101 questions essentielles à Bernard : Partie 2 : Vie quotidienne.

  Swami Ritajananda.

Bernard Harmand.

Dans les temps qui viennent j’ai décidé, vu la demande et l’assiduité de certains lecteurs de publier un ensemble de ce que j’appellerai : « 101 questions essentielles à Bernard ». Ces 101 questions qui sont extraites soit d’entretiens oraux, soit de réponses à des mails ou lettres, couvrent à mon avis l’essentiel de ce dont a besoin un chercheur sérieux pour découvrir sa Nature Véritable. Elles ont été faites quelques années après la Réalisation de Bernard autour des années 2000.
Une petite mise au point est indispensable afin de préciser à chaque lecteur, à chaque chercheur, la nécessité de s’imprégner du sens profond des réponses qui vont suivre sans trop s’attarder sur la forme particulière donnée à chaque réponse.
En effet, la forme concerne spécifiquement la personne qui a posé la question et qui a obtenu la réponse qu’elle « pouvait entendre ». Ce qu’elle peut entendre est fonction de sa personnalité propre, de ce qu’elle est capable d’accepter, de son évolution à l’instant même où la question a été posée et d’autres facteurs plus subtils.
Le fond de la réponse va directement au Cœur et concerne tout chercheur sérieux et passionné. L’impact produit est alors fonction de la ferveur de chacun.
Il est indispensable que la réponse soit « absorbée » sans que l’intellect ait le temps d’interpréter ce qu’il a entendu.
Plus tard la personne y réfléchira, retournera les paroles dans tous les sens et fera agir son sens critique.
La compréhension intellectuelle est utile pour prendre conscience de l’existence des concepts, mais elle est incapable de les dépasser tout simplement parce qu’elle en fait partie.
Il ne faut donc pas donner trop d’importance à la compréhension, et se souvenir avec passion que seule l’Expérience personnelle nous conduira au but tant désiré.

De nombreuses personnes pourront se dire : que de répétitions ! C’est vrai et tous les sages un peu sérieux ont répété des milliers de fois, sous des formes différentes les mêmes recommandations. Le mental humain a tellement tendance à se figer, à se scléroser, à se durcir, qu’il faut marteler sans cesse les mêmes évidences ,pour que, par chance une ou l’autre arrive à pénétrer et transpercer la couche de notre ignorance (qui est rappelons-le un des trois poisons du bouddhisme). En préparant ce travail, j’ai moi-même relu ce que j’avais lu tant de fois et à chaque lecture, un petit plus apparaît dans la compréhension et l’intégration de ces vérités de base.
Abordons donc ces pépites, gracieusement offertes, avec Amour et humilité, qu’elles nous accompagnent dans notre voyage merveilleux , à la découverte de notre Nature Véritable.

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Dans les questions qui suivent, Bernard évoque notamment la recherche mais au plus près du quotidien de chacun. Au cours des années, j’ai constaté pour moi-même, et pour de nombreux chercheurs que j’ai rencontrés, à quel point il y avait souvent une dichotomie entre la recherche et la vie quotidienne. Les gens ont tendance à croire qu’il est nécessaire de résider dans un espace privilégié, uniquement consacré à la recherche, et ils considèrent que le monde est en totale opposition avec cela. Et pourtant on peut partir au bout du monde, au sommet de l’ Himalaya, dans les ashrams les plus renommés et l’on ne s’y retrouvera qu’avec soi-même. Le voyage, les retraites sont alors vécues comme une drogue , qui momentanément donne l’illusion que l’on a changé d’état, et le retour est souvent douloureux, au moment où l’on retrouve les réalités de la vie quotidienne.
Voilà pourquoi l’on dit parfois que le « monastère » se trouve au cœur de notre quotidien et que les difficultés que nous y rencontrons sont des tremplins à notre transformation. C’est ce travail au quotidien, qui comme le dit si justement Bernard, nous mène peu à peu au détachement du monde, quel que soit l’endroit où nous nous trouvons. Mais dans ce cas c’est très différent car ce détachement est absolument naturel et ne varie plus selon les endroits : temple ou bureau ou famille. Il y a une très belle métaphore qui pointe vers cela qui dit en gros que pour éviter que les échardes se plantent dans nos pieds on peut soit recouvrir toute la terre d’un tapis protecteur, soit simplement mettre des chaussures.
Bien entendu ces considérations ne veulent pas dire que le chercheur doit se priver de moments, d’endroits privilégiés, de livres édifiants, pour accentuer sa recherche, mais cela n’est qu’une cerise sur le gâteau et n’est pas vécu comme une fuite de ce qui est.
Car ce que l’on fuit, malheureusement on le retrouve toujours et souvent de manière plus redoutable.

