couvrent à mon avis l’essentiel de ce dont a besoin un chercheur sérieux pour découvrir sa Nature Véritable.
Une petite mise au point est indispensable afin de préciser à chaque lecteur, à chaque chercheur, la nécessité de s’imprégner du sens profond des réponses qui vont suivre sans trop s’attarder sur la forme particulière donnée à chaque réponse.
En effet, la forme concerne spécifiquement la personne qui a posé la question et qui a obtenu la réponse qu’elle « pouvait entendre ». Ce qu’elle peut entendre est fonction de sa personnalité propre, de ce qu’elle est capable d’accepter, de son évolution à l’instant même où la question a été posée et d’autres facteurs plus subtils.
Le fond de la réponse va directement au Cœur et concerne tout chercheur sérieux et passionné. L’impact produit est alors fonction de la ferveur de chacun.
Il est indispensable que la réponse soit « absorbée » sans que l’intellect ait le temps d’interpréter ce qu’il a entendu. Plus tard la personne y réfléchira, retournera les paroles dans tous les sens et fera agir son sens critique.
La compréhension intellectuelle est utile pour prendre conscience de l’existence des concepts, mais elle est incapable de les dépasser tout simplement parce qu’elle en fait partie.
Il ne faut donc pas donner trop d’importance à la compréhension, et se souvenir avec passion que seule l’Expérience personnelle nous conduira au but tant désiré.
De nombreuses personnes pourront se dire : que de répétitions ! C’est vrai et tous les sages un peu sérieux ont répété des milliers de fois, sous des formes différentes les mêmes recommandations. Le mental humain a tellement tendance à se figer, à se scléroser, à se durcir, qu’il faut marteler sans cesse les mêmes évidences ,pour que par chance une ou l’autre arrive à pénétrer et transpercer la couche de notre ignorance (qui est rappelons le un des trois poisons du bouddhisme). En préparant ce travail, j’ai moi-même relu ce que j’avais lu tant de fois et à chaque lecture, un petit plus apparaît dans la compréhension et l’intégration de ces vérités de base.
Abordons donc ces pépites, gracieusement offertes, avec Amour et humilité, qu’elles nous accompagnent dans notre voyage merveilleux , à la découverte de notre Nature Véritable.
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Je me souviens d’un entretien avec Bernard dans lequel il me disait qu’il avait entendu un chercheur qui déclarait qu’il voulait se concentrer sur le Soi , et Bernard avait éclaté d’un rire franc en disant : « je lui souhaite bon courage ! ». Dans les questions et réponses qui suivent Bernard, avec une simplicité déconcertante, mais avec la fermeté et l’assurance de celui qui est arrivé au but, va détruire les illusions de ceux qui trop facilement s’emparent maladroitement de tous les concepts fumeux de « la non-dualité » (encore un concept!) , pour les amener au seuil de l’indicible.
C’est ainsi qu’il aura entre autres cette phrase déstabilisante à souhait : « le meilleur moyen de se concentrer sur le Soi c’est de savoir que ce n’est pas possible! ».
Goûtez avec attention le nectar de ces réponses qui peuvent grandement orienter votre recherche !
47) Au cours de la journée, l’auto-investigation, c’est à dire la concentration sur le Soi, ne dure qu’un certain temps. En effet au bout d’un moment, suite à un court instant d’inattention, le mental reprend le dessus et avec lui son flot de pensées. Quel est le meilleur moyen d’être concentré en permanence sur le Soi ?
Bernard : En étant le Soi uniquement. C’est vrai la concentration ne dure qu’un temps, mais existe-t-il quelque chose de permanent pour le mental ? Non ! dans le mental, les pensées qui ne sont que des impressions passagères, vont et viennent sans cesse mais ne sont jamais stables. Par nature le mental ne peut demeurer longtemps concentré et d’autant plus sur le « Soi » car il ne peut lui donner une forme. C’est pour cette raison que l’auto-investigation ne peut jamais être permanente. Seul le Soi est permanent.
Ce qui apparaît et disparaît n’est pas permanent, mais Celui qui est témoin de cette impermanence, qui constate cela, est le Soi.
Mais en fait, qui recherche, qui se concentre, qui manque d’attention, qui a des pensées ? Qui a conscience de ces phénomènes ? Le mental ou conscience personnelle ! Suis-je cette conscience personnelle ? Non, parce que cette conscience personnelle n’est pas permanente, elle est présente dans les états de veille et de rêve, mais elle est absente dans le sommeil profond.
Alors le meilleur moyen d’être concentré en permanence sur le Soi, c’est de comprendre que ce n’est pas possible !
