101 questions essentielles à Bernard : partie 10 : évaluation des progrès.

 

 

Dans les temps qui viennent j’ai décidé, vu la demande et l’assiduité de certains lecteurs de publier un ensemble de ce que j’appellerai « 101 questions essentielles à Bernard. » Ces 101 questions qui sont extraites soit d’entretiens oraux, soit de réponses à des mails ou lettres, couvrent à mon avis l’essentiel de ce dont a besoin un chercheur sérieux pour découvrir sa Nature Véritable.
Une petite mise au point est indispensable afin de préciser à chaque lecteur, à chaque chercheur, la nécessité de s’imprégner du sens profond des réponses qui vont suivre sans trop s’attarder sur la forme particulière donnée à chaque réponse.
En effet, la forme concerne spécifiquement la personne qui a posé la question et qui a obtenu la réponse qu’elle « pouvait entendre ». Ce qu’elle peut entendre est fonction de sa personnalité propre, de ce qu’elle est capable d’accepter, de son évolution à l’instant même où la question a été posée et d’autres facteurs plus subtils.
Le fond de la réponse va directement au Cœur et concerne tout chercheur sérieux et passionné. L’impact produit est alors fonction de la ferveur de chacun.
Il est indispensable que la réponse soit « absorbée » sans que l’intellect ait le temps d’interpréter ce qu’il a entendu. Plus tard la personne y réfléchira, retournera les paroles dans tous les sens et fera agir son sens critique.
La compréhension intellectuelle est utile pour prendre conscience de l’existence des concepts, mais elle est incapable de les dépasser tout simplement parce qu’elle en fait partie.
Il ne faut donc pas donner trop d’importance à la compréhension, et se souvenir avec passion que seule l’Expérience personnelle nous conduira au but tant désiré.
De nombreuses personnes pourront se dire : que de répétitions ! C’est vrai et tous les sages un peu sérieux ont répété des milliers de fois, sous des formes différentes les mêmes recommandations. Le mental humain a tellement tendance à se figer, à se scléroser, à se durcir, qu’il faut marteler sans cesse les mêmes évidences ,pour que par chance une ou l’autre arrive à pénétrer et transpercer la couche de notre ignorance (qui est rappelons le un des trois poisons du bouddhisme). En préparant ce travail, j’ai moi-même relu ce que j’avais lu tant de fois et à chaque lecture, un petit plus apparaît dans la compréhension et l’intégration de ces vérités de base.
Abordons donc ces pépites, gracieusement offertes, avec Amour et humilité, qu’elles nous accompagnent dans notre voyage merveilleux , à la découverte de notre Nature Véritable.


Je n’aime pas personnellement cette notion d’évaluation si en vogue à notre époque, ou après chaque achat, chaque repas, chaque réunion, on vous fait passer un questionnaire dit « de satisfaction » ce qui encourage souvent les gens à déverser sans retenue leur désabusement ou au contraire à approuver sans discernement. Triste époque où tout se mesure ! Cependant dans son long cheminement le chercheur sincère peut légitimement s’interroger sur la validité de telle ou telle action et également s’il ne s’éloigne pas trop du but qu’il s’était fixé. Dans ce sens l’expérience de ceux qui nous ont précédé est inestimable, surtout celle d’un Être Réalisé qui n’a rien à enseigner, à vendre, mais dont le témoignage peut être très éclairant. Une fois de plus Bernard avec une clarté remarquable répond aux interrogations du chercheur sur ces sujets, adaptant sa réponse à chacun, ce qui peut amener à des réponses très différentes mais dont la lecture peut éclairer le chercheur selon les besoins profonds de sa propre et unique recherche.
Mais surtout ne devenons pas des techniciens de l’évaluation, des « chercheurs professionnels » comme dit Bernard, fustigeant l’esprit actuel, n’oublions pas que l’essentiel de la Voie est sous l’aile protectrice de l’AMOUR.

