Rectification importante concernant les conseils à un jeune chercheur.

Bernard Harmand.

 

Mon dernier article concernant les dialogues croisés entre un ancien et un jeune chercheur a touché beaucoup de gens. Je passe sur les appréciations positives mais je voudrais m’étendre ici sur deux remises en question salutaires qui m’ont été faites par un proche de Bernard depuis longtemps et par Bernard lui-même. Il y eut d’ailleurs à ce sujet et comme toujours dans ces points importants, une belle synchronicité. X le proche de Bernard m’a envoyé son mail et peu après Bernard qui avait lu l’article me disait dans un message que l’article était super à 75% mais que 25% l’avaient « crucifié ». De ce fait nous eûmes un long échange téléphonique à ce sujet, qui me donna l’occasion en premier lieu, d’écouter ses réticences et ensuite d’expliquer mon positionnement. Je vais donc mettre ci-après dans l’ordre l’intervention de X qui me donne son avis, puis l’avis de Bernard que j’ai essayé de résumer au mieux. On constatera d’ailleurs que les deux points se rejoignent. J’indiquerai en dernier lieu ma position suite à ces échanges très fructueux que nous avons eus.

-Avis de X proche de Bernard:

Mon cher Alain,
Je viens de lire ton dernier article et je te remercie pour ce partage. Très intéressant pour moi parce que j’aurais répondu d’une façon totalement différente .
Au-delà de la forme, je suis surpris sur le fond, notamment sur le fait que tu évoques la nécessité pour toi de purifier l’égo, et que tu envisages la thérapie et la nécessité de soigner ses névroses comme faisant partie intégrante de notre recherche. Cela est ta vérité et je la respecte bien sûr, mais ce n’est pas la mienne, et surtout détonne selon moi avec le témoignage de notre Bernard. Nous nous connaissons depuis longtemps mais n’avons jamais discuté de cela, et je crois que ce serait très intéressant d’échanger sur ces sujets. En attendant, voici pourquoi j’ai été surpris de ta réponse :
– Tu écris ceci : « Il y a donc de toute évidence, pour la plupart, une très longue période de purification qui est nécessaire car c’est paradoxalement un ego bien construit, équilibré qu’il faut offrir, pas notre ego de merde »
Ce terme de purification implique que nos egos sont impurs, et cela m’évoque ce qu’il y a de pire dans certaines religions, et ce n’est pas notre voie.
Au-delà de ce constat, en quoi l’égo, donc le chercheur (car c’est de lui dont il est question) aurait-il besoin d’être purifié ?
Pour paraphraser notre Bernard, tout sera purifié dans la caisse ! Vouloir changer quoi que ce soit à cet égo, qui n’est que l’ensemble corps-mental, ne fera que le renforcer et là non plus ce n’est pas notre voie.
Cette période de purification serait d’ailleurs « très longue » selon toi. J’en profite juste pour rappeler la bonne nouvelle à un jeune chercheur que la recherche n’est pas une question de temps mais d’intensité, et que comme le dit très bien Bernard aussi, l’intensité fournira les moyens mais la purification du corps-mental pour moi n’en fait pas partie, car contrairement à ce que tu écris, notre égo n’est pas nécessairement « un égo de merde ». Tu dis aussi qu’il nous faut offrir un égo purifié, mais offrir à qui ? Il n’y a pour moi rien à offrir.
-Tu poursuis en disant :
« Dans ce domaine il est important de préciser, qu’il y a en ce qui me concerne, une intrication totale entre recherche spirituelle et connaissance de soi, travail thérapeutique sur soi. (…). Mais là encore paradoxalement l’au-delà ne peut être atteint que si on a nettoyé un minimum l’en deçà ! »
Intrication totale entre recherche spirituelle et connaissance de soi, là je dis d’accord, et je te renvoie à l’inscription sur le fronton du temple de Delphes, le fameux « Connais-toi toi-même et tu connaîtras le monde et les Dieux », mais il ne s’agit justement pas de se connaître en tant qu’individu, mais de réaliser qu’on n’est pas (ou pas que) cet individu.

