Dans cette deuxième partie du Yoga Vasistha le sage Vasistha continue la formation de son disciple Rama et ceci est précieux pour tout chercheur qui ayant ressenti un désintérêt croissant pour les choses du monde se met en route et a besoin d’un éclairage sur la démarche à suivre. D’emblée on voit que le sage se démarque totalement de la mode actuelle dans certains milieux spirituels du « il n’y a rien à faire, tout est déjà là ! » . Au contraire on sent que l’exigence est poussée à son maximum et le paresseux ridiculisé.Le soi-disant destin et la volonté divine sont rudement éliminés pour laisser place à nouveau à la responsabilité du chercheur à qui on demande de renoncer au fatalisme et de se mettre en route.Est évoqué également avec subtilité et sagesse le fameux problème de la liberté d’action et du déterminisme que tout chercheur se pose à un moment ou l’autre et qui non résolu, risque de l’entraver dans sa recherche. Pour finir le sage indique les quatre piliers essentiels pour la recherche( maîtrise de soi, esprit d’investigation, contentement,Rencontre et fréquentation d’un Être Réalisé) avec cette admonestation finale à ne jamais s’arrêter avant d’avoir atteint le but.
Je rappelle au passage cette magnifique exhortation de Bernard qui va dans le même sens et que l’on devrait garder constamment au fond de son cœur:
« Jusqu’au bout il ne faut jamais arrêter de pratiquer, jusqu’au dernier jour.Il y a bien sûr des moments où l’on pense ne plus rien avoir à faire, mais c’est un piège.Il ne faut pas attendre que ça arrive, passivement.Quand les gens me disent « ça arrivera quand ça arrivera », je leur dis d’aller s’asseoir au milieu de l’autoroute, et on verra bien s’ils se feront écraser, si c’était le moment…
Tant que l’on n’a pas atteint le but il faut continuer, même à méditer.
Bien entendu on méditera différemment, mais il faut continuer.
Continuez de faire le point, d’observer inlassablement le fonctionnement du mental, de la conscience, et vous réaliserez, dans votre cœur, et au delà de l’intellect, qu’à aucun moment, vous ne pouvez être à la fois celui qui perçoit, et ce qui est perçu !
Sans vous – le Témoin permanent – aucun spectacle n’est possible…. Découvrez, réalisez que vous êtes La Base d’où tout s’élance chaque matin et où tout retourne chaque soir….
Il n’y a rien d’autre ! Et cela ne peut pas être compris, cela ne peut être que Réalisé.
Ce que l’on appelle Réalisation n’est pas une grande compréhension, mais une gigantesque émotion dans laquelle la vie particulière de l’individu que l’on a cru être si longtemps, fusionne dans la Vie tout court…
Et cela est une grande histoire d’Amour dans laquelle ce fameux intellect – bien fragile et impermanent – n’a vraiment qu’un second rôle sans grand intérêt. »
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Le signe le plus manifeste qu’un homme a effectivement accès au plus haut niveau de la sagesse est qu’il n’éprouve aucun attrait pour les plaisirs du monde, car chez lui même les penchants les plus infimes ont disparu. Quand ces penchants sont forts il y a servitude.Le sage véritablement Réalisé est celui qui par tempérament n’est plus le jouet du plaisir des sens et n’est plus mû par le désir de célébrité, ou tout autre motif.
Ô Rama de même qu’avec ou sans vagues l’eau demeure de l’eau, quels que soient les dehors du sage Réalisé, sa sagesse demeure inchangée ; Il n’y a de différence qu’aux yeux de l’observateur ignorant.
Tout ce qui est acquis en ce monde ne l’est qu’au prix d’efforts pour connaître le Soi.
Quand se dresse un empêchement à l’aboutissement des efforts, il convient d’examiner l’obstacle en question pour voir s’il est imputable à une action dictée par l’erreur, et si tel est le cas il faut y remédier sur le champ.
Il n’est pas plus grande puissance qu’une action juste accomplie dans le présent.
Il faut donc avoir recours au travail sur soi, serrer les dents, vaincre le mal par le bien et le destin par les efforts présents.
Le paresseux est pire qu’un âne!Il ne faudrait jamais céder à la paresse, mais s’efforcer d’atteindre la Réalisation en constatant que la vie s’enfuit à chaque instant.
Celui qui dit : « le destin me pousse à agir ainsi est stupide. Acquiers donc la sagesse grâce à ton travail, puis prends conscience que tes efforts se parachèvent dans la Réalisation directe de la vérité.