39) Comment peut-on savoir si l’auto-investigation est menée de façon correcte ? Existe-t-il des moyens pour le chercheur de se rendre compte qu’il est bien sur la bonne voie ?

 Bernard : en allant jusqu’au bout ! Mais le chemin que l’on suit est toujours le bon chemin. Quelle que soit la manière de procéder, l’investigation sur notre véritable Nature, ce qui est entrepris nous conduira au but ultime. Oui, il y a quelques repères qui nous encouragent au cours de notre recherche, telles la paix intérieure, la foi dans ce qui est entrepris, la confiance grandissante dans notre conviction que la réalisation est possible. Mais essentiellement une détermination de plus en plus forte qui, telle une tornade, écarte tous les obstacles sur son passage. Rien ne résiste à la détermination.
Mais pourquoi douter à présent d’être sur la bonne voie ? les livres parlent souvent de la grâce, cette fameuse grâce ! On a tout dit sur la grâce, mais surtout n’importe quoi. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que la confiance est indispensable. Alors bien sûr, confiance en quoi ? Mais tout d’abord en soi-même, confiance dans le But que nous voulons plus que tout atteindre, et puis confiance en ceux qui, avant nous, ont réalisé cette vérité que nous souhaitons tant découvrir !
Qu’est-ce donc que la grâce ? c’est par exemple ressentir au plus profond de notre être une réserve latente de Bonheur inexprimé mais très puissant au point de parfois nous submerger totalement, faisant disparaître toute pensée, toute formulation, tout concept, toute individualité et pourtant nous permettant, aussi court que soit cet instant, d’être réellement heureux alors même que les sens sont absents !
Mais le degré ultime de cette grâce arrive lorsque par exemple,(et quel exemple ! ) nous entendons parler d’un être d’exception comme Ramana Maharshi. Si l’on pouvait comprendre cela ! Mais en fait comprendre réellement Ramana Maharshi, c’est réaliser le Soi. En attendant ce jour il faut tout de même insister sur l’importance de la rencontre avec un tel être, parce que cette rencontre est LA RENCONTRE ! Il n’y a plus rien après, il n’y a rien au-dessus ! n’hésitons pas à lire, à relire, puis à méditer, puis à expérimenter les paroles de Ramana et alors nous ne pourrons plus douter que nous sommes sur la bonne voie ! Comment, alors que nous connaissons Ramana, que nous avons goûté ses paroles, si puissantes, si essentielles, si vraies en résumé ; alors que nous sommes persuadés qu’il dit vrai et qu’il parle bien de ce qu’il vit réellement, comment peut-on encore douter d’être sur la bonne voie ?
Nous avons le droit de douter au cours de notre recherche, il ne faut jamais accepter systématiquement ce que l’on entend, mais lorsque l’on se trouve en face de la Réalité, et que cette Réalité manifestée par exemple en Ramana, est évidente, comment peut-on encore douter et se demander si l’on est sur la bonne voie ?  Le chercheur sérieux, avide de trouver, animé d’une ardeur à tout rompre et qui a vu Ramana même un court instant sur une cassette vidéo, a vu la Vérité manifestée dans ce corps fatigué, tordu, tout fragile mais si naturel, si simple, si translucide : et au-delà de cette forme, une Présence tellement évidente, tellement rayonnante, tellement libre, qu’elle nous subjugue, qu’elle nous appelle, qu’elle nous dit tout simplement, dans un langage subtil informulé : je suis le Soi que tu cherches depuis si longtemps, sans même le savoir. Tu es toi aussi cela !

40) Alors que presque chaque jour est source d’expériences nouvelles, j’ai du mal à savoir si les détachements nécessaires à la Réalisation du Soi, s’effectuent ou non. Je veux dire par là qu’il est extrêmement frustrant et décevant de faire l’expérience d’un état de paix et de plénitude, et de se réveiller tous les matins en s’identifiant encore avec ce corps et ce mental.
Existe-t-il un moyen d’être conscient des « résultats spirituels » obtenus sur le plan de l’identification au corps ? La raison d’être de cette question est que j’ai peur de « stagner » sans m’en rendre compte et de continuer malgré moi de m’identifier à ce corps. N’y a-t-il que deux alternatives : l’ego est ou n’est pas ; ou bien l’ego est-il progressivement affaibli et comment alors s’en rendre compte ?

