Bien au delà de la souffrance et du bonheur : la Paix Véritable!

Je suis persuadé que les enseignements véritables qui viennent de l’expérience et non de l’intellect dépassent largement toute idée de religion ou de chapelle, voilà pourquoi j’insiste toujours pour dire que je ne suis attaché à aucune doctrine ni religion mais que parfois leurs représentants touchent une vérité au-delà des mots par leur expérience et que cette vérité peut alors toucher le cœur de certains chercheurs.

En voici encore un exemple avec un texte d’un grand maître bouddhiste contemporain AJAHN CHAH(1918-1992) qui est un éminent représentant des moines de la forêt. Dans ce passage il nous montre avec clarté un aspect fondamental de ce qu’il y a à expérimenter pour s’installer dans la vraie paix et non continuer à errer d’un contraire à l’autre. D’une manière simple et lumineuse il aborde en fait une profonde vérité métaphysique digne du Vedanta le plus rigoureux.

Bonne lecture et surtout bonne expérimentation !

Avertissement: Je tiens à préciser que dans cet article le terme bonheur est employé en opposition à son symétrique souffrance et insatisfaction pour bien montrer l’alternance continuelle entre les deux états qui nous constituent mais ce bonheur n’a ABSOLUMENT RIEN A VOIR avec le BONHEUR TOTAL dont parle Bernard et qui est L’ESSENCE DE LA RÉALISATION.

Ce BONHEUR dont parle Bernard correspond plus dans ce texte à LA PAIX VÉRITABLE qui peut advenir lorsque l’on est allé au delà des oppositions.On peut d’ailleurs lire en complément de cet article sur ce même site et dans la catégorie Bernard Harmand: l’article intitulé: LE BONHEUR SE TROUVE DANS LA RECHERCHE PASSIONNÉE DE NOTRE VRAIE NATURE. Bernard y dit d’ailleurs que l’on confond souvent Bonheur avec plaisir.

souffrance

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« Le pur enseignement du Bouddha va bien au-delà de la notion de bien et de mal : il est beaucoup plus profond et subtil que cela.

Il est possible que certains ne le comprennent pas. Prenons par exemple les paroles du Bouddha quand il dit qu’il n’y aura plus de renaissance pour lui, que la naissance et le devenir sont terminés.

Ces paroles mettent certaines personnes mal à l’aise. En termes simples ce que le Bouddha dit c’est que nous devrions faire en sorte de ne plus renaître parce que la naissance est souffrance.

Le Bouddha s’est concentré sur cette simple chose : la naissance. Il l’a contemplée et il a réalisé sa gravité. Du fait de la naissance toute la souffrance s’ensuit ; la souffrance et la naissance arrivent simultanément.En venant au monde nous avons des yeux, une bouche, un nez, tout cela nous arrive du simple fait de la naissance et ces sens seront cause de souffrance.

Malgré cela si nous entendons parler d’une mort sans renaissance, nous avons l’impression que ce serait absolument catastrophique. Nous refusons d’en arriver là, et pourtant c’est la finalité de l’enseignement le plus profond du Bouddha.

Pourquoi souffrons- nous maintenant ? Du simple fait que nous sommes nés.

L’enseignement vise donc à mettre fin à la naissance. Mais il ne s’agit pas seulement de la naissance et de la mort d’un corps ; cela, même un enfant peut le comprendre : la respiration cesse , le corps meurt et il reste là immobile : voilà ce que l’on entend généralement quand on parle de la mort.
En revanche une personne morte qui respire voilà une chose que l’on ne connaît pas. Une personne morte qui peut marcher, parler et sourire est une chose à laquelle nous n’avons jamais pensé. Tout ce que nous connaissons de la mort est un cadavre qui a cessé de respirer.
C’est la même chose pour la naissance. Quand nous parlons de quelqu’un qui est né, nous faisons référence à une femme qui a mis un enfant au monde. Mais le moment où l’esprit prend naissance, l’avez vous remarqué ?

Par exemple quand vous vous réjouissez ou que vous vous fâchez à la maison, pour une raison quelconque ; quand c’est l’amour qui naît ou quand c’est l’aversion ; le fait d’être content ou agacé et toutes autres sortes d’états : voilà la naissance !

Si nous souffrons c’est uniquement à cause de cela : quand les yeux voient quelque chose de déplaisant : l’insatisfaction naît, quand les oreilles entendent quelque chose de particulièrement agréable l’insatisfaction naît encore. En fait il y a toujours cette insatisfaction à la base, c’est ce que le Bouddha a résumé en disant qu’il n’y avait au fond qu’une masse d’insatisfaction

(note de Alain : le terme sanskrit utilisé dans les enseignements bouddhistes est dukkha-en pâli- et duhkha -en sanskrit et c’est une des notions fondamentales du Bouddhisme qui en fait constitue la première des quatre nobles vérités du Bouddhisme. Le Bouddha de par son expérience s’est aperçu que tout était dukkha ensuite il est arrivé à la seconde noble vérité qui était de trouver la cause de dukkha qui est l’avidité , ensuite la troisième noble vérité, toujours d’après l’expérience du Bouddha est que cette dukkha peut cesser et la quatrième et dernière noble vérité est la voie qui mène à la cessation de cette dukkha. En fait , à la traduction de dukkha par souffrance je préfère et de loin celle d’insatisfaction, car dans le fait de dire que « tout est souffrance »(première noble vérité) il y a un côté doloriste qui ne correspond pas vraiment à la réalité du monde et les gens objectent à juste titre que tout n’est pas souffrance car il y a des bonnes choses dans la vie et justement le Bouddha montre que dans tous les cas cela mène à l’insatisfaction!)