Pour moi le travail thérapeutique ne fait absolument pas partie du chemin car il ne concerne que l’individu, et ce n’est pas l’individu qui Réalise, tu le sais. Je n’ai lu nulle part dans les témoignages de Ramana, Nisargadatta ou Bernard la nécessité de faire une thérapie.  Je pense que vouloir soigner ses névroses ne fait pas partie du chemin et surtout met l’égo au centre de l’attention. Je suis convaincu que Bernard comme toi et moi avait des névroses, et même avec la folie et la passion extrême qui caractérise sa recherche, n’importe quel psychiatre l’aurait enfermé ! Et pourtant cela ne l’a pas empêché de Réaliser, et où sont donc ses névroses aujourd’hui ?
Pour finir ce trop long message, voilà personnellement ce que j’aurais répondu dans les grandes lignes à ce jeune chercheur :

– Commencer avant tout par se demander le plus honnêtement possible ce que l’on cherche.
Tu le sais, c’est LA question que posait Bernard avant toute rencontre éventuelle avec un chercheur qui le contactait par mail. C’est un point primordial car je me suis aperçu au bout de nombreuses années que je ne cherchais pas la même chose que d’autres chercheurs. J’ai depuis réalisé que beaucoup recherchent finalement un esprit calme, une paix intérieure, une philosophie de vie ou encore une sagesse, et cela est bien normal car en tant qu’individu la vie est difficile, voire insupportable, notamment parce que nous sommes les seuls êtres vivants sur cette terre à savoir que nous allons mourir.
La réponse à cette question pour tout chercheur sérieux est : JE VEUX ETRE HEUREUX ! tout simplement. C’est la grande nouvelle, le mot est faible qui devrait nous empêcher de dormir : le BONHEUR EST POSSIBLE ! Et dans cette vie, ici-bas. Mais que faire de cette nouvelle ? J’adore cette phrase du Père Le Saux : « Admirable qui sait le dire, admirable qui sait l’entendre »
– Pour aller dans ton sens, il y a dans ce monde décadent chaque jour qui passe de nouveaux Êtres réalisés sur YouTube… Aussi est-il bon de rappeler que pour Réaliser, Ramakrishna disait qu’il faut la même intensité que la volonté de celui à qui on maintient la tête sous l’eau et qui veut respirer ! C’est très important d’en être conscient car on ne peut pas faire à moitié dans notre recherche, Bernard n’a de cesse de le rappeler, et parce que comme il l’explique très bien lui-même, le mental ne veut pas mourir et ne se suicidera pas. Il faut donc être prêt à mourir, mais je m’empresse ici de rappeler la phrase importante de Nisargadatta :
 « C’est facile si vous être fervent, et tout à fait impossible si vous ne l’êtes pas ».
– Pour faire le lien avec cette réalité du moment, je conseillerais de rejeter toute croyance, en commençant par le fait de ne plus croire tout ce qui est écrit dans les livres. Je ne vais pas m’étendre là-dessus, car cette seule phrase de Bernard résume ce point : « ce n’est pas la recherche qui est compliquée mais les livres qui en parlent »
– Pour finir je dirais à un jeune chercheur à quel point, parce que j’en suis convaincu, le témoignage de Bernard est important sur notamment le point suivant : contrairement à de nombreux courants et à de nombreuses pratiques, Bernard nous dit qu’il n’y a pas à changer quoi que ce soit à l’individu, qu’il n’est pas besoin de lutter ou de vouloir contrôler le mental.
 Le seul « il faut » qu’il utilise est d’aimer sa recherche plus que tout, c’est là que réside l’extraordinaire simplicité et la difficulté pour beaucoup bien sûr qui ont besoin d’une méthode, de pratiques, de rituels etc. Alors pour le dire autrement, il nous faut partir de ce pressentiment du Bonheur, le cultiver, le nourrir, l’enrichir, l’aimer. Il nous faut aller vers, pas lutter contre, en vibrant, frissonnant, en étant édifier par les témoignages réels comme celui de Ramana par exemple.