Le fruit dépend des efforts consentis. Ce que l’on appelle destin ou volonté divine, n’est autre que le résultat des actions ou des efforts passés.Le présent est infiniment plus puissant que le passé.Ceux qui se satisfont des fruits de leurs efforts passés( en qui ils voient la volonté divine) et cessent de faire des efforts maintenant, sont vraiment des insensés.
Si l’on constate que les efforts actuels sont parfois contrariés par le destin(ou la soi-disant volonté divine) on devrait simplement comprendre que les efforts présents sont insuffisants.
Le sage devrait bien sûr savoir ce qu’il est possible d ‘acquérir par un travail sur soi, et ce qu’il ne l’est pas.Toutefois c’est de l’ignorance que d’attribuer tout cela à un agent extérieur.
Il faut se dégager des goûts et des dégoûts, s’engager à faire de justes efforts et à atteindre la Réalisation, sachant pertinemment que seul compte le travail sur soi et que celui ci n’est qu’une autre appellation de la « volonté divine ». Nous n’avons que mépris pour le fataliste .
Le travail sur soi digne de ce nom, naît d’une compréhension juste, laquelle se manifeste dans le cœur de celui qui s’est ouvert à l’enseignement des écritures et a étudié la vie des êtres Réalisés.
Il ne faut jamais quitter le chemin qui mène au bonheur éternel.Le chercheur qui est sage, le sait bien : le fruit de son travail sera proportionné à l’intensité de ses efforts, et pas plus le destin qu’un quelconque Dieu ne peut décréter qu’il en soit autrement.
Nul n’a jamais vu ce fameux destin, en revanche tout le monde a constaté qu’une action bonne ou mauvaise produit un résultat bon ou mauvais.
Le destin ou volonté divine est une simple convention qui, à force d’être déclarée comme véritable, a fini par être prise pour la vérité.
Si ce Dieu ou ce destin est vraiment l’ordonnateur de toutes choses en ce monde, à quoi bon agir et instruire qui que ce soit?
Non , hormis les cadavres, tout en ce monde est actif et cette activité produit son juste résultat..
Afin d’assouvir leurs appétits égoïstes, les gens emploient des expressions comme : « le destin ou la volonté divine me poussent à faire cela » mais il n’en est rien.
Par exemple si un astrologue prédit qu’un homme sera un grand savant, ce jeune-homme va-t-il devenir savant sans étudier?Non bien sûr ! Alors pourquoi croire en la volonté divine?Tous autant que nous sommes, nous ne devons la connaissance du Soi qu’à nous-mêmes ;
Renonce donc au fatalisme et mets toi au travail !
Je pense que le destin n’est rien d’autre que la conséquence de nos propres actions.
Nombre de tendances latentes habitent le mental de l’homme, tendances qui entraînent divers types d’actions-physiques, verbales et mentales- il est certain que nos actes sont absolument conformes à ces tendances. Il ne peut en être autrement. C’est ainsi que les choses fonctionnent. L’action n’est autre que les plus puissantes des tendances latentes, lesquelles ne diffèrent en rien du mental. Il est impossible de déterminer avec précision si des catégories telles que mental, tendances latentes, action et destin sont réelles ou irréelles, c’est la raison pour laquelle les sages en ont parlé de façon symbolique.
Mais alors Rama posa cette question :
Grand sage, si les tendances latentes rapportées de la naissance précédente me poussent à agir dans cette vie-ci, où est la liberté d’action ?
Vasistha répondit :
Les tendances issues des incarnations passées(NDLR:Bernard qui comme Ramana et Nisargadatta met en question la « réincarnation » y voit en l’occurrence une sorte d’équivalence à l’empreinte génétique!) sont de deux sortes- des tendances pures et des tendances impures. Les tendances pures te poussent vers la Réalisation et les tendances impures sont fautrices de troubles.
Au vrai tu es la Conscience même et pas de la matière physique inerte.
Tu n’es poussé à l’action par rien d’autre que toi-même.
Tu es donc libre de renforcer les tendances latentes pures au détriment des tendances impures.
Ces dernières doivent être abandonnées progressivement.
