Quelle puissance dans cet extrait que je conseille humblement de lire et relire. Siddharameshwar nous y mène au-delà du par delà et nous invite à ne pas être des « jacasseurs à propos de Dieu » « des illusionnés sur notre propre éveil ». Son exigence est grande mais on sent une telle force de vérité dans ses mots et surtout le fruit de son expérience, que notre détermination s’en trouve renforcée et nous incite, quelles que soient les difficultés à poursuivre le chemin avec passion.
Tous les travers de notre époque y sont dénoncés ainsi que les prédicateurs hypocrites dont les paroles ne sont que vent mais n’atteignent pas au cœur de l’Être et ne sont bien souvent émises que par des gens qui n’ont pas parcouru le chemin jusqu’à son point ultime qui est justement l’au delà de la connaissance . Quelle sagesse dans ces mots: « le serpent et le scorpion sont également Dieu, mais les honorer consiste à les garder à distance » et dans cette mise en garde qu’à un certain niveau: « les remèdes prescrits par les écritures ne sont qu’obstacles ! Vous seul pouvez voir par vous-même comment atteindre le sommet ».
Chacun devrait examiner ses propres naissances et renaissances, car en un même jour nous naissons et mourons de nombreuses fois. Dès qu’une idée apparaît, le monde apparaît et quand elle disparaît, le monde disparaît. Tant que le corps subtil ne sera pas totalement anéanti une multitude d’ères apparaîtront et disparaîtront. Lorsque les concepts s’éteignent, c’est la fin d’une ère ou kalpanta. Il faudrait donc mourir d’une mort telle que la nécessité d’une renaissance soit abolie, et ensuite résider dans notre propre nature dans laquelle peur et mort ne peuvent exister.
LA RÉALISATION C’EST DE COMPRENDRE QUE L’ÊTRE EST SEUL AGISSANT. Si le mental, guidé par l’intellect, est orienté dans la direction opposée à la conscience du corps, c’est-à-dire vers l’Être, il sera absorbé dans l’Être lui-même. (NDLR : au passage notons une fois de plus que les deux : mental et intellect sont bien distincts et que dans les milieux spirituels ,on fait bien souvent la confusion accusant à chaque fois et avec dédain les gens d’être dans leur mental et leurs concepts, méprisant de ce fait leur intellect en essayant de les maintenir dans une crédulité mortifère par manque de connaissance. D’où l’importance du discernement chez le chercheur, qui même s’il doit bien évidemment travailler sur son mental et ses ruses doit également faire confiance et développer son intellect supérieur ou Buddhi en sanskrit)
Certains avant d’atteindre la pure conscience par la méthode de l’élimination, commencent à jacasser à propos de Dieu, et adoptant la méthode de l’énumération, ils rabâchent : « il embrasse tous les êtres et toutes les formes », « seul Lui existe », « Le monde et son créateur ne sont qu’UN » etc. Tout ce bla-bla n’a aucun intérêt et ceux qui se contentent de répéter des formules creuses comme : « je suis brahman », les sens font leur travail, je ne suis pas l’auteur, il n’y a chez moi ni péché ni vertu, ne réalisent pas l’être mais s’illusionnent sur eux-mêmes ( NDLR : Permettez à votre serviteur que certains accusent parfois d’être donneur de leçon ou moraliste de jubiler en buvant ces paroles du maître de Nisargadatta qui sans le savoir à l’époque fustigeait déjà un bon nombre de nos contemporains essaimant sur internet en y propageant une spiritualité bon marché et surtout complaisante) Ces autodidactes de la recherche de l’Être perdent la joie de ce monde et de l’autre. et Kabir disait de tels hommes : « ils s’en sont allés comme ils sont venus ». ces hommes meurent dans le même état de conscience qu’à leur naissance, ils n’ont pas avancé d’un pas ! Ces érudits mondains prennent le son du mot pour la vraie connaissance de l’Être, mais la Vérité peut-elle pénétrer l’esprit de l’ignorant ? Seul celui qui sait véritablement qui il est peut avoir l’expérience de la vérité, mais en quoi cela peut-il aider les autres s’ils n’en font pas eux-mêmes l’expérience ?
Chacun doit expérimenter sa propre félicité et à ce sujet Toukaram disait : « Chacun pour soi ». Si l’on apprend au perroquet à répéter les mots : « Je suis Brahma, le monde n’est qu’apparence » il les répétera certes, mais pourra-t-on dire qu’il les a réalisés ? Le chercheur doit donc se méfier des beaux parleurs et persister dans sa recherche afin d’atteindre par la méthode de l’élimination, la compréhension et la Réalisation de la pure Conscience. Celui qui cherche ne doit pas suivre le prédicateur hypocrite.
Celui qui cherche ne connait pas sa propre Nature qui est pure Conscience et il erre dans la jungle, plutôt que de désirer la connaissance il faut être centré en soi-même, sans cela on ne pourra jamais Réaliser le Brahman.