Pour illustrer ce point, j’aime à l’expliquer par cette métaphore : un homme se trouve enfermé dans une grande maison sans ouverture, dans l’obscurité totale. Il survit comme il peut et économise son stock de bougies pour s’éclairer au quotidien. Dans cette obscurité, la seule petite flamme de la bougie, unique source de lumière et de chaleur est contemplée avec délice, mais parfois ressent-il sur un mur de la maison de la chaleur qui semble venir de l’extérieur. Cette chaleur l’attire, comme un pressentiment d’une autre source de lumière beaucoup plus grande. Plus il va développer cette attirance, chercher d’où vient cette chaleur, moins il souffrira de l’absence de lumière, jusqu’à ce qu’un Être un jour perce un trou dans le mur d’où jaillit un trait de lumière du Soleil. C’est la Rencontre ! Il va chercher alors de toute son âme la source de cette lumière, en grattant les murs de toutes ses forces avec ses ongles jusqu’à en avoir les mains en sang, oubliant de manger, de se laver, s’oubliant pleinement dans cette quête folle. Animé de cette passion totale il ne peut que trouver le but, car comme le disait Bernard à une amie, « si tu as cette passion, alors il n’y a plus de problème ; il y a bien un temps qui s’écoule, mais il n’y a plus de problème ». Alors ce jour viendra où il percera la mystère, contemplera enfin ce soleil brûlant qu’il pressentait de plus en plus clairement et qui prenait toute la place.
Dans cette métaphore et je reviens au point important, le chercheur n’a jamais lutté contre mais a donné la priorité à sa recherche, à son pressentiment, et attiré par le soleil, il a délaissé sans effort, naturellement, l’ancien attrait pour la flamme de la bougie.

-Avis de Bernard :

Voilà en substance ce qui ressort de l’entretien que j’ai eu avec Bernard et qui m’a permis de remettre les pendules à l’heure :