 Bernard : En te réveillant demain matin, ne pense pas : « Je me suis éveillé », mais constate simplement : « l’état de veille succède à l’état de sommeil, mais moi je suis toujours là, je n’ai pas bougé : simplement un état a succédé à un autre, je ne suis concerné par aucun d’eux ». Il est nécessaire de cultiver l’attitude témoin. Plus je serai témoin, moins je serai affecté, concerné, perturbé, par les diverses sensations qui arrivent en permanence.
Pour celui qui entreprend la recherche du Soi, il n’y a qu’une seule alternative : l’ego n’a pas d’existence, seul le Soi Est.
De même que le soleil permet qu’existe l’ombre, le Soi permet qu’existe l’ego. L’ego est la forme visible et donc manifestée du Soi. L’ego n’est donc qu’un reflet du Soi.
Alors est-ce l’ombre qui chauffe la planète ou le soleil ?
On peut se rendre compte de ce que l’on est en tant qu’individu, c’est-à-dire en réalité, de ce qui n’est pas constant. Ce que l’on est réellement on ne peut que l’Être et cela ne peut être compris puisque, lorsque l’on Est tout simplement, l’intellect ou l’ego n’est plus.

41)  Quelle est la légitimité de la notion de « progrès spirituel » puisqu’il ne s’agit pas d’un individu qui obtiendrait une qualité supplémentaire par rapport à une hiérarchie préétablie, mais bien plutôt d’un être qui se débarrasse de son individualité ?

 Bernard : L’individu qui entreprend une « recherche spirituelle » avec ardeur, progressera inévitablement sur ce chemin, heureusement ! Ce qui reste à déterminer, c’est : vers quoi progresse-t-il ? S’il s’agit d’une connaissance intellectuelle, ou d’un savoir théorique, à quoi bon, tout cela pour dire que la notion de recherche du Soi est illusoire, nous le savons, il faut à présent bien le comprendre et s’en souvenir en permanence ! Et que signifie : « un être qui se débarrasse de son individualité » ?
On ne se débarrasse pas de son individualité, mais on réalise l’inexistence de celle-ci. On peut dire également que nous voyons réellement que cette identification tellement forte, n’était en réalité qu’un concept. Dans le monde des formes, c’est-à-dire dans la dualité, nous tentons sans cesse d’expliquer ce qu’est réellement le Soi et la compréhension qui en résulte ne peut être que fausse puisque faite avec l’aide de l’ego.
Comment pourrait-il en être autrement ? Donc, n’essayez jamais de doser, de mesurer vos progrès spirituels, ce serait à coup sûr l’échec ! ne songeons donc pas à cette notion de progrès spirituels parce que ce ne sont en fait que des impressions dans le mental… Au contraire cultivons notre détermination, fabriquons des canaux d’irrigation pour étancher notre soif. Ces canaux sont par exemple l’observation : « Je suis », l’observation du jaillissement de la sensation : « je suis » au réveil etc…Voilà des « armes » pour « vaincre » le mental et tuer l’ego. Il n’est vraiment besoin de rien d’autre.
Le véritable progrès, c’est en fait arriver à être certain que, n’étant pas un individu particulier, les progrès ne me concernent en rien. Mon But ultime, c’est de n’être plus que l’unique Soi . Alors commençons par écarter tout ce qui ne le concerne pas, progrès, temps, etc… JE SUIS LE SOI nous dit Ramana, ici, maintenant et c’est tout ! Si nous parvenons à faire confiance à celui qui affirme cela, nous éviterons bien des détours.
Pour terminer cette question, insistons bien sur le fait essentiel que si le Soi se trouvait dans un lieu très éloigné de nous-mêmes, nous pourrions fort logiquement songer au temps qu’il nous faudra pour parcourir le chemin qui nous en sépare, de même qu’aux progrès accomplis pour faire correctement ce chemin. Mais le Soi n’est ni près ni éloigné, il est moi-même. Il est ainsi simple de comprendre que les notions de temps et de progrès n’ont pas leur raison d’être.