Le mental doit s’en détourner peu à peu afin d’éviter des réactions violentes. ( NDLR :Quelle sagesse qui rejoint toute réflexion psychologique un peu sérieuse ! En effet l’erreur souvent commise dans beaucoup de religions est de brimer ces tendances avec force sans voir qu’elles ne font que ressortir avec plus de vigueur et faire encore plus de dégâts collatéraux. On ne peut construire des barrages impunément et toute énergie est sacrée et puissante, il s’agit donc d’agir avec douceur et discernement en se respectant soi-même)
En encourageant les bonnes tendances à se manifester souvent : renforce-les. Celles qui sont impures s’affaibliront de ne jamais servir.Grâce aux bonnes actions tu seras bientôt tout à l’expression des seules tendances qui sont bonnes.
Quand tu seras venu ainsi à bout des mauvaises tendances, il te faudra ensuite même abandonner les bonnes.
(NDLR : ce point est important et dénote la hauteur métaphysique du texte!)
Tu feras alors l’expérience de la vérité suprême, grâce à l’intelligence que génèrent les bonnes tendances.
Née de la pure discrimination, la plus haute forme de détachement a vu le jour dans ton cœur, ô Rama, et elle dépasse le détachement dû à des circonstances particulières ou à un profond dégoût et ceci accompagne la discrimination arrivée à maturité, à l’instant précis où le détachement est généré dans le cœur.
(NDLR : il est très important de constater que ce détachement qui est une phase importante vers la Réalisation n’a absolument rien à voir avec un dégoût du monde , une sorte de misanthropie qui ne serait encore qu’une réaction affective qui pourrait entraîner son contraire(l’avidité) à chaque instant : pas de dégoût donc, pas de dépression dans le sens psychiatrique du terme mais un détachement serein et un désintérêt des choses de ce monde)
Tant que la plus haute sagesse ne point pas dans le cœur, la personne est assujettie à cette roue de la naissance et de la mort.
Cette sagesse détruit la forêt de l’ignorance. Errer dans cette forêt entraîne la confusion et des tourments apparemment sans fin.
Il convient donc de rechercher un instructeur éclairé et ayant adopté l’attitude juste, de lui poser la bonne question et d’obtenir de lui l’enseignement. Celui ci devient alors une partie intégrante de soi-même.(NDLR: le texte précisera plus loin les quatre points importants pour le chercheur dont l’un est la rencontre de l’Être Réalisé….en effet il ne s’agit pas des instructeurs qui fleurissent à la pelle sur internet et ailleurs, plus soucieux de leur ego que du véritable don de soi par Amour)
L’insensé pose des questions stupides avec irrévérence et plus bête encore est celui qui méprise les paroles du sage.
Mais l’homme qui répond aux vaines questions d’un insensé n’a sûrement rien d’un sage.
Ô Rama , tu es assurément le meilleur des chercheurs, car tu as réfléchi à la Vérité comme il convient, et tu es inspiré par la meilleure forme de détachement. Je suis convaincu que ce que je vais te dire trouvera une ferme assise dans ton cœur.
AU VRAI C’EST DANS SON CŒUR QU’IL FAUDRAIT FAIRE TOUT SON POSSIBLE POUR INSTALLER LA SAGESSE SUR UN TRÔNE, CAR LE MENTAL EST AUSSI INSTABLE QU’UN SINGE ET ALORS IL FAUDRAIT FUIR LA COMPAGNIE DES GENS QUI N’ONT QUE FAIRE DE LA SAGESSE.
(NDLR : Point extrêmement important car la relation avec celui qui a provoqué « le déclic » se passe de cœur à cœur et n’a que peu à voir avec le mental !
Bernard répète sans cesse que seul le cœur est important et que le mental doit capituler un jour même si au départ par compassion l’ami spirituel doit répondre à certaines interrogations du mental.Mais là encore on remarquera que le texte dit que le sage véritable ne répond tout de même pas aux vaines questions de l’insensé……Nourrir par compassion le mental du chercheur n’a rien à voir avec des joutes intellectuelles aussi vaines que destructrices et qui sont pure perte de temps. Dès que j’ai rencontré Bernard j’ai été de suite frappé par son refus de rentrer dans ces discussions vaines et son appel constant à se situer au niveau du cœur!)
Vasistha continue : (suit une description de l’Être Réalisé)
Une fois l’illusion dissipée et la Vérité atteinte au moyen de l’investigation sur la nature du Soi, lorsque l’esprit est en paix et que le cœur accède d’un coup à la vérité suprême, quand sont retombées toutes les vagues des pensées qui agitaient le mental, que s’établit un incessant courant de paix et que le cœur se voit comblé du bonheur suprême de l’Absolu, quand la Vérité a été ainsi perçue dans le cœur, alors ce monde même devient une demeure de félicité.