Le message de Bernard est toujours un message d’espoir car il nous ramène au cœur de notre quotidien, avec ce que nous sommes, sans s’épuiser à changer le monde mais en changeant simplement le regard que nous portons sur lui.

6) Est-il possible de s’intéresser à autre chose qu’au Soi lors de la quête du Soi (amour, études, vie professionnelle, famille, etc…) ou faut-il abandonner toute activité ou préoccupation extérieure pour ne se consacrer qu’au Soi ?

Bernard : Avant de commencer une recherche spirituelle, définissons bien CE que nous allons rechercher. Certains l’appellent Dieu, d’autres la Vérité etc…Nous préférons dire le Soi, qui est l’unique source du bonheur. Nous savons, au moins intellectuellement, ce qu’Est le Soi : notre Vraie Nature, Celle qui ne change pas, stable, éternelle, source de tout ce qui existe.
La recherche spirituelle est donc la recherche de soi-même, tout simplement. Comment allons-nous procéder pour Réaliser notre Vraie Nature ?
Non pas en essayant vainement d’accumuler des « connaissances », ni en voulant à tout prix accéder à des « niveaux de conscience » imaginaires et de toutes façons inutiles, mais en éliminant tout ce que nous ne sommes pas.
À force de discriminer, de trier, d’éliminer tout ce qui est provisoire, éphémère, donc irréel, nous verrons peu à peu l’intérêt que nous portons pour le monde avec tout ce qu’il contient de souffrances et de joies bien illusoires, disparaître lentement et faire place à une PAIX intérieure que rien ne pourra jamais troubler.
Il n’est pas nécessaire, ni souhaitable d’abandonner nos activités, quelles qu’elles soient pour partir en quête du Soi.
Ce qu’il faut abandonner peu à peu, c’est l’illusion d’être l’auteur des actes.
Ce n’est pas simple au début, mais les efforts répétés, le désir ardent d’arriver au But et une Foi à toute épreuve, nous donneront la victoire, car il s’agit bien d’une lutte ! On peut dire en fait, qu’il ne s’agit pas d’abandonner nos activités, mais de faire en sorte que ces « activités » nous quittent.
Oui, on peut s’intéresser à autre chose qu’au Soi, au cours de notre recherche spirituelle, surtout au tout début. Avec le temps et disons « les progrès spirituels », l’intérêt que l’on avait pour d’autres activités ou passions, tiendra moins de place parce que le Soi brillera davantage. C’est un peu comme un enfant qui admire la lumière émise par une ampoule et qui, soudain découvre le soleil et son extraordinaire rayonnement. Il ne pensera plus jamais de la même manière à la petite lumière d’une ampoule.
Souvent, nous donnons une importance exagérée à des choses qui en fait n’ont qu’une importance toute relative. Ce que nous trouvions magnifique autrefois ne nous intéresse plus aujourd’hui. Tout est relatif, tout change, rien n’est stable. Alors quand il s’agit d’aller à l’encontre de la Vérité, il est certain qu’elle nous attirera comme un aimant et qu’elle captivera toute notre énergie. Tout le reste nous apparaîtra sous un autre jour, totalement différent.
En fait, lorsque l’on expérimente réellement que l’on n’est pas cet ensemble corps-mental auquel nous nous sommes toujours identifiés, comment pourrait-on s’intéresser à autre chose ? Car alors, tout est vu comme éphémère et vraiment « tout petit », notre vision change totalement. Et puis, cette expérience peut être faite assez rapidement, au cours d’une bonne méditation. C’est un réel encouragement pour celui qui cherche !

7) Comment faire pour aller au-delà des soucis quotidiens de la vie professionnelle ou familiale, afin de mieux se concentrer sur la recherche spirituelle ?