« La première chose à demander à un chercheur pour voir où il en est et adopter l’attitude juste face à lui c’est de lui demander ce qu’il cherche réellement
La plupart des gens vont répondre qu’ils cherchent à être mieux, à être plus calmes, à moins s’énerver après leurs enfants, à avoir une vie paisible et heureuse.
Ceci n’est ni bien, ni mal mais c’est la réalité de beaucoup de gens. Dans ce cas il faut les orienter vers la multitude de possibilités qu’il y a à l’heure actuelle concernant le « développement personnel »
Les besoins de purification, les thérapies de toutes sortes ne concernent que l’individu et permettent d’améliorer son fonctionnement .
Le Chercheur spirituel tel que la plupart des gens le conçoivent, c’est à dire ayant pour but l’amélioration de l’individu, n’a absolument rien à voir avec ce que je considère comme un Vrai Chercheur.
Il ne s’agit en aucun cas de nier ou de déprécier cette démarche mais elle ne concerne pas le véritable Chercheur qui n’a qu’un but en tête.
Ayant constaté fortement qu’il n’était pas « que » ce qu’il croyait être, qu’il n’était ni son corps, ni son mental, il doit avec une détermination sans faille, une passion folle, tout faire pour atteindre le but qu’il pressent plus ou moins fortement : le basculement de la conscience( qui est toujours conscience de quelque chose) dans la Conscience unique, le Soi ou quelqu’autre nom qu’on lui donne. Il s’agit d’une fusion.
Il ne peut s’agir en aucun cas d’une « amélioration » mais d’une bascule totale . On ne peut même pas dire dans un « autre état » d’être ce qui serait encore ramener la bascule à l’individu.
La Réalisation est au-delà des états.
Donc l’ego n’a aucun rôle à jouer là-dedans : la seule chose qui importe dans cette démarche c’est la conscience. L’ego, ne sait pas ce qu’il cherche et donc ne pourra rien trouver. C’est la conscience qui le trouvera et l’évidence qui explosera à la Réalisation remplacera tout le reste.
Le mental lui, n’a pas conscience d’être, alors que la conscience elle, me permet d’observer le fonctionnement du mental. Là est toute la différence.
Donc s’ouvrir à la pure Conscience, au Soi N’EST PAS POSSIBLE POUR L’INDIVIDU (c’est-à-dire l’ensemble corps-mental).
C’est bien pour cela que je répète sans cesse que l’individu ne peut pas Réaliser.
Ce n’est donc pas l’individu qui Réalise mais c’est la conscience que j’ai de cet individu. Quoique l’on fasse , quels que soient les changements opérés dans l’individu, il va finir dans son cercueil.
Il est très important de faire la différence entre le mental et la conscience.
-La sensation d’exister c’est la conscience.
-L’impression d’être un individu c’est le mental .
Mais même la conscience apparaît et disparaît le soir au moment de s’endormir : CE QUI EST IMPORTANT C’EST QUE JE LE SAIS.
Mais pour le savoir, il faut bien qu’il y ait quelqu’un qui sache. C’est également pour cela que je répète sans cesse :
Je préexiste à la conscience que j’ai de moi-même.
Un jour la conscience, à force d’être dans l’attitude témoin (ça commence par la conscience et ça finira autrement), cette conscience donc, faute de contenu devient l’Êtreté ( qu’elle était déjà bien sûr, mais le mental ne le savait pas.)
La différence entre un Être Réalisé et un autre, ce n’est pas dans ce qui est ressenti, c’est dans ce qui n’est pas ressenti .
Donc j’insiste sur ce fait que vouloir purifier le mental, cela voudrait dire que c’est le mental qui va réaliser quelque chose, or il en est totalement incapable et c’est la conscience seule qui importe.
Le mental lui, ne veut pas mourir et il se bat avec frénésie. Ainsi quand on veut purifier, maîtriser, il se régale, sans le comprendre puisqu’il ne peut pas le comprendre, mais il se régale car l’important pour lui est d’être alimenté.
Si je reste dans la conscience et que je l’observe, il ne va pas tenir le coup.
En effet seule la conscience peut observer le mental mais l’inverse n’est pas possible.
Le Chercheur passionné ne va donc se détacher de rien, mais il va aimer par-dessus-tout le but qu’il veut atteindre.
Les pratiques, quelles qu’elles soient ne sont que des MOYENS, nécessaires tant que l’on est encore identifié à son corps (ça peut-être du yoga, des prières, de la méditation, réciter des chapelets etc…)
MAIS LA VRAIE PRATIQUE EN FAIT C’EST LA VIE DE TOUS LES JOURS DE L’INDIVIDU, VÉCUE DANS LA CONSCIENCE QUE J’EN AI ET QUI CHANGE SANS ARRÊT.
Si on comprend cela de travers comme beaucoup à notre époque on va dire QU’IL N’Y A RIEN À FAIRE ET CECI EST TOTALEMENT RIDICULE, étant donné que celui qui dit cela SE PREND ENCORE POUR UN INDIVIDU.
Pour celui qui est dans la dualité corps-mental IL Y A TOUT À FAIRE, et avec une grande passion.
Pour finir il est important de signaler, malgré que le mot soit galvaudé, que cette merveilleuse recherche n’est au fond , qu’une histoire d’Amour.
 Il faut arrêter de vouloir tout comprendre et encore plus quand il s’agit d’Amour !
Dans cet Amour total et inconditionnel, le processus mental n’a aucune prise, il ne peut participer à ce qu’il n’expérimente pas. C’est pour cela que l’on parle d’Amour fou.
 L’Amour n’a rien à voir avec la raison et de ce fait, il ne peut pas être « raisonnable », il est au-delà de ce qui est perçu, au-delà des sens bien qu’il passe également par eux. Il faut « travailler » à la départicularisation de l’Amour( l’amour humain qui est l’amour particulier procède en effet de cet Amour mais il est limité, conditionné) et nous arriverons à un Amour sans objet, complet en lui-même, total, fou, inconditionnel, résultat total de l’alchimie de celui qui Aime en Ce qui est Aimé, l’ensemble fusionnant en cet extraordinaire « ÉTAT D’AMOUR » qui brûle toute particularité.
Dans cette recherche nous sommes littéralement « pris » « aimantés » par cet Amour de Ramana, d’Elisabeth voulant s’oublier entièrement pour établir sa demeure en Dieu, de Ramdas dévalant la pente d’Arunachala avec le nom de Ram aux lèvres. Tous nos modèles nous accompagnent avec ferveur dans ce voyage sans retour.

-Mon positionnement personnel suite à ces remises en question :

