Mon maître me demande d’imiter cette perfection, de Lui rendre hommage en étant une grande solitaire.
L’Être divin vit dans une éternelle, une immense solitude : il n’en sort jamais tout en s’intéressant aux besoins de ses créatures, car il ne sort jamais de Lui-même : et cette solitude n’est autre que Sa divinité.
Pour que rien ne me sorte de ce beau silence du dedans : toujours même condition, même isolement, même séparation, même dépouillement !
Si mes désirs, mes craintes, mes joies ou mes douleurs, si tous les mouvements provenant de ces quatre passions ne sont pas parfaitement ordonnés à Dieu, je ne serai pas solitaire, il y aura du bruit en moi ; il faut donc l’apaisement, le sommeil des puissances, l’Unité de l’être……………
Le Créateur en voyant le beau silence qui règne dans sa créature, en la considérant toute recueillie en sa solitude intérieure, est épris de sa beauté et il la fait passer en cette solitude immense, infinie, en ce lieu spacieux chanté par le prophète et qui n’est autre que Lui-même !………………………
Lorsque l’âme a compris cette richesse, toutes les joies naturelles ou surnaturelles qui peuvent lui venir de la part des créatures ou de la part même de Dieu, ne font que l’inviter à rentrer en elle-même pour jouir du bien substantiel qu’elle possède et qui n’est autre que Dieu Lui-même. Et elle a ainsi dit Saint Jean de la Croix, une certaine ressemblance avec l’Être divin……………….
Tout ce qui est vie imparfaite,banale, naturelle est détruit ; alors selon le langage de l’apôtre : ce qui est mortel est absorbé par la vie et l’âme ainsi dépouillée d’elle-même n’a plus à craindre les contacts du dehors, ni les difficultés du dedans, car ces choses, loin de lui être un obstacle, ne font que l’enraciner plus profondément en l’Amour de son Maître.
À travers tout, envers et contre tout, elle est en état de l’adorer toujours à cause de Lui-même, car elle est libre, délivrée d’elle-même et de tout……..
Ainsi laudem gloriae (c’est à dire elle-même Élisabeth), en attendant d’être transférée en la sainte Jérusalem, sa retraite, sa béatitude, son ciel anticipé où elle commence sa vie d’éternité. Le psaume dit : « en Dieu mon âme est silencieuse ; c’est de Lui que j’attends ma délivrance. Il est le rocher où je trouve mon salut, ma citadelle, et je ne serai pas ébranlée !…. »
Voilà le mystère que chante aujourd’hui ma lyre !
Comme à Zachée mon Maître m’a dit : « hâte toi de descendre car il faut que je loge chez toi ! »
Hâte -toi de descendre : mais où?
Au plus profond de moi-même : après m’être quittée moi-même, séparée de moi-même, en un mot sans moi-même.
Mon Maître qui veut habiter en moi avec le Père et son Esprit d’Amour.
J’entends être de la maison de Dieu en vivant au sein de la tranquille Trinité, en mon abîme intérieur, en cette forteresse inexpugnable du saint recueillement dont parle Saint Jean de la Croix.
David chantait : « Mon âme tombe en défaillance en entrant dans les parvis du Seigneur ». Il me semble que ce doit être l’attitude de toute âme qui rentre en ses parvis intérieurs pour y contempler son Dieu et pour y prendre fortement son contact.
Elle tombe en défaillance dans un divin évanouissement en face de cet Amour tout-puissant, de cette Majesté infinie qui demeure en elle !
Ce n’est point la vie qui l’abandonne ; mais c’est elle qui méprise cette vie naturelle et qui s’en retire…Car elle sent qu’elle n’est pas digne de son essence si riche, et elle s’en va mourir et s’écouler en son Dieu.
Oh ! Qu’elle est belle cette créature ainsi dépouillée, délivrée d’elle-même !
Elle est en état de disposer des ascensions en son cœur pour passer de la vallée des larmes( c’est à dire de tout ce qui est moindre que Dieu) vers le lieu qui est son but, ce lieu spacieux chanté par le psalmiste, qui est , il me semble, l’insondable Trinité.
Elle monte, elle s’élève au dessus des sens, de la nature, elle se dépasse elle-même ; elle surpasse aussi toute joie comme toute douleur et passe à travers les nuages, pour ne se reposer que lorsqu’elle aura pénétré en l’intérieur de Celui qu’elle aime et qui lui donnera Lui-même le repos de l’abîme. Et tout cela sans être sortie de la sainte forteresse !
Le Maître lui a dit : « hâte- toi de descendre » ……C’est encore sans sortir de là qu’elle vivra, à l’image de la Trinité immuable, en un éternel présent.