« je suis le Soi en permanence » est la Vérité. Le Soi n’est pas un objet sur lequel nous pourrions nous concentrer et c’est important de le comprendre. Cultivons l’attitude Témoin, simplement être présent à soi-même, c’est tout et c’est si simple ! La concentration peut certes nous aider, mais l’essentiel est de réaliser non pas qui est concentré, parce que cela est bien compris, mais Qui permet que cela soit possible ?
48) Quel est le moyen le plus aisé, ou disons plutôt le plus sûr de passer d’une « compréhension intellectuelle » de ce qu’est le Soi à une véritable expérience du Soi ?
Bernard : En comprenant bien que la compréhension ne peut être justement qu’intellectuelle et qu’il n’existe jamais un seul moment pendant lequel nous n’expérimentons pas le Soi. Ce que nous sommes c’est uniquement le Soi et ce que nous pensons être n’est que son ombre. Mais c’est vrai qu’il est indispensable de passer par le cheminement intellectuel qui comprend trois étapes successives :
-Écouter .
-Méditer ce que nous avons entendu.
-Expérimenter.
L’expérience spirituelle est le résultat naturel des deux premières étapes et elle n’est jamais provoquée. Elle survient au moment où l’on s’y attend le moins et efface pour un instant l’Ego, c’est-à-dire les pensées. Nous expérimentons toujours le Soi, mais comme cette expérience est perturbée par la dualité résultant de la manifestation, nous confondons l’Être avec le paraître, le spectateur avec le spectacle.
En fait, le recherche spirituelle, qui doit nous donner un jour la réponse au « Qui suis-je ? », ne peut être qu’une démarche intellectuelle. On ne peut comprendre que ce qui est inconnu, on ne découvre que des choses nouvelles, or le Soi est toujours connu. C’est donc en éliminant tout ce qui nous empêche de n’être que le Soi, que nous serons réellement ce que nous sommes en permanence. On peut même dire et essayer de comprendre qu’il ne peut pas y avoir d’expérience du Soi, mais il y a toujours dans le monde manifesté, expérience du non-Soi, c’est-à-dire de l’Ego.
49) Pourquoi est-il si facile d’être profondément absorbé dans ses pensées et au contraire si difficile d’être absorbé dans le Soi alors que celui-ci est notre état naturel ?
Bernard : Parce qu’il est totalement impossible d’être absorbé dans le Soi . Mais ce qui est possible et souhaitable, c’est de ne plus être absorbé par les pensées. Mais traduisons absorbé par identifié. Mais parce que l’on est identifié à l’ensemble corps-mental et donc aux pensées que l’on confond l’Être qui est le support, avec le paraître qui n’est qu’une impression mentale.
D’autre part le Soi n’est pas « notre » état naturel, il est l’État Naturel, comprenons bien la différence parce qu’elle est essentielle. Il est l’État Naturel seul, il est tout ce qui est et l’intellect n’est pas capable de le comprendre. Ce que nous devons absolument comprendre (et cela est facile avec une forte détermination) c’est ce que nous prenons pour la réalité en ce qui nous concerne, à savoir un individu dans un corps, dans le monde, avec des pensées, des peurs, des désirs, des besoins etc…n’est qu’un concept qui apparaît chaque matin, au réveil, et disparaît chaque soir dans le sommeil. Il n’y a rien d’autre à comprendre. La recherche spirituelle n’est un long cheminement que parce que nous pensons à tort, que c’est un cheminement. Si, dès à présent, nous nous demandons avec fermeté et conviction, qui parcourt ce chemin, nous ne trouverons personne sinon un concept. Une fois l’image effacée, il ne restera plus que l’écran.
50) Au cours de l’auto-investigation quotidienne, comment peut-on faire la différence entre :
-d’une part la pensée : « je suis le Soi », qui ne reste qu’une pensée provenant de l’ego
-d’autre part la conscience véritable d’être le Soi ?
Bernard : Cette question est la question primordiale et elle n’est pas posée très souvent. La seule réponse possible à cette question est la Réalisation ! En effet pour faire une différence, comme il est dit dans cette question, entre d’une part la pensée : « je suis le Soi » et d’autre part « la conscience véritable d’être le Soi » il faut qu’il existe une entité pour laquelle les différences sont possibles. C’est l’ego qui soulève de tels problèmes et qui perçoit des différences et c’est bien normal. La dualité « spectateur-spectacle » résulte de l’identification au corps qui se produit chaque matin au réveil : je dans mon corps, dans le monde. Avant le réveil, où se trouvaient les différences ? Où se trouvait ce corps que nous sommes persuadés d’être à présent ? Où se trouvait ce monde à qui nous donnons tant d’importance au réveil ?