42) Malgré mes tentatives répétées de comprendre réellement tous ces merveilleux principes que je peux lire ou entendre comme : « tout est un »  ou « tout l’océan est dans la bulle «  et qui me semblent tellement porteurs de vérité, je reste incapable de les intégrer, peux-tu m’éclairer ?

 Bernard : L’expression que tu emploies et que tu trouves difficile à intégrer : « tout l’océan est dans la bulle » ne parle pas assez, il est préférable de prendre des exemples concrets avec des mots très simples et qui parlent directement dans tes propres expériences quotidiennes.
Par exemple : observe-toi bien, et intègre dans ton cœur l’évidence suivante : ce besoin constant et impératif de compréhension qui anime à chaque instant un vrai chercheur est simplement une envie intense d’Être, mais interprétée par le processus mental qui, ne pouvant pas expérimenter l’existence dans sa totalité, tente en vain de se comprendre lui-même. À présent il est simple de comprendre que c’est impossible : les yeux ne peuvent se voir.
Ainsi la compréhension est toujours intellectuelle et pour le savoir n’est-il pas évident également que la conscience doit précéder puis (parce que c’est son mode de fonctionnement) cohabiter avec le processus mental, entraînant irrésistiblement cette confusion de ce qui est avec ce qui apparaît, du sujet avec le complément, du spectacle avec le spectateur.
Toute compréhension ne peut être qu’intellectuelle, mais ce qui permet que la compréhension puisse se faire est la conscience.
Toutefois, le conseil de ne pas chercher à comprendre cela à tout prix, mais d’intégrer, de dévorer, de fusionner de tout son être avec cela, et le concept n’étant plus alimenté, tombera de lui-même.
À chaque instant, tu expérimentes très naturellement le fait d’exister et cette constatation que tu es, n’a pas besoin d’être comprise pour se produire, cela surgit spontanément chaque matin et s’arrête de même chaque soir.
Si, dans l’état de veille, la conscience d’Être n’est plus assimilée par le processus mental à une forme particulière, l’identification tombe d’elle-même et la conscience, à son tour, faute d’avoir un contenu, fait place à l’Êtreté.
Cela est à comprendre, le reste doit être intégré sans l’intellect. Lorsque tu dis : « parce que je pense que je suis un individu qui projette le monde » où est l’erreur dans ce que tu dis ? Il n’y a pas d’erreur, mais simplement confusion. Car, en fait, celui qui pense est réellement l’individu ! Lorsque la pensée apparaît, l’individu : dans le monde , apparaît, ça marche comme ça. Les chercheurs disent souvent : « Pourquoi chaque matin, je continue à m’identifier à l’individu ? », tout simplement parce que « je » est l’individu, mais pour constater cela, il faut bien qu’un témoin soit présent.
Dans la phase de sommeil profond, il n’y a pas conscience d’être et pourtant la vie est présente, elle est encore présente au réveil et elle n’a pas besoin de « se réveiller », c’est ce fameux « je » qui surgit, avec les problèmes qu’il engendre en permanence, sans doute vexé de n’avoir pas participé à cette phase de sommeil profond d’où la Vie dans sa plénitude, se passe de ses services. Tu es cette Vie, cette base, qui elle ne connaît pas les différents états et pour le vivre pleinement, renonce une fois pour toutes à essayer de le comprendre.
Sois tout simplement cette Vie sans qu’aucune interprétation ne se glisse entre les mailles du mental.