Personne ne sera étonné si je dis que je suis totalement en accord avec ces objections qui m’ont été faites et j’en remercie d’ailleurs vivement mon frère de coeur X et mon Bien Aimé Bernard. C’est dans ces circonstances que l’on prend conscience avec une profonde gratitude de l’interdépendance avec nos frères de la Voie et de la valeur inestimable d’un Guru vivant. Je me dois de dire, pour être tout à fait honnête, que je m’attendais à cette réaction de Bernard le connaissant bien et connaissant ses prises de position sur ces sujets importants. Alors me direz-vous pourquoi avoir écrit pertinemment quelque chose que vous ne cautionniez pas et dont vous saviez que ça allait heurter votre guru? Est-ce un puéril besoin  d’opposition gratuite ?
Certes non ! Je ne veux en rien minimiser mon erreur mais je peux en expliquer la cause en relation avec le climat actuel dans les milieux spirituels.
Il y a à notre époque une décadence de certaines valeurs, qui touche également le milieu spirituel. Ceci est d’autant plus paradoxal qu’il y a parallèlement une forte demande de spiritualité par de nombreuses personnes déçues des dérives des religions organisées et qui sentent confusément un manque à être dans ce que leur propose le monde matérialiste. Malheureusement cette énorme demande, qui est parfaitement bonne et justifiée, ouvre la porte à tous les marchands du temple et à toutes les personnes frustrées en quête de pouvoir facile. Il ne peut en être autrement, c’est une règle humaine qu’une forte demande attire des propositions multiples. De ce fait, et je le répète à longueur de temps, un énorme discernement est nécessaire pour les personnes en recherche. Car il suffit d’observer pour se rendre compte, comme je le dis souvent avec humour : « qu’il y aura bientôt sur internet, plus de thérapeutes en tous genres que de patients et plus de personnes éveillées que de chercheurs spirituels ! Cherchez l’erreur ! » Il y a donc de tout dans ce bric à brac spirituel, cela va des personnes les plus déséquilibrées , aux personnes les plus honnêtes avec tous les degrés intermédiaires possibles.

Les enseignants honnêtes sont confrontés à ce dilemme qu’il ne faut pas garder les précieuses choses qu’ils ont reçues, de manière élitiste en croyant faire partie d’une caste privilégiée qui garde la main sur son trésor.
D’autant plus que nul n’est en droit d’estimer la valeur et la sincérité d’un chercheur véritable. Il peut être très jeune, plus âgé, appartenir à n’importe quelle classe sociale, avoir eu un parcours tumultueux ou pas.
Bernard rappelle souvent que la Réalisation est pour tout le monde, dans le sens évidemment que je viens d’évoquer, c’est-à-dire qu’elle peut se produire en n’importe quel quidam.
Mais attention cela ne veut pas dire qu’elle est fréquente, comme sembleraient l’insinuer de nombreux éveillés autoproclamés d’ internet. Bernard dit souvent qu’ au-delà des escrocs et des déséquilibrés patents, il y en a sûrement qui sont honnêtes mais qui ont simplement pris quelques expériences d’ouverture de conscience (absolument normales chez quelqu’un qui a un peu pratiqué sérieusement) pour une Réalisation définitive. Cela est d’ailleurs fort dommageable à la fois pour la personne en question qui croyant être arrivée ne recherche plus et pour les personnes qui la suivent et qui risquent de se trouver dans une impasse. Donc la Réalisation est pour tous mais est peu fréquente.

C’est en lien total avec la situation que je viens de décrire que j’ai fait sciemment cette erreur de parler de purification nécessaire, de temps long de mûrissement  etc…… Car j’ai constaté avec de nombreux autres enseignants de la voie d’ailleurs, que la pureté et la hauteur des enseignements transmis par le zen (que j’ai longtemps suivis) , puis de ceux transmis par les Vrais Êtres Réalisés, étaient d’un tel niveau, que malheureusement ces enseignements étaient  rapidement dégradés, détournés, confisqués par des personnes plus soucieuses  de les adapter  à leur convenance personnelle que de se soumettre à leur exigence redoutable.
J’ai constaté également dans ma longue expérience des groupes religieux, que beaucoup de gens se réfugiaient dans des engagements spirituels pour fuir des problèmes qu’ils avaient à régler et pesaient ainsi lourdement sur leur entourage, croyant cependant être supérieurs car engagés spirituellement.
Les enseignements de la non- dualité se prêtent d’autant plus à ce genre de déviation et on voit pléthore de gens sur Internet se réclamer de Ramana ou Nisargadatta et dispenser des absurdités du genre « Il n’y a rien à faire, Tout est déjà là ! ».
Sachant d’ailleurs pertinemment bien que Bernard a en horreur ce genre de message et qu’il dit au contraire qu’il faut tout faire avec passion, j’ai effectivement fait l’erreur de dénaturer quelque peu l’enseignement transmis pour signifier aux chercheurs que ce n’était pas une voie de facilité, de complaisance mais qu’elle nécessitait comme le rappelle souvent Bernard une folle détermination, un engagement total.