Mais essayons d’aller plus loin. La conscience individuelle est toujours conscience de quelque chose. Quand il s’agit du Soi, il ne peut être question de conscience dans le sens habituel parce que le Soi ne peut pas être conscient de quelque chose. Pour reprendre les termes exacts de la question : « la conscience véritable d’être le Soi » c’est Être le Soi.
ÊTRE CONSCIENT D’ÊTRE LE SOI N’EST PAS POSSIBLE PARCE QU’IL FAUDRAIT ALORS QU’IL Y AIT DEUX SOI, LE PREMIER ÉTANT CONSCIENT DU DEUXIÈME !
Mais rassurons-nous tout de même car, bien que cela semble contradictoire, il n’existe pas d’autre moyen d’investigation. La recherche est mentale et comment pourrait-il en être autrement ? Tant qu’il y a identification au corps, c’est-à-dire à l’individu, il existe bien quelqu’un qui cherche quelque chose et qui pense que ce qu’il cherche est différent de lui-même. Lorsqu’il aura trouvé ce qu’il cherche et seulement à ce moment, il comprendra que Lui seul existe et qu’il n’y a rien en dehors de Lui. Tout ce que l’on peut comprendre est du domaine du mental et n’est donc pas permanent, mais le Témoin de cette compréhension est réel et permanent et nous sommes ce Témoin !
C’est vrai, se dire « Je suis le Soi » n’est qu’une pensée provenant de l’ego, mais les pensées n’ont pas toutes la même valeur ! Pour celui qui cherche sa Véritable Nature il est préférable d’avoir cette pensée très fortement ancrée en lui, à chaque instant, plutôt que de penser, comme le font par exemple les chrétiens : « je suis perdu, je dois être sauvé, je suis un pauvre pécheur ». La pensée : « je suis le Soi » est indispensable parce qu’elle représente la vérité ;
La pensée : « Je suis le Soi » est la seule qui corresponde à notre nature Véritable. Si nous sommes réellement déterminés dans notre recherche et que de toutes les innombrables pensées qui se présentent à nous depuis tant d’années, il ne reste un jour que cette pensée-là, elle deviendra pratiquement impersonnelle et informulée et c’est elle qui s’imposera à nous pour ensuite disparaître et se fondre dans le Soi.
51) « La quête du Soi permet :
– de découvrir son esprit immortel
– de se fondre dans l’être plus vaste qu’est son âme.
-La dissolution de l’individu dans l’Atman, c’est-à-dire l’un sans second. »
Dans ces trois expressions, quelle différence y a-t-il entre esprit, âme et atman ? Les deux premiers n’ont-ils pas une connotation plus individuelle ?
Bernard : Toutes ces expressions sont utilisées différemment, selon la culture, les religions ou systèmes philosophiques et n’ont pas toujours la même signification. Pour nous, le Soi est notre nature réelle, éternelle et non manifestée qui prend le nom de moi lorsqu’elle se manifeste. Le Moi c’est l’ego ou l’âme qui anime le corps physique
52) Comment se crée l’identification de la conscience au complexe corps-mental ? une fois la naissance de cette identification connue, n’est-il pas possible d’effectuer le processus inverse, c’est-à-dire de se désidentifier de la même manière ? une question reste alors, la conscience individuelle peut-elle être consciente du début de « l’attachement » ?
Bernard : L’Absolu qui est non- manifesté, non duel, se manifeste en créant l’espace et le temps ; ce processus entraîne la dualité et donc l’apparition d’une forme : il y a alors ce que l’on nomme « naissance ». Mais de quelle naissance s’agit-il ? Non pas de l’Absolu qui existait déjà, mais de la forme particulière qu’il a prise. Il en est ainsi de toute vie dans le monde manifesté et donc des êtres humains. C’est tout simple et pourtant, la sensation d’être une personne, c’est-à-dire, en fait, une forme déterminée, particulière, est très forte ! Mais là encore il ne s’agit que d’une impression, et cette impression n’est pas permanente puisqu’elle n’existe plus dans le sommeil profond. Ce qui n’est pas permanent n’a aucun intérêt dans notre recherche puisque nous recherchons la vérité. Cette vérité doit être permanente et la permanence est notre Vraie Nature.