Un idiot voulait savoir ce qu’était le sommeil. Chaque fois qu’il s’assoupissait lui venait cette pensée : « Ah maintenant je vais enfin saisir le sommeil ! » et il se frottait les mains. Cela avait pour conséquence de le réveiller complètement et après de multiples tentatives, le pauvre homme, totalement épuisé, abandonna tout effort pour saisir le sommeil. Le processus est le même dans la tentative de saisir le Brahman, quand on abandonne tout effort pour le connaître on devient Brahman lui-même.
Rejeter le corps physique et le corps subtil provoque la désintégration du mental et de l’intellect. Le disciple atteint alors l’état du corps causal qui est un état de pur oubli, d’ignorance et de vide. Pour annihiler cette ignorance il est nécessaire d’acquérir la connaissance du Brahman et c’est avec l’aide de l’intellect subtil et cette partie de la conscience qui est pure connaissance que le disciple tentera de le connaître. Shankara a qualifié un tel homme de fou, car celui qui essaie de connaître le Brahman avec l’intellect subtil, ne fait qu’accroître le champ du corps subtil. Après avoir transcendé le corps subtil, il pénètre le corps causal, mais si à ce point il essaie encore de connaître le Brahman par l’intellect, il ne s’établira pas solidement dans le corps causal et risque fort de retomber avec fracas au niveau du corps subtil avec son cortège de concepts, de rêves et de doutes.
Si le disciple imagine pouvoir utiliser les mots là où le mental et le discours ne pourront jamais pénétrer, il ne progressera jamais et retombera à un niveau inférieur.Le chercheur ne doit pas demeurer chercheur mais devenir un Être Réalisé et pour cela il devra franchir toutes les étapes des quatre corps. La pratique lui permet de pénétrer successivement les quatre corps et de les purifier, ensuite le Soi s’établira totalement en lui.
Nous savons donc que la pure conscience est omnipénétrante, mais après l’avoir compris intellectuellement, il faut s’en imprégner et l’une des pratiques qui favorise cette assimilation est de s’efforcer de rendre les autres heureux autour de soi. Par cette méthode le Soi embrasse toute chose et tout être, le monde entier n’est plus que conscience, la connaissance de soi s’établit alors fermement. C’est la voie de la dévotion du suprême dans sa manifestation. Toute forme de vie (insecte, cochon ou chien) est amour de l’Être, car l’Être est présent en tout.
Le non-manifesté, le sans-forme, le sans qualité, se manifeste avec des qualités sous la forme de l’univers. Ainsi tous les êtres sont des formes de Dieu.
Dieu réside également dans l’âne mais ce ne serait que mauvaise plaisanterie à l’égard du suprême que de prier devant un âne les mains jointes. Serait-il heureux que vous le priez ainsi ? Pour honorer réellement le Dieu qui s’est manifesté dans l’âne il est préférable de lui donner de l’eau et de l’herbe bien verte. Pour être pleinement satisfait chacun doit recevoir ce qu’il désire. Le serpent et le scorpion sont également Dieu mais les honorer consiste à les garder à distance.
Samartha Ramdas a comparé le sage qui n’a pas atteint le but ultime, à un homme réveillé dans un rêve et qui pense qu’il est réellement éveillé, alors qu’il est tout simplement en train de ronfler !Vous pensez qu’il s’agit de l’éveil mais vous êtes toujours dans l’illusion ! C’est l’avertissement qui est donné à ceux qui s’illusionnent sur leur Réalisation.
Les corps physique et subtil sont comme un rêve pour le corps supra-causal, mais lui-même est un rêve dans la Réalité suprême. Dans l’ignorance il y a l’esclavage et dans la connaissance la libération, mais lorsque tous deux, ignorance et connaissance, disparaissent comment l’idée de l’esclavage et de la libération pourrait-elle exister ?
Les écritures ne vont pas au-delà du corps supra-causal, et jusque là, il s’agit de théorie. Mais dans le champ de la connaissance, au-delà du corps supra-causal, la conclusion s’impose d’elle-même et c’est ici que tout ce qui a été développé au préalable est maintenant effacé. Quand l’ordre phénoménal est annihilé, ce qui reste est votre Véritable nature. Il est impossible de le décrire en mots puisque la connaissance verbale est elle-même ignorance, que la conscience devient non-conscience, et que les remèdes prescrits par les écritures ne sont qu’obstacles. Vous seul pouvez voir par vous-même, comment atteindre le sommet.
Le Maître vous a conduit jusqu’au seuil et vous a poussé à l’intérieur, mais il ne peut pas vous montrer la beauté du spectacle intérieur. Vous devez saisir le trésor vous-même ! RIEN NE PEUT PLUS ÊTRE TRANSMIS PAR LES MOTS DÉSORMAIS, ET CE QU’ILS N’ONT PU ATTEINDRE VOUS A ÉTÉ CONFIE. NOUS POUVONS VOUS INCITER A DEVENIR UN CHERCHEUR MAIS VOUS SEUL POUVEZ DEVENIR UN ÊTRE RÉALISÉ.
NB : Je rappelle que tous les textes cités de Siddharameshwar ont été publiés dans deux livres parus aux éditions « Les deux Océans » :
-La clef de la Réalisation de soi.
-Embrasser l’immortalité