Voici d’ailleurs une partie d’un message que j’envoyais à Bernard avec un lien d’internet sur un guru actuel parlant de la Réalisation en 15 minutes ou quelques stages. et sa réponse:

« Ma réalité et mon expérience (qui je crois fût en partie la tienne) c’est qu’il n’y a (surtout à notre époque) extrêmement peu de chercheurs au sens où tu l’entends et que même les meilleurs que j’ai rencontrés, sont très loin d’avoir la passion que tu espères et sont pris dans leurs problèmes de toutes sortes .Si ces chercheurs existaient je n’aurais même pas de site à faire ! Alors oui je parle pour être entendu de ceux qui sont susceptibles d’avancer mais qui ont un sacré chemin à faire pour devenir Chercheur comme nous l’entendons tous les deux. Ton Témoignage (et j’en suis un vivant exemple)ne peut toucher -sauf rares exceptions -que des gens qui sont déjà assez avancés dans le déblayage du plus gros. Sinon , les gens l’écoutent comme un -truc merveilleux et magique -de la Réalisation, ils se gargarisent de leurs illusions et n’avancent absolument pas en se croyant paradoxalement très avancés .Tu as rencontré en 15 ans des tas de gens comme cela !  Et en fait ce qui était au départ un merveilleux message d’espoir et d’Amour devient contreproductif avec des personnes qui n’avancent plus, se croyant presque arrivées ou alors qui se sentent inaptes.! Peut-être que je me trompe et tu me le diras mais je descends un peu de niveau face à la réalité des gens pour les trouver là où ils sont et éventuellement leur permettre d’avancer et de VRAIMENT RENCONTRER À UN MOMENT LE NECTAR DE CE QUE TRANSMET BERNARD « 

Réponse de Bernard :

« C’est vrai ce que tu dis…trop vrai!  Vraiment une drôle d’époque ! je regardais l’autre jour YouTube sur Ramana et je suis tombé sur notamment un enseignant (venu me visiter il y a quelques années) qui parlait de l’éveil !
Quel dommage de parler sans Le Vivre !!! Oui c’est vrai…étranges les  chercheurs génération smartphone !!!! » -Comme je te comprends !  l’éveil en 15 minutes m’a fait rire….mais pas un rire Coluchien un rire douloureux…j’ai la même réaction que toi devant ce foisonnement de…..je cherche le mot le plus juste… « d escrocs » que l’on retrouve finalement dans tous les domaines de la vie d’aujourd’hui ! je suis d’ ailleurs horrifié par tous ces…youtubeurs…influenceurs…coachs en tous genres qui paraît -il ont des milliers d’abonnés à qui ils dispensent leurs conseils sans aucune connaissance, mais avec le besoin  d’être connus !!!! Quelle est donc cette époque de décadence ? Alors lorsqu’il s’agit  de ce Trésor qu’est notre Recherche….Tu sais à  quelle point j’ai horreur de ceux qui trompent les chercheurs  et on m’a souvent reproché d’être trop dur dans mes avis sur les gurus ou prédicateurs en tous genres….Mais c’est ainsi …Ce qui est TROUVÉ grâce à  cette belle démarche qu’est notre recherche est La MERVEILLE  DES MERVEILLES  …C’est tellement grave d’en parler sans Le Vivre…Là non plus je ne trouve pas de mot assez dur !!!! Nous ne parlons pas de  la même recherche c’est sûr ! D’ailleurs il est surtout question à notre époque de développement personnel…..et pour ce qui nous concerne c’est tout juste le contraire !  !!!!! Ne t’inquiète pas mon Alain je comprends très bien ce que tu dis et nous ressentons le même écœurement devant ces mystificateurs !!!! tout mon Amour dans ton Cœur et pour de vrai !!!!!! bernard

Pour finir, je reconnais totalement mon erreur : gardons le tranchant, la pureté de l’enseignement transmis, ce serait en effet dommage de le dénaturer, certes la purification n’est absolument pas nécessaire, le temps non plus ne fait rien à l’affaire mais il ne faut pas s’y méprendre, cette forte et fantastique détermination dont parlent Bernard et Nisargadatta est encore plus exigeante que les purifications et thérapies de toutes sortes.
De plus je voudrais ajouter que cette mise au point ne tient aucunement à pénaliser, ou culpabiliser les personnes qui pour différentes raisons éprouvent le besoin de faire une thérapie à un moment donné. Bernard ne dit en aucune manière qu’il ne faut pas faire de thérapie. Il dit même souvent que si le yoga, la méditation ou la pêche à la ligne  font du bien, il faut les faire. Chacun est le mieux placé pour savoir ce qui lui convient .. Aucune amélioration de l’individu n’est mauvaise en soi, sinon ce serait retomber dans un dualisme réducteur. Le point important c’est qu’aucune de ces améliorations n’est indispensable pour la Réalisation.