Un être parvenu à ce stade n’a rien à acquérir et rien à fuir.Il n’est pas souillé par les imperfections de la vie. Le malheur de la vie ne le touche pas. Il n’apparaît pas et ne s’en va pas non plus, même s’il donne l’impression d’arriver et de repartir aux yeux de ceux qui le voient. Même les devoirs religieux s’avèrent pour lui inutiles. Il n’est pas affecté par les tendances passées qui ont perdu leur force.Une telle béatitude n’est possible que grâce à la connaissance de soi et aucun autre moyen ne permet d’y goûter : voilà pourquoi il faut constamment s’appliquer à la connaissance de soi et c’est le seul devoir qui nous incombe.
Qui acquiert la sagesse de l’éternel ici-bas se voit libéré du samsara et ne renaît plus dans l’ignorance.
L’Éternel ne s’obtient pas plus par les sacrements ou les rituels que par les pèlerinages et la richesse.
Une fois apaisé- pur, tranquille, libre de l’illusion ou de l’hallucination et dégagé des désirs : le mental n’aspire plus à rien, ni ne rejette rien non plus.
Il y a Ô Rama quatre éléments importants pour le chercheur
1-La maîtrise de soi.
2-l’esprit d’investigation
3-le contentement
4-la Rencontre de l’Être Réalisé
Si tu es incapable de les pratiquer tous les quatre, mets en un en application et en observant assidûment l’un d’eux, les autres se développeront en toi.
1)Est vraiment maître de lui-même celui qui, entendant, touchant, voyant, sentant et goûtant ce qui est jugé agréable ou désagréable ne s’en trouve ni transporté de joie, ni le moins du monde attristé
Est maître de soi-même celui qui vit parmi les hommes sans être affecté par aucun, qui n’éprouve ni joie, ni haine-ainsi qu’il en est pendant le sommeil et porte sur tous les êtres un regard égal.
2) L’investigation devrait être entreprise par une intelligence purifiée et il ne faudrait jamais l’interrompre car elle aiguise l’intelligence qui devient alors capable de réaliser le suprême.
L’insensé qui ne s’interroge pas sur son être essentiel devient vraiment un puits de souffrance.
L’absence d’investigation entraîne des actions préjudiciables à qui les commet ainsi qu’à autrui, sans parler de nombres de maladies psychosomatiques.
S’interroger ainsi : « Qui suis-je ? Comment cette histoire répétitive du samsara(ronde des naissances et des morts) a- t’-elle vu le jour ? ». De telles questions constituent la véritable investigation et la connaissance de la Vérité découle de pareille enquête sur soi-même.
3)Qu’est ce que le contentement ? Renoncer à tout désir d’obtenir ce que l’on n’a pas, et se satisfaire des événements qui adviennent d’eux-mêmes, sans en être ravi, ni attristé. Avec l’avènement du contentement fleurit la pureté du cœur.
4)La rencontre et la compagnie des Êtres Réalisés(satsang) sont une grande aide sur la voie de la Réalisation. Elle accroissent l’intelligence, détruisent l’ignorance et l’affliction. Quel qu’en soit le prix, même si les difficultés ne manquent pas et si bien des obstacles se dressent sur le chemin, on ne devrait jamais négliger la compagnie des Êtres Réalisés, car c’est la seule lumière qui puisse se trouver sur la voie de la vie.En vérité cela dépasse toutes les autres formes de pratiques religieuses ; charité, austérité, pèlerinages et rituels. Il faut faire tout ce qui est en notre pouvoir pour vénérer et servir les Êtres Réalisés dont le cœur est dégagé des ténèbres de l’ignorance. D’autre part ceux qui manquent de respect à l’égard de tels Êtres se préparent de grandes épreuves.
NB:Je me suis permis d’alléger et réduire considérablement le texte tout en préservant je l’espère l’essentiel.Le Yoga Vasistha est d’une ampleur considérable( près de 30000 versets), j’ai désiré le rendre accessible aux chercheurs qui n’ont pas nécessairement le temps ni la possibilité de le lire : pour ce long travail j’ai utilisé:la magnifique édition de SWAMI VENKATESANANDA parue aux éditions INNERQUEST , qui est à ce jour l’édition la plus complète en Français(Octobre 2016.)Elle comporte près de 800 pages!