Bernard : La vie individuelle se déroule dans le monde et, dans ce monde qui n’existe qu’en ta Présence, les événements se succèdent sans cesse et s’arrêtent chaque soir avec le sommeil profond .
Que ces événements soient agréables ou désagréables, au-delà des joies ou des souffrances qu’ils nous procurent, seul le Témoin de cela est permanent et donc Réel.
Quoi que nous pensions de cette succession de peurs, d’inquiétudes, de souffrances et autres impressions, les événements se produiront tout simplement parce qu’ils sont le fruit de la Manifestation. L’individu n’a aucune emprise sur ces événements.
Nous ne pouvons pas changer les événements, mais nous avons la possibilité de modifier la Conscience que nous en avons et c’est cela qui est le plus important : je ne suis pas et ne serai jamais Ce qui arrive, mais toujours et en permanence, celui à qui tout arrive.
Tout ce qui existe n’existe qu’en fonction de la Conscience qu’on en a.

8) J’ai en ce moment l’impression de m’épuiser dans le quotidien, ce besoin de gagner sa vie et d’avoir à faire face à ce théâtre absurde.
Aurobindo parle de la transformation de la matière, et Ramana en parle comme une illusion. Dans tous les cas c’est bien là qu’une alchimie doit s’opérer, que faire ?

Bernard : Comme je te comprends quand tu dis être épuisé dans ce quotidien. Portant tu es cette existence éternelle en ce moment même, à chaque instant, mais sans l’instant justement. Parce que sans l’instant, il n’y a pas d’espace-temps et donc pas d’apparition de cette vie particulière qui, lorsque l’on parvient à l’observer, pose question.
Cette existence est ma vie à présent, et ce, malgré ces douleurs aujourd’hui dans ce corps, je témoigne de ce que je vis parce qu’après avoir traversé tant d’épreuves et tant douté que cela était aussi possible pour un « pauvre pécheur » comme moi, c’est arrivé et c’est le Bonheur, ce fameux bonheur que l’homme recherche éperdument.
Je ne sais pas trop ce que tu entends par « état de la matière ». Par contre pour le peu que j’ai lu de Sri Aurobindo, c’est vrai qu’il parle de la transformation de l’être humain parce qu’il voyait une évolution de l’homme avec un supra mental etc… Sans aller trop loin Aurobindo parle essentiellement de l’homme en évolution, plus intelligent, une espèce de transmutation, de l’évolution de l’être.
Pour faire la différence avec Ramana, disons qu’Aurobindo parle de la vie particulière, d’une forme particulière de la manifestation de la vie, et Ramana parle de la Base d’où justement, s’élance toute forme particulière. La différence est énorme parce que la vie particulière est provisoire alors que la base d’où elle s’élance est permanente.
Lorsque Ramana parle d’illusion(maya) dans le sens de la confusion essentiellement, c’est le parler indien, et maya est souvent employé par Ramana pour dire que ce qui n’est pas permanent est illusoire.
Notre culture occidentale n’a pas encore assimilé ce sens du réel et de l’irréel du vedanta.
Quand je parle du monde, ( et même s’il m’arrive en fonction du chercheur de parler d’illusion) , je préfère dire provisoire qu’illusoire parce que c’est évident que toute forme est provisoire, alors que dire comme cela que le monde est illusoire, ce n’est pas aussi évident.
Tu finis ton message en disant : « Que faire ? »
Tout, il faut tout faire, lorsque l’on a ressenti que ce bonheur que l’on cherche depuis des années est là, mal défini encore mais malgré toutes les épreuves quelque chose t’attire à lui, te dit qu’il existe autre chose de vrai, d’enfin vrai même et c’est le Soi.
Pour terminer, la seule alchimie qui doit s’opérer pour toi, et en douceur, en te ménageant au maximum car je le dis à présent (sans l’avoir jamais fait) nous avons besoin de ce corps pour aller au bout du chemin, c’est de prendre conscience que : « je ne suis pas cet ensemble corps-mental.
Je suis uniquement et en permanence celui qui constate chaque matin au réveil l’apparition temporaire de cet ensemble qui pose tant de problèmes.
JE SUIS est la réalité, mais sans les mots pour le dire .