Pour ce qui concerne la personne (l’ensemble corps-mental) l’expérimentation de la naissance n’existe pas. Le début de l’identification à une forme déterminée est la sensation « je Suis » : « je suis » est une expérience qui ne peut être appréhendée que dans la dualité. Bien que ce ne soit pas compréhensible, ce que l’on nomme conscience est relatif au monde manifesté et à l’expérience que l’on en a. Or, l’expérience ne peut concerner que l’état de dualité donc de l’individu, de la personne, puisque, pour qu’une expérience soit possible, il faut obligatoirement l’expérimentateur et la chose expérimentée. C’est pourquoi il faut essayer de « comprendre », mais c’est intellectuellement impossible, que ce que l’on appelle « Absolu » ne peut jamais faire l’objet d’une expérience, quelle qu’elle soit . C’est aussi pour cette raison que peu de chercheurs vont jusqu’au bout du chemin, tant l’homme est attaché aux concepts que l’expérience est tout. En réalité, l’expérience est très importante tant qu’elle est nécessaire, mais vient un temps où même cela doit être dépassé.
53) Lorsque l’on bénéficie de l’aide d’un Guru, celui-ci n’a de cesse de nous répéter la Vérité, c’est-à-dire que nous ne sommes pas le corps-mental, mais que nous sommes déjà le Soi. Pourquoi cette Vérité ne nous apparaît-elle pas alors comme évidente ? Quels sont les obstacles qui nous empêchent de voir cette Vérité, même si le Guru met le doigt dessus constamment ?
Bernard : Tout simplement parce que la Vérité ne peut pas « apparaître ». En effet, si cette vérité apparaissait, cela supposerait qu’elle disparaisse également. Ce qui apparaît et disparaît n’est pas permanent : cela ne peut donc être le Soi. Lorsque l’on entend une telle affirmation on se dit que c’est évident. Pourtant on l’oublie bien vite parce qu’en fait il n’est pas possible à l’intellect de « comprendre » ce qui le dépasse.
D’autre part, à qui cette vérité que nous sommes le Soi, n’apparaît-elle pas comme évidente ? Au mental, c’est-à-dire à l’ego, et donc à l’individu. Le Soi ne peut douter de lui-même et il est donc toujours évident et expérimenté en permanence, nous sommes toujours le Soi. Mais comme nous sommes actuellement identifiés à une conscience particulière réduite à une personne bien définie, nous croyons, à tort, ne pas expérimenter pleinement le Soi. En fait ne pas « voir » que nous ne sommes que le Soi, c’est comme une petite bulle dans l’océan qui prétendrait qu’elle existe toute seule, sans la présence de cette gigantesque étendue d’eau. L’océan est la réalité et la petite bulle n’est qu’une excroissance bien éphémère : l’océan c’est le Soi et la petite bulle c’est l’ego.
De plus, rappelons-nous à chaque instant de notre investigation, que le Soi ne résulte pas d’une prise de conscience quelconque. Lorsqu’il y a prise de conscience, c’est de ce que nous ne sommes pas en permanence. Le Soi ne peut faire l’objet d’aucune expérience particulière et il n’est pas quelque chose de nouveau qu’il faille découvrir.
Partant de cette forte conviction, nous comprendrons mieux que, bien que nous soyons persuadés au plus profond de nous-mêmes d’être le Soi, cela ne sera jamais évident comme le fait de se coincer le doigt dans une porte. La douleur ressentie au doigt est une expérience sensorielle et sera donc évidente.
La conviction, même très forte d’être le Soi n’est pas une expérience sensorielle-bien qu’elle soit à la base de toute expérience- et dans ce cas, il ne peut être question d’évidence. Comprenons bien la différence car elle est essentielle.
Pour conclure, on peut dire que cette vérité d’être uniquement le Soi sera évidente le jour où nous serons cette Vérité, parce que ce jour-là il n’y aura plus personne pour poser une telle question. Le Soi est la vérité, il est l’Évidence même, mais uniquement évidence d’Être et non pas d’être quelque chose.
Quant aux obstacles qui nous empêchent de voir cette Vérité que nous sommes le Soi, ce sont toujours les mêmes et nous venons d’en parler. Le plus gros obstacle est bien sûr de croire à tort que quelque chose pourrait nous empêcher d’Être. Je Suis, Cela est le Soi et personne ne doute d’exister. Je suis telle personne, cela est l’ego, ce n’est pas permanent et ce qui n’est pas permanent n’est pas réel.
Nous ne pourrons jamais « comprendre » le Soi, c’est-à-dire ce que nous sommes. Par contre nous pouvons très facilement, par l’introspection intérieure, comprendre ce que nous ne sommes pas ou encore, ce que nous ne sommes que par intermittence, il faut donc procéder par élimination, à l’exemple de Ramana : « Suis-je ce corps ? Suis-je ces cinq sens ? Suis-je le mental ? etc… Si nous procédons ainsi avec une forte conviction, à la fin, il ne restera que notre Nature Véritable, le Soi. Soyons-en bien convaincus et pour le reste il n’y a rien à faire de particulier.