Dukkha naît et dukkha cesse : TOUT EST LÀ !

Mais dans notre ignorance nous bondissons sur les choses pour nous en emparer, encore et encore.

Nous bondissons sur l’apparition des phénomènes et nous bondissons sur leur disparition sans jamais les comprendre véritablement.

Quand dukkha apparaît : nous appelons cela souffrance.

Quand dukkha cesse : nous appelons cela bonheur.

En réalité ce sont toujours les mêmes choses qui apparaissent et disparaissent, c’est pourquoi les maîtres nous apprennent à observer le corps et l’esprit qui apparaissent et disparaissent.Il n’existe rien en dehors de cela.

Nous avons conscience de la souffrance et de l’insatisfaction quand elles apparaissent. Ensuite quand elles cessent nous considérons que c’est le bonheur.
Nous voyons les choses ainsi et nous employons le mot bonheur mais il n’est pas exact : il s ‘agit simplement en fait de la cessation de dukkha.

Dukkha apparaît et disparaît, apparaît et disparaît encore, et nous bondissons dessus pour nous en emparer.

Le bonheur apparaît et nous sommes contents ; le malheur apparaît et nous sommes bouleversés : en vérité c’est exactement pareil !

Il s’agit simplement d’un mouvement d’apparition et de cessation.

Quand il y a apparition il y a quelque chose et quand il y a cessation ce quelque chose s’en va.

C’est là que nous ne comprenons plus et c’est pourquoi on enseigne que dukkha apparaît et disparaît et que, en dehors de cela ,il n’y a rien.

NOUS NE RECONNAISSONS PAS CLAIREMENT QU’IL N’Y A QUE DE L’INSATISFACTION PARCE QUE, QUAND ELLE CESSE, NOUS CROYONS VOIR DU BONHEUR.

NOUS NOUS ATTACHONS À CE BONHEUR ET NOUS NOUS FAISONS PIÉGER.

Nous ne comprenons pas vraiment ce qui se passe, nous ne voyons pas qu’il s’agit simplement de phénomènes qui apparaissent puis disparaissent.

Le Bouddha a résumé les choses en disant :   « Il n’y a qu’apparitions et disparitions et rien en dehors de cela. ». C’est une chose très difficile à entendre mais celui qui ressent cette vérité n’a besoin de dépendre de rien et demeure en paix.

La vérité est que, dans ce monde qui est le nôtre, il n’y a rien qui fasse quoi que ce soit à qui que ce soit

( note de Alain : remarquez comme cela rejoint à merveille les fulgurances du Vedanta, dont le titre d’un livre de ses éminents représentants est : « il ne s’est jamais rien passé ! »………. Mais qui peut entendre cela, combien de lectures et d’expériences vont-elles encore être nécessaires pour intégrer cette vérité ?……..)

Il n’y a rien qui doive nous inquiéter, rien qui mérite nos larmes, rien qui fasse rire.

Rien n’est tragique ou merveilleux en soi ; pourtant c’est ce qui fait le quotidien des gens. C’est très bien que notre façon de parler soit « ordinaire », que notre relation aux autres se fasse de la manière « ordinaire » de voir les choses. Par contre si nous pensons selon cette manière « ordinaire », nous verserons des larmes.

Quand nous avons réellement compris la vie : rien n’a la moindre réalité : il n’y a qu’apparition et disparition.

Il n’y a ni véritable bonheur, ni réelle souffrance et, par conséquent le cœur est en paix.

Quand il y a bonheur et souffrance, il y a devenir et naissance, autrement dit un infini mouvement de transformation.

En général nous essayons de mettre un terme à la souffrance pour que le bonheur apparaisse : voilà ce que nous désirons.

CE QUE NOUS DÉSIRONS CE N’EST PAS UNE PAIX VÉRITABLE : C’EST LE BONHEUR ET LA SOUFFRANCE .

Le but de l’enseignement du Bouddha est de nous apprendre à pratiquer de façon à créer une situation qui soit au-delà du bonheur et de la souffrance, et qui nous apporte la paix.

En général tout ce que nous pouvons imaginer c’est que le bonheur nous apportera la paix, de sorte que si nous trouvons un certain bonheur, nous pensons que c’est déjà bien.

Nous les humains souhaitons avoir les choses en abondance : si nous avons beaucoup de quelque chose c’est bien- du moins c’est ce que l’on croit en général.

Faire bien est censé engendrer de bons résultats et si nous en bénéficions, nous sommes heureux.

Nous croyons que c’est tout ce que nous avons à faire et nous nous arrêtons là.

Mais de bonnes expériences peuvent-elles nous donner une satisfaction durable ?

Rien ne demeure. Nous ne cessons d’aller et venir, de vivre le bon et le mauvais, d’essayer jour et nuit de nous saisir de ce que nous croyons bon.

Selon l’enseignement du Bouddha nous devons d’abord abandonner ce qui est mal et pratiquer ce qui est bien.
En second lieu il a dit que nous devons abandonner le mal et de même abandonner le bien, ne pas nous y attacher, car c’est aussi une sorte de combustible et tout combustible finit par exploser en flammes. Le bien est un combustible. Le mal est un combustible. »

 

extraits du livre de AJAHN CHAH : TOUT APPARAÎT, TOUT DISPARAÎT(éditions Sully )