Maître Eckhart: « Je prie Dieu de me libérer de Dieu! »

Dans ce sermon maître Eckhart atteint des sommets métaphysiques inouïs et personnellement à chaque lecture de ce passage j’ai des frissons qui me parcourent le corps !On peut comprendre qu’il ait eu à l’époque quelques problèmes avec la censure et c’est inouï de voir la modernité de ce texte écrit il y a plus de 700 ans !

Ce qui est prodigieux c’est de constater à quel point il rejoint également tous les grands textes de la non dualité:on croirait par moments entendre du Nisargadatta qui s’exprimait : « je suis tout et contrairement à vous j’en ai la certitude. »

Comment un ecclésiastique il y a 700 ans au cœur d’une église sévère et bien plus étouffante que de nos jours pouvait il proclamer de telles paroles ?

Je vous laisse à la saveur de ce texte, lisez le et relisez le !

Il est important de se rappeler toujours que ce n’est pas la quantité des choses lues qui compte mais la manière dont on les lit et comme ils s’impriment dans notre cœur.

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 Nous disons donc que l’homme doit être tellement pauvre QU’IL NE SOIT PAS UN LIEU ET N’AIT PAS EN LUI UN LIEU OU DIEU PUISSE OPÉRER.

Tant que l’homme conserve encore en lui un lieu quelconque, il conserve aussi quelque distinction.

C’EST POURQUOI JE PRIE DIEU DE ME LIBÉRER DE DIEU

car mon Être essentiel est au dessus de Dieu, dans la mesure où nous concevons Dieu comme l’origine des créatures.

En effet dans ce même être de Dieu où Dieu est au dessus de l’être et de la distinction, j’étais moi même, je me voulais moi même et je me connaissais moi même, pour faire cet homme qu’ici bas je suis.Et c’est pourquoi je suis cause de moi même selon mon être qui est éternel,mais non pas selon mon devenir qui est temporel.

C’est pourquoi je suis non-né et SELON MON MODE NON-NE JE NE PUIS PLUS JAMAIS MOURIR.

SELON MON MODE NON-NE J’AI ÉTÉ ÉTERNELLEMENT, JE SUIS MAINTENANT ET JE DEMEURERAI ÉTERNELLEMENT.

CE QUE JE SUIS SELON MA NATIVITÉ DOIT MOURIR ET APPESANTIRA, CAR CELA EST MORTEL ET DOIT SE CORROMPRE AVEC LE TEMPS.

Mais dans ma naissance naquirent toutes choses ; ici je fus cause de moi même et de toutes choses.

Si je l’avais voulu alors je ne serais pas et le monde entier ne serait pas et SI JE N’ÉTAIS PAS : DIEU NE SERAIT PAS NON PLUS ; QUE DIEU SOIT DIEU J’EN SUIS UNE CAUSE : SI JE N’ÉTAIS PAS: DIEU NE SERAIT PAS DIEU.

IL N’EST PAS NÉCESSAIRE DE SAVOIR CELA.

Un grand maître dit que sa percée est plus noble que sa sortie et c’est vrai !

LORSQUE JE SORTIS DE DIEU TOUTES LES CHOSES DIRENT : DIEU EST. Et cela ne peut me rendre bienheureux, car par là je me reconnais créature.
Mais dans la percée où je suis libéré de ma propre volonté, libre même de la volonté de Dieu, de toutes ses opérations et de Dieu lui même, là je suis au dessus de toutes les créatures ; et je ne suis ni Dieu, ni créature, mais je suis ce que j’étais et ce que je demeurerai maintenant et à tout jamais. Là je reçois en moi une impression qui doit m’élever au dessus de tous les anges. Dans cette impression je reçois une si grande richesse que Dieu NE PEUT ME SUFFIRE AVEC TOUT CE QU’IL EST COMME DIEU, NI AVEC TOUTES SES OPÉRATIONS DIVINES;CAR DANS CETTE PERCÉE JE REÇOIS CECI : QUE DIEU ET MOI NOUS SOMMES UN !

Là je suis ce que j’étais et là je ne croîs ni ne décrois, car là je suis une cause immobile, qui fait mouvoir toute chose ;

Alors Dieu ne trouve plus de lieu dans l’homme, car l’homme conquiert par cette pauvreté ce qu’il a été de toute éternité et demeurera toujours.

Alors Dieu est un avec l’esprit et cela c’est la plus extrême pauvreté que l’on puisse trouver.

QUE CELUI QUI NE COMPREND PAS CE DISCOURS NE SE METTE PAS MARTEL EN TÊTE. EN EFFET TANT QUE L’HOMME N’EST PAS SEMBLABLE A CETTE VÉRITÉ, IL NE PEUT COMPRENDRE CE DISCOURS, CAR C’EST UNE VÉRITÉ SANS VOILE QUI EST SORTIE DIRECTEMENT DU CŒUR DE DIEU.

PUISSIONS NOUS VIVRE DE FAÇON A L’ÉPROUVER ÉTERNELLEMENT AMEN !

Extraits du sermon 52(Traduction Alain de Libera)