Faisons confiance à la Voie, et à cette Merveille dont témoigne Bernard depuis tant d’années. Nous rencontrerons qui nous devons rencontrer au moment opportun, la Recherche n’est pas un long fleuve tranquille mais elle est si belle, qu’elle aide à traverser tous les obstacles.

 

Addendum : En relisant cet article un point supplémentaire m’est apparu clairement concernant les thérapies. Bien entendu ni Ramana, ni Nisargadatta n’ont fait de thérapie d’une part certes, parce que leur état ne le justifiait pas, mais de toutes façons parce qu’ ils appartenaient à une époque et une culture où cela n’était pas de mise.
 Bernard lui occidental, , n’en a pas fait également mais comme il l’explique il a été totalement élevé dans le christianisme. Nous sommes à une époque de désaffection des religions et il est bien évident que pour bon nombre de gens les thérapeutes ont remplacé la religion et ceux qui auraient horreur, de nos jours, d’aller se confesser, confient sans peine leur intimité à leur thérapeute.
Il me semble évident que de nombreuses personnes avant d’être le Chercheur dont parle Bernard commencent soit par des religions ou différentes voies spirituelles , soit des thérapies, soit les deux à la fois . On mature dans l’une ou l’autre de ces possibilités, y compris d’ailleurs avec un guru. Des milliers de personnes en Inde ont pris Ramana comme guru et n’étaient probablement pas tous des chercheurs au sens où Bernard l’entend.
On peut aussi être un Chercheur véritable sans n’avoir eu aucune religion, ni suivi aucune voie spirituelle, ni aucune thérapie.
La Recherche peut donc se mettre en route dans de multiples personnes différentes, c’est un état d’être et d’exigence qui ne se commande pas et comme dit Bernard « qui nous prend  » …Ou pas….

Second addendum : Mon article a suscité de nombreuses réactions dont celle de mon ami philosophe et métaphysicien Jean Marc Vivenza , je tiens à insérer cette dernière ci-dessous . Cet éclairage,  sous un angle encore différent , alimentera et complétera la réflexion .

Quelques mots rapidement pour te donner mon sentiment sur le sujet de la « purification ». A mon sens le problème qui est soulevé n’est pas de savoir si c’est l’individu qui « réalise » ou non, ce point a été réglé depuis longtemps par tous les êtres ayant traversé le voile des apparences et qui se sont fondus dans l’Être. Donc bien évidemment que de ce point de vue nulle purification n’est nécessaire. L’Eveil survient brusquement, sans prévenir, et ce n’est pas tel individu ou un autre qui s’éveille, mais la Source qui revient à elle-même ; à ce niveau ne subsiste plus Je et le Soi…Tout est en TOUT.

Mais demeure néanmoins une difficulté. Tant que la personne existe, et l’Eveil ne change rien au problème, elle existe dans le contingent, ce qui signifie qu’elle a des besoins, répond à son nom, qu’elle est sujette à des humeurs selon son caractère, sa constitution, qu’elle est parfois en forme et d’autres jours passablement épuisée, qu’elle digère plus ou moins bien selon le jours les repas qu’elle ingère pour se maintenir en vie, qu’elle bénéficie en fonction des lunes et de multiples facteurs, d’un sommeil réparateur ou non, etc. Pour résumer, l’être au monde de chaque créature ici-bas, est une détermination indépassable. C’est vrai pour tout le monde sous toutes les latitudes géographiques, et également toutes les géographies de la conscience.

Si l’être ne disparaît pas et ne s’évapore pas dans l’éther de la non-manifestation après l’Eveil, alors il y a nécessairement un « travail » purificateur à observer tout au long des jours de l’existence, il y a une règle à respecter, des principes auxquels il faut se plier. Le christianisme, qui est sur cet aspect des choses d’un réalisme lucide, insiste fortement sur la vieille nature qui colle à la peau même des plus grands saints qui furent non exempts de colères ou d’humaines petitesses ; la sentence de Pascal bien connue résume parfaitement le sujet  : « Qui veut faire l’ange fait la bête » .

En réalité, éveillé ou pas éveillé, il y a dans le cadre ontologique de la détermination existentielle commune à tous les êtres vivants, une structure animale – que l’on peut appeler « corporelle » ou biologique si l’on veut – dont chacun hérite en venant au monde et qui est sujette, que ça plaise ou non, à la limitation de ses besoins vitaux, structure naturelle qui est quotidiennement placée sous une loi intangible de dépendance universelle (née d’une cause antécédente selon la formule de Nâgârjuna), la condamnant irrémédiablement à la croissance, la dégradation et la mort.

Or si tel est le cas, alors il y a bien « purification nécessaire » de ce qui relève de la contingence, sans quoi c’est la déchéance à très court terme. Qu’on le veuille ou non, il faut se laver le matin, préparer son repas, établir des liens avec ses semblables, etc. Et si tel est le cas, et tel il est, alors cela, c’est-à-dire la vie contingente, doit s’organiser selon des règles traditionnelles qui visent à la pureté et la purification de l’être et de ses limitations matérielles. C’est un point partagé par toutes les traditions authentiques.
D’ailleurs, le problème des pseudo réalisés du monde virtuel informatique, c’est qu’ils sont précisément le pur produit d’un monde anarchique, déboussolé et non traditionnel, en tant qu’ersatz factices et « virtuels » de spirituels réalisés, proposant à qui veut l’entendre une spiritualité de pacotille imaginaire faite de vérités hâtivement consommées et aussi vite recrachées sous la forme d’un discours stéréotypé et mécanique du type : « tout est parfait » ; « il n’y a rien à chercher » ; « le problème c’est qu’il n’y a aucun problème », etc., lapalissades ridicules qui font pâmer certes les idiots, mais participant d’une navrante banalité.  En clair : une spiritualité de perroquets dénuée d’intérêt pour volatiles décérébrés.

Pour l’exprimer plus précisément, c’est d’ailleurs un des éléments qui me fit me rapprocher de la tradition occidentale après un long parcours en terres orientales, l’homme est – selon l’enseignement du courant illuministe européen qui insiste sur l’événement considérable que fut la « rupture originelle », ou Chute adamique – un être déchiré entre deux principes, divisé entre « deux vies » . Comme l’explique Jean-Baptiste Willermoz dans un texte participant de ses « Cahiers » doctrinaux : « Il existe dans la nature et principalement pour le mineur-homme, pour l’Adam dégradé et puni, deux vies très distinctes qu’on ne peut jamais confondre sans tomber dans les plus grands dangers ; l’une est la vie spirituelle-active ou de l’esprit, l’autre est la vie universelle passive qui est celle de la matière. La vie de l’esprit n’est pas créée, mais elle est émanée avec l’être qui en jouit, du sein de Dieu où il l’a puisée. Elle est immortelle, indestructible, intelligente et active ; elle pense, veut, agit et discerne, ce qui la constitue image et ressemblance de son principe générateur ; elle se fortifie dans l’exercice du Bien, et ne peut que s’affaiblir et s’obscurcir dans celui du mal
Pour conclure sur ces considérations qui demanderaient un bien plus long développement, s’il y a ainsi « deux vies » en l’homme – en TOUS les hommes, « saints », « éveillés », « réalisés » y compris – en conséquence de la subsistance en tout être de la vie de l’âme passive, cette partie animale de l’être que l’on reçoit en venant à l’existence doit impérativement être l’objet d’une « purification » (on parle de « voie purgative » avant d’atteindre la « voie unitive » dans le mysticisme chrétien), les hommes étant contraints de respecter des principes régulateurs capables de maîtriser les sociétés afin d’éviter le chaos producteur de la folie collective dont l’actualité offre, hélas ! le terrible spectacle, les scories irrationnelles de l’ancienne nature matérielle ne pouvant pas être oubliées dans le cadre d’une démarche spirituelle, faute de quoi, c’est l’illusion qui tiendra lieu de conviction aboutissant à une impasse catégorique aux conséquences redoutables.

Tu n’as donc nullement «fait sciemment cette erreur de parler de purification nécessaire, de temps long de mûrissement », mais considéré justement à mon avis, qu’il y avait un niveau de réalité à ne pas oublier, niveau à « purifier » effectivement, sachant qu’à l’identique des deux niveaux de vérités – la relative et l’ultime – il y a de même deux niveaux, deux âmes, deux vies en l’homme tout au long de son difficile pèlerinage en ce monde, où dominent, prospèrent et règnent les puissantes vapeurs de l’illusion, la fameuse « maya » cosmique.

Amitié en Esprit,

Jean-Marc